We are the warriors - Briar.

we are the warriors

BRIAR & ISABEL

EARLY JANUARY 1996

Il y a de ces réceptions durant lesquelles elle n’est que beauté, Isabel. Ces réceptions au sein desquelles la pureté règne, ou elle s’assure d’être l’image d’une perfection sans pareille. Robes de soirées et chevelure délicate, c’est ainsi qu’elle danse au rythme de violons harmonieux. Mais toutes les soirées ne se ressemblent pas. Mais toutes les soirées sont loin d’être les mêmes. Alors elle se montre différente, Isabel. Le prix est le même. Les gallions sont toujours aussi nombreux. Il n’y a que son apparence qui change. La robe est plus courte, l’apparence plus urbaine, les couleurs plus vibrantes. Elle se déguise, Isabel. Elle se déguise comme elle se déguise toujours, parfaite image au sein de cet environnement nouveau. Loin de la chaude lumière des réceptions de la pureté, c’est au sein des ténèbres d’un monde sous-terrain qu’elle danse désormais. Son partenaire est inconnu, nouvel homme qui aime se prétendre apprécié. Un sorcier parmi tant d’autres qui s’affiche avec la beauté. La est tout ce qu’il obtiendra, la est tout ce pourquoi il a payé. Alors elle danse, la colombienne. Rythme acharné qu’elle suit sans difficulté, chaque pas s’annonce sans doute. Elle sourit, la revenante. Elle sourit, mais elle ne désire être qu’ailleurs. Le soldat est parvenu à s’habituer à la sophistication simulée, mais ce monde aux sons violents est bien loin de ce qu’elle apprécie. Felipe tente de l’empêcher de rejoindre ce genre de soirées. Il la dit ne pas les mériter, elle qui observe la drogue avec mépris. Cette drogue qui coule à flots, cette drogue dont son partenaire raffole, cette drogue qu’il lui propose, cette drogue qu’elle lui refuse. Qui connait les effets de ces substances sur le corps que l’on a arraché à la mort ?

« Tu bois un verre au moins ? » Si elle pouvait lever les yeux au ciel, elle le ferait. Mais elle ne peut pas. Mais elle se doit de sourire. Alors elle sourit. Elle accepte. L’alcool coule le long de sa gorge sans hésitation, se perd au sein de son être alors qu’elle repose le verre vide. Elle a l’habitude de se sentir admirée, Isabel. Elle fait tout son possible afin de s’assurer que les regards se posent sur elle et personne d’autre. Mais au sein de ce monde étranger, elle n’est qu’une femme parmi tant d’autres. Et cela ne lui plait pas. Cela ne lui plait pas parce que c’est normalement l’attention que le monde lui offre qui lui sert de protection, de bouclier face aux attaques de certains. On défend la beauté lorsqu’on la sent en danger. Qui viendrait au secours d’une inconnue dont le monde se moque ?

« Viens danser. » C’est un ordre plus qu’une demande. Elle le suit, silencieuse, celle qui se doit d’offrir le service que l’homme désire. Mais ce n’est pas vers la salle principale qu’il se dirige. C’est une pièce solitaire qui se dessine. C’est au sein d’une pièce solitaire qu’il l’enlace. Elle sourit, Isabel. Elle sourit parce que c’est ainsi qu’elle se doit de réagir. Elle sourit parce qu’elle ne peut montrer sa colère. Il l’embrasse. Elle éloigne son visage. « Tu es en manque de gallions pour y avoir droit, » murmure-t-elle dans un rire. Elle rit parce qu’elle est à la recherche de ces gallions. Elle rit parce qu’il se peut qu’il change d’avis. Elle rit, mais son rire finit par s’éteindre. Il s’éteint alors que l’emprise de l’homme se resserre. « Qui a besoin de gallions ? » Ses mains parcourent le corps de la Colombienne. « Je sais que t’en as envie. » C’est lui qui sourit désormais. Elle ne sourit plus. Les muscles discrets qui parcourent son corps les séparent. « Non. » Il s’approche. Elle s’éloigne. « Je t’ai payéee, non ? » « Pas assez. » Le soldat a remplacé la femme. C’est un regard certain qui habite le visage délicat d’Isabel. Il pose sa main sur son épaule. Le poing de la colombienne rencontre sa mâchoire. Elle l’aurait ainsi quitté. Mais elle ne peut le faire. La baguette du client a trouvé son cœur. Sa poigne s’empare de sa chevelure. Elle ne peut fuir. Elle ne peut bouger. Elle est seule. Personne ne viendra au secours d’une inconnue dont le monde se moque.