left behind (ruby)

Merci, docteur Hector . Un sourire charmeur plus tard, Ruby sortait de Sainte Mangouste avec une copie du dossier de Niamh Grimblehawk. La vie était si facile quand on savait la prendre par le bon bout (dans tous les sens du terme). Elle n’était pas obligée de le faire, mais ça lui faisait plaisir. Depuis qu’elle avait décidé que ce serait son mode de vie, elle y avait pris goût : obtenir tout ce qu’elle voulait d’une jolie moue avec un regard innocent, ou de deux phrases suaves accompagnées d’effluves d’Amortentia s’échappant de ses cheveux. Si vous voulez quelque chose, prenez le. Et Ruby voulait ramener quelque chose à son instructeur préféré. Les papiers avaient été rapidement dissimulés. Le Médicomage ne parlerait pas plus qu’elle, ce qui rendait les choses faciles. Il n’y avait plus qu’à se rendre discrètement jusqu’au domicile moldu dans lequel Moros se trouvait. Et, quoi qu’on en pense, quand elle le voulait, la Weasley savait se faire oublier. Elle fit quelques emplettes avant de quitter les lieux, soit disant pour la boutique familiale, mais en réalité … se perdre dans les rues moldues était le meilleur moyen pour semer d’éventuels Raffleurs. On n’était jamais trop prudente, même si tout le monde la prenait simplement pour une superbe cruche qui ne voulait rien d’autre que de finir par décrocher des fiançailles avec un riche héritier. Comme si cela risquait d’arriver un jour …

Une demi-heure de détours. Une heure. Personne n’était à ses trousses. Elle parvint finalement à l’immeuble. Défit les sortilèges de protection pour entrer, les relançant derrière elle, histoire qu’ils soient avertis si quelqu’un les trouvait. Il y avait deux raisons à sa visite. La première était dans ses affaires, la fille de son ami avait été victime d’un accident dernièrement. Rien de bien grave, mais elle avait préféré en avoir le cœur net avant d’aller le voir. Et la seconde … un combat d’importance se dessinait devant elle. Et elle avait besoin d’un entraînement spécial. Elle n’attendit même pas qu’il réponde aux coups rituels qu’elle frappa à la porte, elle entra en trombe, refermant derrière elle. Trop d’excitation. Si elle avait pu la contenir en public, il n’en était plus rien là, à l’abri des regards. Moros ! Elle se jeta sur lui pour l’étreindre, sans lui demander son avis, avant de se reculer. D’un geste, elle enleva sa cape qu’elle envoya valser dans un coin, récupérant au passage le dossier qu’elle jeta sur la table : Niamh va bien, plus de peur que de mal, au moins elle ne mélangera plus du mercure avec du plomb sans y réfléchir. Elle marque une pause : Ou était-ce avec de l’arsenic ? Elle secoua la tête, ne parvenant pas à se souvenir : Whatever. Elle va bien et j’ai une grande nouvelle. Ses yeux pétillaient d’un éclat un peu mauvais alors qu’elle se retournait pour lui faire face. Ses mains, tremblant d’impatience, se posèrent sur la table pour essayer de se stabiliser. Elle va participer à un tournoi chez Madame. Theodora Avery. Le nom fut craché avec dégoût. L’assassin. La meurtrière. La parvenue. Son modèle et son Némésis. L’heure était enfin venue : Je vais combattre. Une certitude. Et je vais la tuer. Une promesse. Enfiévrée, elle se redressa : J’ai besoin de toi. Qu’il la prépare. Qu’il la blesse. Qu’il manque de la tuer. Mais qu’elle puisse enfin mettre fin aux jours de cette harpie.

Merci... Mmh ? La jeune femme n’est déjà plus là. Non pas qu’elle se désintéresse totalement de Niamh, bien au contraire, mais elle a d’autres choses en tête, à ce moment-là. Depuis que Theodora a passé la porte de leur demeure, pour leur annoncer la mort de leur tante, avec le sourire satisfait de celle qui a exécuté elle-même le méfait, Ruby n’a pas eu d’autre but, dans sans vie. Même si d’autres sont venus s’ajouter à l’équation, l’Ordre, les Horcruxes, son objectif a toujours été le même : elle. La mettre à genoux, comme elle l’a fait pour son cousin, qui a perdu père et mère du même mouvement. Chaque décision qu’elle a pris, chaque mouvement sur l’échiquier a été calculé pour en arriver à ce moment : tout lui prendre. Tout supprimer. Pour qu’elle la supplie de l’achever. Elle n’en est pas là, pas encore, même si elle est en excellente voie avec sa fille. Mais la perspective d’avoir une chance d’en finir, de passer ses mains autour de sa nuque, de l’entendre craquer, de lui faire rendre son dernier souffle … la grise. Lui fait perdre tout sens commun. Il a été suffisamment difficile de ne pas laisser paraître son excitation quand elle lui a proposé le combat, sous les traits d’Hazel. Le tournoi, pour être plus précis. Mais il ne fait aucun doute dans l’esprit de la Weasley qu’elles se rencontreront en finale. Et qu’elle la tuera. Ruby... Excuse-moi, mais je ne pense pas que tu y parviendras, même avec la meilleure volonté du monde.

Elle en a presque oublié le lycanthrope. Sa tête pivote très légèrement, son regard s’était perdu dans le vide. Pour trouver les prunelles de Moros. Des siennes, brûlantes. Elle se sait fébrile. Elle se sait emportée. Elle n’a pas envie d’entendre ce qui va suivre. Elle a besoin d’y croire, besoin de savoir qu’elle va enfin effacer le sourire suffisant du visage ridiculement parfait de la blonde. Qu’elle va teinter sa chevelure claire de son hémoglobine. Détruire un par un les os de sa silhouette faisant frissonner le monde. L’anéantir, à la force de ses poings. Son être entier tremble, vibre, à l’appel du sang de la Avery. Elle est à deux doigts de lui demander une cigarette, pour calmer ses nerfs, deux secondes, pour essayer de réfléchir. Non. Non, elle n’en a pas envie. Elle veut passer à l’action. Maintenant. Elle a assez attendu. Elle n’en peut plus, de cette vie à glousser aux blagues plates des Mangemorts, à manipuler pour avoir de l’attention, pour qu’on ne voie qu’elle, la cruche que toute personne saine d’esprit méprise. Assez. Assez de tout ça. Elle veut un dernier show down. Impliquant la mort de Theodora dans l’arène. Laisser le Polynectar se dissiper pendant les derniers instants du combat. Qu’elle sache qui la tue. Que le monde entier sache …

Encore une fois, elle est partie, loin, très loin. Cette femme est une machine de guerre, formée pour détruire. Elle va pour lui demander s’il croit qu’elle, de son côté, est un chaton. Mais les mots se heurtent à d’autres qui veulent sortir dans le désordre, et il enchaîne de lui-même, de toutes les manières. Je sais que c'est également ton cas. Mais tu fais dans la subtilité, quand elle ne s'occupe que d'anéantir. C’est vrai et elle le sait. Quand elle tue, habituellement, c’est par plan minutieux. Dans son travail, son vrai travail, pas les plumes, elle ne se salit jamais les mains. Mais quand elle se bat, c’est différent. Oui, et non. Ses adversaires ne s’attendent pas à la finesse d’analyse dont elle peut faire preuve, quand ils voient la force des coups qu’elle envoie. C’est ce qui la fait gagner. C’est ce qui la met aussi en danger. Une pensée justement sur ce loup qui l’a salement envoyée au tapis, une semaine auparavant, menaçant son grand chelem et son statut d’invaincue jusqu’à présent. Alors apprends moi. Elle ignore si cela s’apprend. Si cela ne va pas déséquilibrer ses techniques de combat, qui sont maintenant rodées. Apprends moi à être comme elle. Apprends moi à être meilleure qu’elle. Est-ce seulement possible ? Ce n’est pas son style. Tout se bouscule dans son esprit. Elle sait que Moros ne lui raconte pas n’importe quoi. Ses conseils sont toujours avisés. Mais elle ne peut pas renoncer. Pas maintenant. Elle aurait sans doute, dans le feu de l’action, été prête à lui demander de la mordre, pour aller jusqu’au bout. Mais elle n’en est pas là. Pas encore. Il reste de la lucidité en Ruby. Ou dis-moi quelles sont ses faiblesses. Elle en a forcément. Si elle a appris quelque chose sur le ring, c’est que nul n’est invincible. Elle se passe une main sur le visage, essayant de se calmer : S’il te plaît … Moros. S’il te plaît. Elle a besoin de ça. Besoin qu’il lui dise qu’il y a quelque chose à faire. Elle veut la tuer. Non. Elle doit la tuer. Pour avancer. Parce qu’elle est perdue. Au bord de la rupture, dernièrement. Alors cet espoir, c’est tout ce qu’elle a. Et elle ne veut pas qu’on lise la détresse qui l’habite en ce moment. Elle ne veut même pas la voir, elle-même. Alors la folie meurtrière lui est grandement préférable.

Elle est suspendue à ses lèvres. D’accord, elle s’est enflammée. Ok, elle n’a pas l’ombre d’une chance dans l’état actuel des choses. Sauf en cas de miracle. Mais on ne joue pas sa vie sur la volonté de puissances divines ou du destin. Ce n’est pas son genre. Malgré cette envie d’en finir, malgré cette rage de vaincre, elle n’est pas suicidaire. Elle attend son heure depuis trop longtemps, elle a trop sacrifié pour en arriver où elle en est. Mais il le faut. Il faut que ce combat se produise, il faut qu’elle l’extermine, une bonne fois pour toutes. Que Theodora Avery ne soit plus qu’un lointain souvenir. Et même si elle sait que le monde sera un meilleur endroit où vivre sans la blonde dans les parages, Ruby n’est pas assez hypocrite pour prétendre que le premier mobile n’est pas la vengeance. La justice ne fonctionne pas comme ça ? Allez dire ça à une jeune femme qui exécute celles des autres pour de l’argent depuis des années. Peut-être que la réponse est là, en réalité, finalement. Laisser tomber, la prendre comme si elle était une cible, une commande et l’exécuter de la sorte. Mais elle a décidé il y a maintenant des années que ce n’est pas suffisant, ce n’est pas à la hauteur du crime commis. Alors il n’y a plus que Moros, pour l’aider. Et lui seul. Oh, Ruby... Ne sois pas si obstinée... Ses mouvements brusques ne lui font pas peur. Elle ne faiblit pas, ne flanche pas. Elle n’acceptera pas « non » comme réponse. Et il en est parfaitement conscient. Si elle ira quand même s’il refuse ? Sans doute. Il se pourrait qu’elle n’ait qu’une occasion et il est hors de question de la rater. Alors elle attend encore quelques secondes, vibrant de cette énergie qui ne faiblit pas. Il va craquer. Il va lui dire … Je le ferai.

Ce n’est pas un sentiment de victoire qui s’empare de la Weasley, mais une vague de soulagement qui déferle sur elle. Elle a toujours été consciente que sans lui, elle n’a aucune chance de réussir. Elle ne bouge pas. Pas encore, pas alors qu’il semble toujours en plein combat intérieur, de peur qu’il ne revienne sur ce « oui » arraché. Mais je décide quand tu es prête. Moi, et moi seul. Son souffle se bloque dans sa poitrine alors que les rouages de son cerveau se mettent en marche rapide. Pourrait-il la retenir avec cette promesse ? Ne jamais lui donner le feu vert pour y aller ? Immobile, elle pèse les possibilités. Non, décide-t-elle. Contrairement à d’autres, Moros ne lui a jamais menti, jamais rien caché. Alors il ne ferait pas ça. Je te préviens. Si j'apprends que tu l'as combattue sans mon autorisation, n'attends plus rien de moi. Ni soutien ni aide. Tu seras seule. C’est d’accord. Pas une seconde d’hésitation chez le jeune femme. Jamais elle n’a rendu de comptes à qui que ce soit, pas même à ses parents, qui désapprouvent complètement ses choix de vie (à part si cela peut redorer le blason des Weasley et les ramener sur le devant de la scène). Pourtant il n’y a pas l’ombre d’un doute ou de duperie dans son regard quand elle accepte. Son regard est droit et sérieux, trouvant celui du lycanthrope. Il est des gens à qui elle ne ment pas, et, elle l’espère, ils le savent, qu’ils sont différents de tous ceux qu’elle mène en bateau à longueur de temps. Lentement, elle répète : Tu m’entraînes. Tu mesures mes progrès. Tu décides quand je suis prête. Un frisson la parcourt alors qu’elle prononce, à voix basse : Et je la tue. Ses yeux se ferment, doucement. Il faut qu’elle se calme. Si elle s’enflamme de la sorte, elle n’a pas la moindre chance. Cette femme ne semble jamais rien ressentir, à peine quand elle les voit, Alhana et elle. Et encore. Ou Maav. Ça, c’est amusant. Mais elle se contrôle toujours. Peut-être doit-elle apprendre à faire de même. L’ange est passé. Elle s’approche de Moros et lui tend la main, pour sceller leur accord. Elle est prête au Serment Inviolable s’il le désire. Mais cela n’ira pas jusque là, elle s’en doute. Merci. La salive est difficilement avalée. De mon côté, j’essaye de réussir à nous décrocher un ordre de mission. Donnant donnant. Tout est transaction, dans la vie, et Ruby ne connaît pas d’autre fonctionnement. Et, au-delà de ça … elle lui doit bien ça.