Learning is sharing // flashback (Kenya & Prométhée)

   
Il fallait savoir que Prométhée, du haut de ses quelques années de vie, n'était clairement pas le genre d'homme à avoir assez d'autorité pour devenir un professeur. Il l'aurait peut-être fait, d'ailleurs, s'il en avait eu l'opportunité : c'était un métier qui l'aurait grandement intéressé, de part l'importante concentration de connaissance qu'il voyait souvent bouillir dans la tête de ses enseignants, mais aussi parce qu'il aimait particulièrement l'idée de venir en aide aux autres, de leur montrer des choses et de leur expliquer les grands principes qui régissaient l'univers. Dans son idée, c'était presque comme un jeu de logique, quelque chose où il suffisait d'assembler les cases avec une harmonie détonante pour que tout soit en ordre, pour que chaque chose ait une place et la conserve bien précieusement. Il s'était rendu compte parfois, au détour de leçons chaotiques notamment, quand lui-même ne saisissait pas l'essence de ce que le professeur avait voulu dire, que ce jeu était loin d'être aussi simple que ce qu'il n'avait imaginé.

C'était une tâche ardue, que d'être un enseignant : et il éprouvait tout de même un grand respect pour ces gens qui avaient le courage de vouer leur vie aux autres. Lui, finalement, s'était tourné vers sa passion légendaire pour les livres, et pour à peu près tous les documents écrits qu'il pouvait trouver. C'était son passe-temps favori, secondes égrenées à feuilleter les ouvrages, papillonnant à la volée entre Shakespeare et la Science des Étoiles. C'était un passionné, vraiment : Prométhée était de loin l'élève le plus impliqué quand il s'agissait de théories, de recherches et de lectures. S'il avait toujours eu quelques réticences faces aux matières plus pratiques, il s'en était sorti avec brio quand il s'agissait de parler d'arithmancie et d'astronomie.

À l'astronomie, d'ailleurs, il vouait toujours une bonne partie de ses heures solitaires, celles qui, même s'il ne devait pas les passer à travailler, se trouvaient toujours fort bien utilisées au détour des couloirs d'une bibliothèque. C'était parce qu'il avait beaucoup de temps à revendre, en étant en formation auprès des archivistes de Poudlard, que le serpentard s'était bien décidé à mettre ses connaissances au service de qui les voudrait bien. Non, ça non, il n'avait pas le courage ni les épaules pour devenir professeur, et il n'était pas prêt à ça. En revanche, il pouvait largement se défendre avec honneur devant un comité restreint, alors, pour pouvoir mettre en œuvre son entreprise nouvelle, il avait posté un petit papier sur un tableau à annonce, proposant son aide individuelle en soutien scolaire pour les élèves en difficulté. En réalité, il n'avait peut-être pas grand espoir : les jeunes étaient assez soutenus par les professeurs pour y arriver, mais il savait toujours qu'avant les examens, les élèves avaient souvent besoin de conforter un peu leurs savoirs.

C'était donc en astronomie que l'on avait réclamé ses aptitudes : et il était bien loin d'être déçu, c'était sans aucun doute sa matière préférée. En même temps.. Des étoiles, un peu de mystère et beaucoup d'émerveillement, c'était pour lui un véritable cadeau du ciel. Alors, il avait révisé le programme mentionné par son futur élève, et il avait donné rendez-vous à ce dernier dans une salle libre pour être à l'abri des chahuts et du bruit. C'était la toute première fois qu'il allait donner son cours, à vrai dire, et il n'était pas bien rassuré. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête, toujours les mêmes depuis son enfance ; des affaires d'être à la hauteur, d'être digne de son nom, de son blason, et des considérations que l'on avait égard à lui. Prométhée resserra machinalement la cravate émeraude qui ornait sa tenue de serpentard, et se leva maladroitement quand il entendit son élève pousser la porte. « Euh.. Bonjour ! » marmona-t-il avec une timidité mêlée à de l’appréhension.
   

Comment faire ? Comment s’en sortir ? Toutes ces branches qui lui semblaient si futiles n’étaient vraiment pas son point fort. Il n’arrivait pas à faire semblant, à passer par-dessus malgré le fait que Kenya savait que s’il ne faisait rien, il n’allait pas passer ses ASPICs et poursuivre son rêve. En pratique, le jeune Griffondor était un as, il excellait dans tout ce qui demandait de l’application, mais dès qu’il fallait se plonger dans des bouquins qui lui donnaient l’impression de perdre son temps ou dans une branche un peu trop théorique à son goût, son esprit se perdait dans les histoires de dragons qu’il avait lues. Le jeune sorcier n’était pas seul, il était même plutôt bien entouré mais ses camarades n’arrivaient pas vraiment à l’aider ou à le soutenir, malgré leurs efforts et leur bonne volonté. Alors l’adolescent se mit à chercher une autre façon d’obtenir de l’aide.

Petit à petit, il avait abandonné cette idée. Puis, suite à un cours de divination, il descendit dans la Grande Salle et son attention fut attirée par une annonce. Un élève de sixième année proposait son aide à de plus jeunes. Certains d’avoir touché le Bingo, le jeune Wilde contacta ce cher Prométhée Black par courrier. Il lui envoya une lettre simple, lui donnant un lieu de rendez-vous dans une salle d’étude qu’il connaissait pour être tranquille. S’il devait essayer d’apprivoiser cet art qui lui était tant exotique, ça ne serait pas au milieu d’un brouhaha qu’il allait y arriver ! Il reçut rapidement une réponse et ils échangèrent quelques lettres afin de mettre en forme ce qu’ils allaient aborder comme sujet, soit la lecture dans les feuilles de thé. Kenya suivait ces cours depuis peu, environ quatre mois, mais malgré ce court laps de temps, il avait pu se sentir dériver du niveau que ses camarades intéressés avaient pu acquérir.

Après avoir enfilé sa cravate rouge et or ainsi que son uniforme, le Griffondor se mit à traverser le château pour rejoindre ladite salle d’un pas énergique. Son regard était sûr, il avait enfin une solution à son problème et il était convaincu – un peu trop peut-être ? – que cet inconnu allait pouvoir lui donner ce petit truc qui allait pouvoir l’aider à se plonger dans ces choses qui était tant abstraites à ses yeux. Sa pile de bouquins dans les bras, il dévala le dernier escalier en colimaçon avant d’arriver devant la porte en vieux bois entrouverte sur un feu de bois qui crépitait et une silhouette longue et fine. Au moins ce cher Prométhée avait le physique pour la tâche, et sa pensée se concrétisa encore plus quand il s’approcha de lui, après avoir poussé la porte, pour le saluer.
- Enchanté, Kenya… Répondit-il alors qu’il lui tendit une main ferme et volontaire. Tu es bien Prométhée ? Enchaîna-t-il afin de tenter de créer un début de discussion vu que son professeur du jour n’avait pas l’air d’être très à l’aise.
Le Lion ne put que remarquer la couleur de la cravate de son interlocuteur : le vert émeraude, le vert serpent. Un animal qu’il n’appréciait particulièrement pas malgré sa proximité avec le dragon. Le jeune adolescent allait devoir s’armer de patience et passer par-dessus ses préjugés car ses contacts avec les membres des Serpentards n’étaient vraiment pas les meilleurs.

   
Son air assez peu assuré, Prométhée le traînait déjà depuis un long moment maintenant. Lorsqu'il avait été petit, rares étaient les fois où il avait fait preuve de toupet ou d'assez de détermination pour qu'il soit considéré comme un fort d'esprit. Depuis son entrée à Poudlard, les choses n'avaient malheureusement pas changé : il était l'enfant discret dans le coin de la salle, celui qui est une proie bien trop facile pour les petits malins qui se faisaient toujours un plaisir de venir lui jouer des tours – parfois seulement rigolos, cela tournait de temps à autre à des plaisanteries de mauvais goût qui avaient valu plusieurs explications devant les professeurs. En ce jour, et même s'il était instinctivement celui qui devait maitriser la situation, Prométhée sentait toujours cette incertitude lui briser la moindre assurance qui avait tenté de se frayer un chemin sur son visage.

Son élève était entré, et à sa différence semblait beaucoup plus volontaire. Une chose que le jeune serpentard avait toujours estimé chez les autres, et longtemps rêvé pour lui. Non, il n'était pas de ceux au charisme indubitable, pas de ceux qui imposent le silence par un simple relevé de menton. Il espérait seulement que ce ne soit pas un point négatif pour lui dans son enseignement, car face à un élève qui semblait directement en imposer plus que lui malgré son plus jeune âge, Prométhée avait du soucis à se faire. Timide encore, il releva pourtant la tête pour observer son interlocuteur. C'était la première fois qu'il voyait cet élève-là ; ce n'était sans doute pas un hasard à en juger par les couleurs flamboyantes qu'il arborait. Un Gryffondor, un vrai : son attitude ne sortait sans doute pas de nulle part, finalement. Prométhée accueillit la main qu'il lui avait tendue, serrant cette poignée qui, en réalité, était plus subie par lui que vraiment énergique.

Rien que par ce geste, le dénommé Kenya lui promettait déjà d'être un élève assez dynamique. Ce n'était pas un mauvais point en soit, seulement.. Prométhée espérait qu'il ne soit pas pour autant trop dissipé, sinon, la tâche allait se compliquer pour lui. Il esquissa un sourire adressé à celui qui avait répondu à son annonce, fier finalement d'avoir quelqu'un à qui épancher son savoir qui bouillonnait sans cesse. « Oui, c'est bien moi, Prométhée Black » confirma-t-il, à la demande du nouveau venu. Il avait adopté un ton amical, ne voulant pas non plus paraitre comme un tyran auprès de ce nouvel élève – de toute façon, quiconque le connaissait savait pertinemment que l'autorité était loin d'être sa force..

Il vit pourtant le petit regard de son interlocuteur lorgner sur sa cravate, aux couleurs émeraude et argent : symbolique des serpentards, elle était toutefois porteuse d'une bien piètre réputation auprès de ses camarades. Prométhée espérait que cela ne lui porte pas rigueur auprès de son élève : ici, il n'était pas un serpentard, il était simplement Prométhée Black, le gamin qui s'ennuie et qui veut se rendre utile. D'un geste quasiment inconscient, il ramena les pans de sa robe de sorcier devant lui, masquant une bonne partie de la cravate aux yeux de l'autre ; un bref regard sur les livres que son nouvel élève portait, et il lui adressa un nouveau sourire. « Bon, j'espère que je ne te fais pas peur parce qu'à priori, on va passer quelques heures ensemble.. » fit-il, sur le ton de la plaisanterie. Pour ça non plus, il n'était pas très doué.. Et l'humour, c'était toujours sa roue de secours préférée lorsqu'il était mal à l'aise..

Le serpentard se laissa asseoir dans le fauteuil qu'il avait occupé en attendant son élève, et commença à s'intéresser aux livres qu'avait apporté Kenya. « Alors, si je me souviens bien, tu prépares les ASPICs ? Tu veux travailler quoi aujourd’hui ? » fit-il, décidément fier de voir cette annonce d'aide se concrétiser pour lui.
   

Malgré son jeune âge, Kenya avait déjà tout d’un vrai Gryffondor. Il émanait une certaine volonté de sa personne qui pouvait se remarquer dans son attitude ou dans son regard. Un regard vif, pétillant de curiosité, tel un feu d’artifice dans le plus sombre des ciels d’hiver. Malgré cette apparence, le jeune adolescent avait tout de même cette boule qui lui prenait les tripes, ce sentiment de se lancer dans la gueule du loup. Compte tenu de la situation, il ne risquait pas grand-chose à se lancer… Les élèves qui proposaient leur aide étaient souvent des personnes de référence dans leurs cours, que ce soit par leurs notes ou leur engagement. On lui avait déjà raconté des tas de choses sur ces leçons de soutiens mais il ne se laissait pas embobiner par tout ce qui venait à ses oreilles, sans quoi il aurait sûrement déjà annulé son premier cours avec ledit Prométhée Black. Le Lion n’avait pas encore le bagout, ni la maturité pour avoir pensé à l’avance de s’informer sur la personne qui allait se tenir devant lui. Son problème de cours était trop important à ses yeux pour s’occuper de qui allait lui proposer une solution. Après tout, tant qu’elle fonctionnait pour lui, Kenya n’en avait rien à faire de qui la lui donnait.

Quand il rentra dans la pièce, il sourit naturellement à son interlocuteur qui devait bien avoir une bonne tête en taille de plus que lui. Le futur éleveur de dragons nota rapidement cependant une certaine timidité dans l’attitude qu’avait son professeur. Sa poigne était plus molle que la sienne, même si ferme. La parole de son père résonnait encore dans son esprit, lui rappelant qu’une poigne dynamique était un bon premier signe dans un échange purement professionnel. Voyant ce cours de cette façon, le jeune Wilde appliquait alors un code un peu plus sérieux qu’il lui était connu, sans pour autant mettre des bâtons dans les roues de Black s’il cherchait à créer un lien amical par la suite.

Une fois la présentation faite, le regard de Kenya fut attiré par la cravate de son interlocuteur qui se révéla être verte. La couleur des Serpentards. Si ce détail avait été mentionné dans l’annonce, le jeune Gryffondor se serait retenu d’y répondre, malgré son besoin apparent pour ce soutient. Telle est la rivalité entre les maisons à Poudlard. Une discrimination qui peut se montrer très forte, surtout entre les maisons opposées. Pris dans une position qui le portait à préjudice, l’éducation de l’unique rejeton Wilde prit le dessus, une éducation polie et courtoise. Malgré ses efforts, Prométhée remarqua sûrement son regard car il rabattit les pans de sa robe de sorcier de façon ce Kenya n’en voit plus que le nœud. Il lui rendit son sourire avant de déposer ses livres sur la table où ils allaient étudier.
- Il en faut plus pour m’effrayer, ne te fais pas de soucis… Lui répondit-il gentiment avant de continuer J’ai madame Krowoski… Elle est carrément flippante ! A ces mots échappés sous le ton d’une confession, il lâcha un petit pouffement. Il avait remarqué que son professeur faisait des efforts pour que le cours se passe bien alors il n’allait pas commencer à mettre les pieds contre les murs.
Kenya s’assit donc sans poser de question à côté de Prométhée qui épiait déjà les livres qu’il avait amené. Le jeune Gryffondor avait effectivement oublié de mentionner ce qu’il voulait voir dans sa demande, détail qu’il remarqua seulement maintenant. La spontanéité était une de ses forces, mais également une de ses faiblesses.
- Et bien je dois t’avouer que j’ai un peu de peine dans tout ce qui est… théorique… Moi je veux devenir éleveur de dragons tu vois, du coup tout ce qui touche aux animaux ou à l’application de la magie, y a pas de soucis… Mais pour le reste… C’est trop… Commença-t-il en faisant des gestes abstraits avec ses mains. …Trop abstrait…. Il prit alors le premier livre qu’il posa devant eux : celui sur la divination, puis il soupira, jouant son grand comédien. C’est ça le cœur du problème… On a évaluation dans deux semaines et… Je n’ai toujours pas compris les bases !