Words burn to the ground (Hestia)

Son père lui avait demandé de le rejoindre dans son bureau, un simple sourire sur les lèvres de sa mère qui s'était faite messagère. La méfiance qui crevait son être était revenue, gravissant le myocarde trop silencieux. Mauvais présage à l'horizon, c'était trop solennel pour lui plaire, l'attitude maternelle ne parvenait pas à effacer ses suspicions, mais à l'inverse, ne faisait que les intensifier. Il s'y était rendu, prenant place sur le siège, invitation programmée, évidente, tandis que le regard de son paternel qu'il laissait courir sur lui était plus professionnel qu'autre chose. La noirceur crépusculaire d'un destin qui s'apprêtait à être modifié au profit des intérêts familiaux. Deux branches principales s'apprêtant à se lier dans une promesse déjà donnée par ceux qui n'étaient pas directement concernés. Il y avait eu des hypothèses, des noms avaient circulés, mais aucun ne s'était jamais confirmé... jusqu'à présent. Car les mots avaient fini par être prononcé, laissant Lysandre s'engluer dans un silence de plomb à l'énonciation de sa promise. Hestia. La cousine d'Anthonin. Celle qu'il n'avait jamais vraiment regardée. Celle qui semblait d'une fragilité redoutable, sans doute trompeuse. Celle dont il ne pourrait que se méfier. Celle qui allait entremêler son destin au sien, sans qu'il n'ait réellement le choix. Il écoutait, sans contredire. Il avait toujours su qu'un jour comme celui-ci finirait par se produire, qu'on lui annoncerait ses fiançailles... et ce qui fatalement devrait s'en suivre. Le mariage. La descendance. Il aurait presque grimacé sous le déplaisir qu'il ressentait, alors qu'il ne se sentait pas prêt à embrasser une telle existence. Il aimait ce célibat qui lui collait à la peau. Cette liberté qui suivait chacun de ses pas. Silencieusement, il rejetait cette union qui l'empoisonnait. Lui qui songeait encore à ce soulagement de ne pas être lié à quelqu'un, sensation qui s'évaporait, fondait comme neige au soleil. Par Merlin, le destin n'était pourtant pas si cruel, puisque la jeune femme était désirable... du moins dans son souvenir. Il fallait reconnaître qu'il ne lui avait accordé qu'une attention vaporeuse jusqu'alors. Mais déjà son paternel faisait voler jusqu'à lui une bague familière, héritage familial qu'il allait devoir mettre en gage dans cette union. Une légère crispation taquina sa mâchoire à l'instant où l'anneau serti et finement travaillé se déposa sur sa paume, sur laquelle il referma ses doigts. Douleur pugnace du métal tentant de se fondre vainement dans sa chair. « Nous avons pris la décision avec Eadwin de te laisser aller le lui annoncer de manière convenable. » Il appuyait naturellement sur le dernier mot, s'attendant naturellement à ce que Lysandre procède à une demande en mariage en bonne et due forme. La bague commençait à marquer la chair, tandis qu'il hochait simplement la tête. « Comme il vous plaira, père. L'intérêt de la famille avant tout. »

Il ne se rebellerait pas. Il ne tenterait pas d'échapper à son destin. Il n'avait jamais voulu déplaire à son paternel. Jamais durablement. Il avait embrassé la marque comme une évidence. Il préserverait les siens quoiqu'il lui en coûte. Nul sentiment n'était parvenu à le diriger vers les jupons d'une jeune femme célibataire et pure, alors l'évidence voulait qu'il accepte la décision parentale. Maebh avait été l'exception, peut-être parce qu'elle avait été si chère au palpitant frénétique du père. Peut-être parce que leurs choix avaient coïncidé, avant que les Lestrange viennent à tomber dans cet état de disgrâce actuelle, qui n'empêchait pas son parrain de s'être vu promettre la benjamine Rosier. Lysandre se redressa, prêt à quitter les lieux, lorsque Oreste précisa presque négligemment : « Tu la trouveras aux Trois Chaudrons. » Il hocha simplement une nouvelle fois la tête, comprenant le sous-entendu de s'y rentre rapidement, sans doute pour que des annonces plus officielles puissent suivre celles faites dans l'intimité. Les réceptions l'agaçaient... Les dîners officiels ne trouvaient pas grâce non plus à ses yeux. Mais sa position exigeait pourtant qu'il en soit familier, lui qui préférait néanmoins les bas-fonds au faste étriqué des convenances. Il fit un détour dans ses appartements soit disant pour se rendre présentable, mais avant tout pour accuser la nouvelle. Soit, il allait se fiancer, puis se marier, puis...

Il ne tarda pas à quitter la demeure familiale pour la boutique d'une autre famille, où il ne trouverait normalement pas Anthonin. Il préférait que cela se passe ainsi. Loin de son ami, loin ces détestables sensations dont il ne savait quoi faire. Hestia. C'était sur elle à présent qu'il se concentrait, l'impression de venir s'enliser dans un mariage qu'il ne désirait pas, mais auquel il allait néanmoins se plier. Soupir indistinct, qui suivit ses pas qui le laissèrent s'introduire dans la boutique, avant de se rendre à l'arrière boutique où elle se trouvait. Il prit le temps de l'observer un instant... Merlin n'était vraiment pas cruel au fond, la jeune femme était plus que désirable, visiblement intelligente, mais cela ne changeait rien. La contrariété pulsait derrière son attitude glacée, la méfiance exacerbée à l'idée de laisser entrer dans son existence une femme en laquelle il n'avait aucune confiance. « Bonsoir Hestia. J'aurais besoin de te parler... » Il scruta subitement les lieux, ses lèvres se pinçant légèrement. « Dans un endroit où nous ne serons pas dérangés, de préférence. Y aurait-il un bureau ou une pièce plus intime ? C'est important, et ta famille n'y verra aucun inconvénient. » Après tout, son propre paternel était l'un des deux instigateurs de cet instant précipité, provoqué. Et Lysandre ne précisait cela que pour lui prouver que le choix ne lui était pas réellement donné, alors qu'il s'avançait dans la pièce sans plus la quitter des yeux, la bague dissimulée dans l'une de ses poches.

Tic tac, son entêtant qui refusait de s'interrompre. Murmure sournois qui ondulait sous ce chemin emprunté sous la volonté de deux pères ayant décidé d'une alliance. Le temps s'esquivait, implacable, sans tenir compte des désidératas des principaux concernés. Le choix ne leur appartenait pas, malgré leurs doigts entremêlés avant même qu'ils en aient conscience. Ce n'était pas eux viendraient lier leurs existences. Décision qui les dépassait. Décision qui s'il l'avait rejeté, aurait sans doute déçu son paternel, accentuant son être vers une pente dangereuse.  Aussi ne l'avait-il pas contesté, ce dessein qui avait finalement mené ses pas jusque dans cette boutique, n'offrant qu'une brève explication à la sœur de la principale intéressée, qui ne lui avait opposé aucune résistance. Peut-être savait-elle déjà ce qu'il en était. Peut-être n'était-ce qu'un doute nécessaire, puisque Lysandre n'avait jamais demandé après Hestia. Peut-être n'ignorait-elle rien de ce qui se tramait dans l'ombre depuis plusieurs semaines, de ces accords aux allures d'affaires plutôt que de cœur. Et cela n'avait finalement aucune véritable importance. Ce qui comptait, était leurs présences à tous deux, qu'elle se soit trouvée dans ce lieu que son père lui avait indiqué. Inutile de la poursuivre en d'autres lieux. Inutile également de le mener dans la famille de son meilleur ami pour réaliser une telle demande. D'autant plus depuis leur dernière dispute, cet échange particulier qui s'était soldé par le départ du Rosier. Mais Anthonin ne trouvait pas sa place en cet instant, seulement Hestia, seulement Lysandre, dans cette arrière-boutique où elle souffla son prénom sur le bout de ses lèvres délicates, tandis qu'il observait les lieux, qui ne lui convenaient pas. Il n'avait encore aucune idée des mots qu'il soufflerait à la jeune femme, mais il ne voulait pas le faire ici, au milieu des passages possibles.

La méfiance glissant sur sa chair, la contrariété de ce choix retiré venant dévorer son être, il ne répondit rien lorsqu'elle l'invita à le suivre ailleurs, répondant ainsi à sa demande. Il pénétra dans ce petit bureau, la suivant des yeux tandis qu'elle contournait le meuble principal de la pièce, et qu'il refermait derrière eux silencieusement. Elle ne prit nullement place sur le fauteuil, restant debout, comme si une fois assise, elle serait dans une position d'infériorité, puisqu'il n'irait pas prendre place sur le siège lui faisant face. Il prenait le temps de l'étudier, tandis qu'elle énonçait s'interroger sur la raison de sa présence en ces lieux. Ses lèvres s'étirèrent alors d'un sourire fardé d'une ironie douceâtre. « N'en as-tu vraiment aucune idée ? » Souffle taciturne de celui qui n'exprimait qu'une froideur sarcastique face à la situation, dissimulant la rancoeur d'hériter d'une étrangère qu'il devrait guider jusque dans son lit, entre ses draps, et en faire la mère de ses... enfants. L'idée d'être père lui donnait l'impression d'étouffer. Il n'était pas assez vieux pour provoquer la conception d'un héritier. Du moins, à son sens.  IL ne fallait pas non plus oublier ces secrets qui semblaient ne jamais vouloir se tarir, et à l'inverse devenir de plus en plus nombreux.

Faisant finalement cesser ce suspens inutile, il commença à s'avancer dans l'espace étroit, son regard rivé au sien. « Ton père et le mien ont partagé de nombreuses conversations, ces derniers temps. » Explication qui ne s'avérait être qu'un préambule à la vérité malgré tout sous-entendue à cet instant. « Conversations nous concernant, toi et moi, ainsi que notre avenir. » souffla-t-il enfin, précisant sa pensée, qu'elle devait suivre à la perfection, ayant déjà deviné ou confirmé les hypothèses qu'elle pouvait émettre quant à sa présence en ces lieux, auprès d'elle. Il contourna le bureau à son tour, s'approchant de son être, la nécessité motivant ses pas, ce choix retiré le laissant s'immobiliser face à elle. « Avenir pour lequel il semblerait qu'ils aient trouvé un accord, et aient décidé de me charger de te faire part de leur décision. Ainsi... » Il suspendit son timbre, tandis que ses doigts extirpaient l'anneau délicatement serti. Pièce ancienne.  Héritage qui ne faisait aucun doute. Et qu'il lui destinait sans l'ombre d'une hésitation, les doigts sûrs, malgré l'abyssale contrariété d'un indésirable mariage. Mais sa loyauté aux siens était acquise, et il n'agirait pas contre eux. La décision paternelle devait avoir un sens, songeait-il, tandis que son regard s'attardant sur ses traits soyeux, la peau laiteuse de la jeune femme, la façon dont sa chevelure retombait sur sa chair. « Hestia Selwyn, me feras-tu l'honneur d'être celle qui deviendra mon épouse ? » souffla-t-il enfin, attendant de savoir si elle, comptait se soustraire à la volonté de son père, ou si elle n'y verrait aucun inconvénient. Elle, qui par l'affirmative finirait par renoncer au nom qu'elle portait pour embrasser le sien. Elle, qui en portant l'alliance, verrait son destin se lier à celui dont il ignorait qu'elle ressentait l'obligation qui pulsait dans son poitrail.