☞ Intrigue 1

Elle a besoin d’air, Isabel. Elle a besoin d’air parce qu’elle sait qu’une journée au milieu de sa maisonnée de campagne ne sera jamais solitaire. L’enfant curieux continue de chercher la présence de celle qui continue de le fuir. Elle qui se pavane au sein d’un monde qui lui a un jour arraché le battement de son cœur. Le monde se doit de la voir, mais cela ne l’empêche pas d’échapper à ce sorcier chez qui elle voit une image de sa propre personne. Une image qu’elle désire flouter plus que tout, une image dont elle veut s’échapper. Image délicate que son regard rencontre un instant au sein d’un miroir posé au-dessus de la cheminée d’où s’échappent des craquements légers. Elle s’est fait belle, Isabel. Elle s’est fait belle parce qu’elle se fait toujours belle, parce que même lorsqu’elle ne travaille pas, elle sait que le monde aime laisser ses yeux l’observer, sans cesse. Visage pur aux lèvres écarlates, le fond de son regard continue d’hurler ce que son sourire tait avec aise.

La poudre de cheminette s’accroche à sa cape d’ébène, dessine un nuage profond autour de son être alors que ses talons claquent sur les pavés. À peine arrivée dans le quartier du marché de noël, les conversations s’emparent de ses pensées. L’espion ne peut s’empêcher de tendre l’oreille,  curieuse. Elle n’y reconnait rien. Rien si ce n’est les mots de sorciers et sorcières qui sentent l’approche joueuse d’une période de fêtes sans pareille. On parle de famille, on parle de cadeaux précis, secrets délicats bien loin de ceux que la Colombienne recherche. Alors elle les ignore, ombre gracieuse qui attire les regards. Les gallions tintent, rapidement remplacés par un verre de vin chaud qui épouse les lèvres vermeilles avec douceur, par un paquet de pain d’épices qui se laisse porter jusqu’à l’une des poches de sa cape d’hivers. Ses pas lents la portent au travers de la foule jusqu’à ce qu’un autre corps ne se trouve sur son chemin (SAGA). Elle s’arrête, Isabel, face à une sorcière à la chevelure blonde qui ne semble pas vouloir s’éloigner. Inconnue, il y a pourtant quelque chose dans le fond de son regard qui réveille une certaine curiosité chez la rebelle. « Santé, » dit-elle simplement, levant son verre vers celui de la sorcière. C’est un sourire qu’elle lui offre, le sourire joueur d’une femme étrangère qui se joue du monde. « Pain d’épices ? » demande-t-elle, offrant une de ses friandises. « Prête pour le spectacle ? »

Mélodie entêtante de flûte enchantée aux oreilles, gazouillis d’enfants pas sages au milieu des flocons de neige qui tombent d’un ciel sans nuage, des flagrances réconfortantes de vin chaud et de cannelle, ici et là des pommettes empourprées et des truffes humides par-dessus des sourires débonnaires… c’est qu’on y croirait presque, à cette liesse ambiante et à ces cœurs réchauffés en plein giron de l’hiver et de la guerre. Mais Hattie, elle ne sait même pas ce qu’elle est venue foutre là, peut-être faire tiédir son cœur triste et ses mains froides à la chaleur humaine, s’enivrer de la joie des autres à défaut de la sienne, se fabriquer le temps d’un soir une compagnie amicale, ou un peu tout ça à la fois, sans doute. Elle avait toujours beaucoup aimé les fêtes de fin d’année pourtant, Hattie, mais noël et ses festivités ne fleuraient plus bon les parfums des souvenirs d’enfance désormais qu’elle était condamnée à les passer seule. Elle s’était dit que ça lui ferait du bien de prendre l’air et de se mêler aux autres, parce que ça faisait longtemps, mais maintenant qu’elle était là perdue au milieu d’une foule de gens inconnus, l’erreur lui semblait évidente. Et puis elle était parfaitement désœuvrée. C’était pas comme si elle avait un ami à rejoindre pour faire un tour des chalets ou des cadeaux à trouver pour des proches qui n’existaient pas, ou plus ; il aurait fallu, pour vivre ces précieux instants de répit qui semblaient enchanter tout le monde ici, qu’on l’ait un peu moins abandonnée à la solitude ces derniers temps.
Cahin-caha, parce que, mince, elle n’était pas de ces vivants fantoches qui se laissent aller à la mélancolie, Hattie s’avança vers une échoppe. Elle voulait elle aussi sa tasse de vin chaud, sa petite part de félicité dans cette soirée. Il y avait beaucoup de monde, elle se plaça sagement en file indienne derrière une sorcière brune (Abigail) d’à peu près son âge qui lui rappelait vaguement quelqu’un. Sans doute une ancienne camarade de classe. Un coup d’œil aux nombreux sacs qui pendaient le long de ses bras la dissuadèrent pourtant bêtement d’entamer une conversation, elle n’était plus sûre d’en avoir envie.

Pansy se fraie un chemin parmi les fêtards le nez en l'air, les yeux vissés sur les décorations. La têtue l'avouera difficilement mais la magie des fêtes suffit encore à faire battre son coeur caduque, retrouvant quelques bribes d'innocence au fond d'un verre de vin chaud. Les mains enfoncées au fond de ses poches éliminées, la voleuse contemple quelques instants l'idée de déverser les passants de quelques pièces. Elle chasse ses sombres desseins d'une moue contrariée, reporte son attention sur les flocons. Rares sont les soirs où la sorcière ne travaille pas, ayant presqu'élu domicile entre les murs du Chaudron. La serveuse offre ci et là quelques sourires rieur aux habitués croisant son chemin. La belle est populaire, à sa façon. Mademoiselle Pansy et ses longs cheveux bruns, Mademoiselle Pansy et sa bonne humeur. Mademoiselle Pansy et ses yeux si tristes, lorsqu'elle pense que personne ne la regarde.

Les yeux rivés sur le bout de ses chaussures usées, Pansy ne reconnait personne au milieu de la foule. Du moins personne qui ne lui donne envie de se poser quelques instants. Alors, elle continue de déambuler au milieu de visages qu'elle aura oublié demain, profitant avec une félicité morose du froid mordant ses joues. Pansy a toujours aimé l'hiver. Elle déambule, jolie louve aux crocs rouillés. Ses yeux se posent à peine sur l'estrade, la perspective d'une charité pour les revenants la remplissant de sentiments contradictoires. La Rackharrow fait alors ce qu'elle fait de mieux : enfuir la tête au fond du sable et oublier le monde. Un choc fini pourtant par la ramener sur terre. Toute distraite qu'elle est, elle vient de percuter une élégante au manteau blanc comme neige (ELEANOR). Le vin chaud se mêle à l'immaculée fourrure et le monstre grogne des excuses rauques, visiblement mal à l'aise devant ce qui semble coûter une fortune - « Je suis vraiment désolée ça ne l'empêche pas de sortir sa baguette sans cérémonie et de s'empresser d'ajouter  je maitrise assez bien les sortilèges de nettoyage si cela ne vous ennuie pas. » parce que la serveuse n'a rien d'autre à lui offrir d'autre que son affinité pour les sortilèges. Magie gâchée sur du néant, elle qui n'en fait plus rien d'exceptionnel.

Roderick met peu d’entrain à se mêler à la foule. Ces rassemblements ont tendances à l’exaspérer (autant que les autres mondanités très policées). Pas qu’il en montre quelque chose – jamais – mais son esprit est troublé. Entre le thème de la collecte de fonds et l’intervention de son père, il est à vif. Le plus astringent, bien sûr, et qu’importe qu’il ne le reconnaisse pas, c’est d’être là quand il pourrait être avec Phaedre. Il a au moins cent autres choses plus urgentes et plus importantes à faire et, néanmoins, il n'a pas le choix de se trouver là, flanqué d'une escorte de flagorneurs et d'esclaves. L'elfe de la maison Mulciber trottine sereinement derrière lui, à caqueter les horaires, à le faire tourner selon un tracé étudié à l'avance. « Ça va, finit-il par lâcher, doucement las. Je sais encore comment marcher. »

Il a surpris Ethel en compagnie de Theodora Avery, directrice du Département de la Justice, ce qui ni ne le regarde ni n’arrange son humeur. Si Roderick a été tenté d'aller jeter sa minable provocation, l'intromission inopinée d'Ariadne l'en a retenu. Cerné par les ennemis, sinon les adversaires, il se contente d'une brève oeillade à l'endroit de sa soeur et s'éloigne, le soupir tout entier calfeutré dans sa gorge, noyé dans sa poitrine.

Un verre brandi, à l’odeur âcre, lui fait froncer le nez et les sourcils. Roderick n'est pas vraiment surpris de voir Nimue, sans qu'il ne sache pas bien dire pourquoi. « J'ai pas le temps pour ça, aujourd'hui. » L'intonation est neutre mais définitive. Il ne s'amuse pas. Ni avec elle ni avec quiconque. « Excuse-moi, précipite-t-il une formule qu'il serait difficile de moins penser. » Épaule à l'épaule, il la bouscule un peu et la dépasse surtout.

Dans la masse des corps, Mulciber ne remarque pas Saga. Tant mieux. Ses rétines acculent la scène, désespérément vide, toutes les deux à trois secondes. Il a plusieurs raisons d'être nerveux. Toutes, si ça se trouve.

Maebh tourne presque le dos à son interlocutrice, les lèvres serrées en un sourire criant tout son désintérêt. Elle hausse les épaules, ne prend même plus la peine de répondre. La Maebh d'hier aurait feint un rire cristallin, se serait habilement départie d'une remarque acerbe. Mais le fantôme n'a bien souvent plus la patience pour ce genre de bêtises et c'est ainsi que le masque se fissure et que le monstre montre son vrai visage : le monde l'ennuie. Même morte, la Rosier est persuadée de valoir mieux qu'eux. Mieux qu'elle dont la famille est condamnée à rester au second plan, loin derrière le faste de sa famille. L'aigreur vous va mal au teint, Scylla - manque t'elle de siffler. « C'est forcément une de leurs priorités, après tout, qui ne voudrait pas être concerné par les besoins de nos morts revenus à la vie ? » - « Qui en effet. » le manque d'enthousiasme est criant. Oreste désapprouverait certainement le manque de manières de sa benjamine mais la voilà qui profite de l'intervention d'HESTIA pour s'éclipser sans un mot de plus pour les deux Selwyn. La poupée se moque bien des bonnes manières, à présent.

La funambule se mêle sans plus tarder à la foule, esquive des corps et des coudes sans but précis. Déjà, la sorcière s'interroge sur les raisons de sa présence. C'est faux - la Rosier sait très bien pourquoi elle est là. Pour tenter de contenter ce père dont elle avait hier encore l'approbation toute entière. Un soupir se perd et s'étrangle au fond de sa gorge, ses doigts se resserrant autour de son verre comme autour d'une bouée. La princesse avise RODERICK de loin, le salue du bout des doigts avant de s'approcher. « Tu n'as pas l'air très heureux d'être là. » se contente t'elle d'observer dans un demi sourire, son propre visage dégoulinant d'ennui. « Comment vas tu ? » enchaine t'elle de ce ton poli habituellement réservé aux soirées mondaines. Car si les Selwyn ont peu d'importance aux yeux du fantôme, les Mulciber vivent dans la lumière.

« Vas-donc prendre l’air. » Quelques mots, voilà tout ce qu’il lui faut. Quelques mots de la part de Sheza, et le voilà vagabond. Sortit de Gringotts, il se laisse porter par une foule festive qui tente de lui offrir cette joie qu’ils connaissent tous. Mais ce n’est qu’un air fatigué qui continue d’habiter son visage. Il boite légèrement, le Lestrange, vestige d’une mission dont il rentre à peine. Lui qui ne fait pas d’erreurs, il a fait preuve d’inattention. Un esprit précis qui se perd pourtant, qui pense aux piliers de son monde qui commence à faire preuve de faiblesse, des piliers sur lesquels il a désormais peur de s’adosser. Il ignore ses doutes et ses peurs, le serpent. Après tout, ce à quoi il ne pense pas est incapable de le blesser, ou du moins c’est ce qu’il a longtemps cru. C’est vers le vin qu’il se dirige immédiatement, le vin qu’il boit plus vite qu’il ne devrait. Il n’est pas là pour retrouver des proches, pour se laisser prendre dans des discussions mondaines. Il n’est là que parce que Sheza le lui a demandé, parce qu’il a besoin de prendre l’air. Lui qui se déplace de stand en stand, il finit par apercevoir Theodora, accompagnée d’Ariadne, et son cœur se serre immédiatement. Jaloux, encore et toujours, c’est une grimace qu’il lance dans la direction de celles qui ne le voient surement pas. Il se détourne, Adrastos, non désireux de voir plus de cette joie intime qui n’est plus la sienne. C’est alors Eleanor qu’il retrouve, accompagnée de son neveu qui, à lui seul, réchauffe le cœur froid du mangemort. Il tente de se rapprocher d’eux, mais quelque chose l’en empêche. Quelqu’un l’en empêche. Il se heurte au corps d’un sorcier alors qu’une inconnue se heurte à sa partenaire. « Pardonnez-moi, » dit-il, polis. Son regard se pose sur le stand devant lequel se tient l’inconnu (Kenya), et finit par trouver un petit dragon délicat qui attire son attention. « Ils sont magnifiques, » murmure-t-il dans un souffle.

Cecil regarda autours de lui et poussa un immense soupire. Ce qu’il pouvait voir ne l’encourageait, ni ne le motivait, guère. Et pourtant, ce marché de noël avait, en partie, été organisé par son département. Perte de temps et d’argent si on lui demandait son opinion. Et c’était sans parler de la sécurité. Ce genre de rassemblement pouvait s’avérer très dangereux, il n’y avait jamais assez d’yeux pour observer, et la vermine avait un don assez certain pour s’infiltrer là où on la désirait le moins. Bref, Cecil n’était pas très heureux d’être là, mais il se devait de faire bonne figure, aussi bien en raison de son poste, que de son allégeance. Un nouveau bref regard autours de lui et il réalisa que sa sœur, et sa femme, avaient disparu, sans doute attirées par quelqu’un d’autre, ou un stand quelconque. Il n’arrivait pas à comprendre ce que quelqu’un pouvait aimer dans noël, et son esprit. Heureusement, son frère était toujours là, il ne se sentait pas d’humeur à affronter ça seul. Une odeur assez agréable titilla ses narines. Vin chaud. Il en avait besoin. Il attrapa deux gobelets et hésita un instant avant de laisser une pièce en échange. Pas qu’il aimait voler, non il aimait juste user et abuser de son statut. Mais la presse était présente, et il devait laisser une bonne image du parti. Que dirait le public si le directeur de la propagande, et son frère, ancienne star de Quidditch, presque plus célèbre encore que l’imbécile Mulciber qui devait montrer le bout de son nez à un moment ou un autre, se servaient sans payer.
Bref. Il tendit l’un des gobelets à son frère Albern. « Ce serait bien s’ils pouvaient se dépêcher d’allumer ces lumières…. Histoire d’aller voir ailleurs si la fête est plus intéressante…. » Et surtout moins polluée de vermines. L’ordre devait surement avoir des partisans dans la foule. Sa baguette n’était jamais très loin.