daily prophet

La Coupe de Quidditch britanique touche à sa fin. Les Hollyhead Harpies sortent vainqueurs du tournoi et la fête bat son plein. La rebellion, elle, murmure (+).
Les tensions montent alors qu'un nouveau revenant est enfermé à Azkaban pour le meurtre "accidentel" de sa fiancée.
Teatime with the Queen : Buckinghamshire est voté le county préféré des sorciers immigrants.



 

-50%
Le deal à ne pas rater :
-50% Baskets Nike Air Huarache Runner
69.99 € 139.99 €
Voir le deal

Partagez
 

 You're the worst.

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: You're the worst.   Dim 4 Fév - 14:55

You're the worst.
avec phaedre rosier


Jour 1

Sorcière Hebdo en a fait un article pusillanime. Une mention, pourrait-on dire. Pas la Gazette du Sorcier. Ce n’est pas la première page mais, dès la troisième, on a le portrait de l’héritier Mulciber tandis qu’un encart signe, en bas à droite, l’air maussade sur sa face, celui-là même qu’on ne lui connaît pas. Il ne faut pas aller plus loin que six pouces à gauche pour que le titre éclaire toute l’affaire et une mise en page savamment orchestrée : le meilleur parti d’Angleterre savait-il ?

Jour 3

« Il n’y a pas assez de femmes consentantes dans tout le pays… ?
- Elle était consentante. »

Ethel gronde, dédaigneuse, en rompant pratiquement le battant contre la fenêtre. Elle se tourne vers Roderick, qui ne daigne pas lui rendre la politesse. Le sorcier est las de s’en expliquer et surtout las qu’on ne le croit pas. Bien sûr, il voit ce qu’il y a de vraisemblable dans la débâcle mais, tenant ce qu’il sait et ce qu’il sait qu’il a fait pour la seule vérité qui vaille, il garde tout le reste dans le cénacle de son indifférence. Que le lecteur de la Gazette croit ce qu’il veut, d’autant qu’il s’est déjà fait convoquer au Ministère pour démêler les interrogations principales. Le restant, cela embarrasse la même maison même des Mulciber.

Et les Rosier, désormais.

La rumeur d’un mariage entre Phaedre et lui s’est mise à courir dès que Kenneth l’a bien voulu. C’était peu de temps après les évènements au marché de Noël, et le coup d’éclat des miettes d’un Ordre du Phénix. La plus scandaleuse de toutes les presses en a fait des volumes sans que Roderick ne fasse aucun commentaire – ce qui, de fait, en était un.

« Est-ce que tu le savais ? » « J’ai déjà dit que non. » La brune, aux pupilles menaçantes, prend place dans le fauteuil face à lui. Comme il tient son regard bien dans le sien, sa sœur est forcée de le croire – ou de le tenter avec un peu plus de conviction. « On s’est rencontrés à une soirée, j’étais vraiment ivre - » Le regard d’Ethel se plisse et Roderick attend qu’elle crache le venin qui court sur ses lèvres : « Depuis quand tu es trop ivre pour quoi que ce soit ? » Le cadet ne fait pas l’honneur à l’aînée de répondre à son sarcasme et il poursuit en promenant ses doigts sur la bordure de l’accoudoir. « On est montés dans une chambre et elle était d’accord, d’accord pour deux. » L’inflexion a quelque chose de sentencieux qui ne plait guère à la généalogiste et à son inclination naturelle pour celles de son sexe. Avant qu’elle ne feule comme il devine qu’elle va le faire, Roderick enchaîne : « Elle n’a jamais mentionné la Bulgarie, ou qu’on s’était connus là-bas. » « Et tu ne l’as pas aidée à entrer en Angleterre ? » « Puisque je te dis que je ne la connaissais pas ! » À nouveau, la marquée grogne. Son ennui, c’est que Roderick pense certainement ce qu’il dit : il est idiot mais de bonne foi, surtout un idiot. « On m'a déjà posé toutes ces questions au bureau des rafleurs, il s'épuise et il souffle. Sous veritaserum et sous imperium. » Il retrousse brutalement sa manche jusqu'à mi bras, où sa marque des ténèbres serpente sous la peau. « Si j'avais pensé qu'elle espionnait pour les bulgares, je l'aurais tuée moi-même. »

Jour 6

Le scandale politique a rapidement tourné à l'affaire de moeurs. On n'a pas longtemps pensé que le digne fils de Kenneth Mulciber ait pu frayer avec un ennemi de la nation. En revanche, est demeurée la partie fine au cours de laquelle cette fille a été arrêtée ainsi que son âge : 18 ans.

Jour 9

« À l’occasion de cette interview exclusive, M. Mulciber a souhaité présenter ses excuses à la communauté sorcière que son comportement, je cite, "a pu choquer ou offenser". Bien qu’il ne nie pas avoir eu des relations intimes avec Galia* (ressortissante bulgare depuis incarcérée à Azkaban pour espionnage), il affirme qu’il ignorait ses intentions. On se plait d’autant plus à le croire qu’il a tenu à confirmer les rumeurs selon lesquelles il s’apprête à épouser Phaedre Rosier. Nul doute que ce mariage, s’il va briser bien des coeurs à travers la nation, assagira l’enfant terrible et duelliste de renom. »

*le nom a été changé

Jour 11

Dès la parution de l'article, les photographes et les journalistes se sont pressés au domicile de Phaedre. Roderick le sait et, néanmoins, il ne lui a pas envoyé le moindre hibou. Elle qui, pourtant, déteste la lumière... L'attention médiatique doit lui être insupportable, presque autant qu'elle l'est devenue pour lui. Voilà deux semaines qu'il se justifie sans que son père ne veuille lui adresser la parole. La tâche de le rabrouer a été déléguée à sa mère, Imogen, qui, ne souhaitant pas le confronter, est allée jusqu'à solliciter l'aide d'Ethel. C'est presque comique.

« Elle a dix-huit ans. » Au-dessus de la cheminée, la glace à l’ennemi danse selon des ombres et des masques de plus en plus nets. Ils se sont démultipliés, ces deux dernières semaines, encore que Roderick ait renoncé à leur voir le fond des yeux. « Et alors ? jette-t-il par-dessus son épaule en se servant son quatrième whisky de la journée. » « Tu en as trente et un, grince sa sœur dans son dos. » Ethel est constamment sur son dos. Elle le surveille avec une telle étroitesse qu'il croit sentir le collier autour de son col et la laisse lui battre le flanc. Roderick le tolère de moins en moins. Il en devient méchant : « Tu iras demander à Père si ça l'a arrêté. » Le sortilège marque presque immédiatement sa joue tandis que le verre explose sur le parquet, à ses pieds. De fines goulettes de sang sillonnent sous sa pommette qu'il palpe en sachant bien qu'il mérite la baguette dressée contre lui et la blessure qu'Ethel vient de lui infliger. Les circonstances de la naissance de sa soeur, ou plutôt de sa conception, sont taboues et il ne parait s'en souvenir qu'à l'épais silence qui s'installe entre eux. « E-excuse-moi. » Sa soeur ne va pas lui pardonner et, d'ailleurs, ils n'auront pas l'occasion d'en discuter. À la porte de l'appartement, trois coups. Ethel en profite pour s'esquiver et, à peine le cadet a-t-il eu le temps de la voir revenir et d'apprêter des excuses plus substantielles que sa bouche se cloue à la vue d'une silhouette familière, là, dans les pas de l'aînée.


Dernière édition par Roderick Mulciber le Jeu 15 Mar - 12:28, édité 3 fois
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Dim 4 Fév - 20:03

You're the worst.



A l’amorce du scandale, les Rosier scrutèrent la maison Mulciber. Allait-elle chanceler ? Plier devant l’affront causé par l’héritier ? Les répercussions se faisaient attendre. Tout juste quelques mots dans la presse, des excuses toutes trouvées pour justifier la maladresse. Et Phaedre Rosier. Il avait fallu trois jours pour que son nom trouve sa place dans la Gazette. Un de plus pour que Sorcière Hebdo ne fasse de cette rumeur un ragot plus croustillant. L’union à venir, la promesse d’une vie rangée pour le célibataire le plus courtisé du pays. Et des questions à n’en plus finir pour celle qu’on allait lier à lui. Au début, elle sembla passer à travers les gouttes. Au neuvième, elle su que sa tranquillité n’était plus qu’un souvenir. Phaedre, brusquement projetée au coeur du tapage. Sans doute victime idéale d’un Kenneth Mulciber trop heureux de détourner l’attention. Elle n’était rien, pour lui, sinon l’honnête distraction qui ravirait la presse et détournerait le regard des idioties du fils. Qu’elle n’ait rien demandé ne lui importait guère. Qu’elle soit poursuivie par le crépitement des flashs et les questions déplacées, pas davantage. Que son fils mentionne son mariage une ligne après ses écarts en était bien la preuve. Phaedre n’était qu’un dérivatif tombé à point nommé. L’héritière avait du se résoudre à délaisser son doux anonymat. Pourtant, elle restait prisonnière de son silence, refusant de confirmer une rumeur que Roderick avait déjà pris soin de valider.
C’était le jeu des Mulciber, pas celui des Rosier.

Au onzième jour, elle pense la tempête calmée. Elle feint d’ignorer la fureur persistante de ses parents, outrés. Jamais le nom de Rosier n’a si longtemps trainé dans les pages d’un torchon pareil. Oreste ne parle plus, il ne fait qu’aboyer des ordres et des insultes. Son épouse rase les murs et fuit les salons où elle se pavane d’ordinaire. Les Rosier sont repliés sur eux-même, couverts de la honte d’un autre. En sous-texte, ils craignent que leur réputation d’hier, tout juste oubliée par la présence d’un horcruxe sous leur toit, ne revienne les hanter. Qu’à nouveau, on associe leur nom à une réputation qu’ils ont tout fait pour étouffer. Mulciber est fautif, mais on ne saurait enterrer le clan le plus populaire de Grande-Bretagne. Un Rosier, en revanche…
Ce matin, l’attention s’est justement détournée. Sorcière Hebdo trône sur la table, rare exemplaire qui ait jamais passé la porte du manoir familial. Depuis quinze jours, on scrute la presse avec fébrilité. Nul besoin d’ouvrir les pages, ce jour-là. C’est le portrait de Phaedre qui s’affiche en une. Et c’est sa mère qu’on entend gémir, s’appitoyer, maudire Kenneth Mulciber et sa lignée dégénérée. Elle, d’ordinaire tout en retenue, ne cache plus rien de son énervement. Un regard sur Phaedre, la vraie, celle qui tait sa honte, assise en bout de table, et voilà que l'aînée, face au jugement maternel, devient coupable des crimes de son prétendant. « Toujours aucune nouvelle ? » Non. Un vague signe de tête sur son visage presque éteint. Les derniers événements l’ont éprouvé. L’attention constante dont elle fait l’objet n’a su que l’éreinter davantage. Et maintenant, ça. « Cet imbécile ne pouvait pas rester dans son coin sans faire d’esclandre ? » Tout le monde n’est pas né Rosier, semble-t-elle oublier. Roderick est né pour se pavaner, ne pas réfléchir outre-mesure, et agir comme l’attraction qu’on attend qu’il soit. Il divertit, à défaut de captiver. « Je refuse que ce torchon ternisse notre nom une fois de plus, Phaedre. Fais ce qu’il faut. »

Sa seule idée n’est pas la bonne. Elle le sait, mais à défaut d’une autre, elle s’en contente. Un pas après l’autre, et chaque fois, le malaise qui s’accentue. Un capuchon rabattue sur sa tête, quelques passants qui la dévisagent sans la reconnaître. Un magazine roulé entre ses mains, et Phaedre avance d’un pas mal assuré. Le chemin entre le cabaret dont elle a emprunté la cheminée, et les appartements de Roderick n’a jamais semblé si long. C’est une première visite, mais elle a tant écumé le chemin de traverse qu’elle en connaît jusqu’à la plus sombre venelle. Elle pousse une porte, traverse une cour intérieure, grimpe un escalier, traverse un long couloir. Chaque nouveau décor semble lui crier de faire demi-tour. Elle tait ses doutes et avance de plus belle. Bientôt, sa main tape trois coups à la porte de l’appartement. Phaedre sursaute en voyant Ethel lui ouvrir. Elle n’ose pas prononcer un mot, intimidée par l’aînée Mulciber. Un bref hochement de tête en guise de salut, et Phaedre de lui emboîter le pas. Un pas dans le salon, et déjà son regard se porte sur Roderick pour le fuir aussitôt. Elle préfère se concentrer sur la présence de l’aînée, qui pourtant, déjà, se retire du jeu. « J’imagine que vous avez beaucoup de choses à vous dire, vous deux. » Le silence de Phaedre prête plutôt à laisser penser le contraire. Mais Ethel n’est déjà plus là pour l’entendre, et quand la porte claque derrière elle, Phaedre se sait seule avec Roderick. Une fois de plus.

Dans sa main tremblante, le magazine qu’elle agrippe toujours. Un pas vers l’héritier, et elle jette la dernière édition de Sorcière Hebdo sur la table basse. Sans un mot, toujours. Elle n’a rien à lui dire, ne doit sa seule présence qu’à la volonté de sa mère. Elle soupire à la vue de la une et de ce portrait d’elle qui semble gêné d’être ainsi affiché. S’interdit de relire l’accroche qui a tant fait enrager sa mère:  Phaedre Rosier, fiancée maudite ? Sa vision se trouble lorsqu’elle sent ses yeux s’embuer de larmes qu’elle se refuse à laisser couler. Elle hoche la tête, oscillant entre colère et déception d’être ainsi traînée dans la boue. Les bras refermés contre sa poitrine, elle a le regard perdu quelque part entre Roderick et le magazine, ne pouvant se résoudre à se focaliser sur l’un ou l’autre. Bien vite, d’ailleurs, cette proximité l’étouffe, et elle fait quelques pas vers la fenêtre, l’agitation des fourmis d’en bas lui offrant la distraction suffisante pour garder le peu de contenance qu’elle possède encore.

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Lun 5 Fév - 12:28


Il avait prévu de repousser ce moment jusqu’à l’extrême limite ; le mariage, idéalement. Phaedre et lui n’ont, à l’aune de leurs derniers échanges, rien à se dire, aucune manière de se consoler et, pire que tout, pas le début d’un terrain d’entente. Ils auront des épousailles comme tous les autres avant eux : stériles, glaçantes et mortifères. Si sa sœur s’est accommodée de deux époux qu’elle méprisait, au nom de quel mage ancestral Roderick ne le pourrait-il pas ? Lorsqu’il guigne l’une puis l’autre, il le devine aisément : Ethel est cent fois plus solide, et plus pugnace, que lui et ce n’était pas à Phaedre, Phaedre Rosier, qu’on avait choisi de la marier. Côte à côte, elles n’ont rien de semblable. En fait, on voit tout ce que leurs deux maisons ne partagent pas, encore qu’Ethel ne soit pas, dans les apparences, la plus digne représentante du clan Mulciber. Cela n’en glace pas moins son petit frère qui la supplierait de lui rectifier l’entaille qu’il a à la figure si elle ne se hâtait pas de le laisser avec la fille d’Oreste.

Sachant qu’il n’échappera plus à l’embuscade (il lui reste, à ce sujet, une petite amertume à l’endroit d’Ethel, qui aurait tout aussi bien pu laisser l’invitée à la porte), Roderick empoigne une serviette en tissu et s’affale dans un fauteuil. Le sang est épongé par petites tâches sur le blanc immaculé. Il comprend que le maléfice n’est pas dangereux – au sens de mortel – mais qu’il devrait pleuvoir de la sorte, hémophile, durant plusieurs minutes, peut-être des heures. La douleur est cuisante en-dedans plutôt que sur la peau et, bientôt, il daigne relever des bris éclaboussés de whisky, répandus sur le sol. Phaedre ne lui laisse pas le choix de considérer sa présence et Roderick jette un œil dédaigneux à l’exemplaire de Sorcière Hebdo dont il connaît parfaitement la teneur (pour se l’être fait rapporter par Vincent, son assistant, puis par sa sœur). Et après ? Il n’est pas responsable de la rédaction et c’est un risque à courir, à sûrement courir, lorsqu’on se fiance, fût-ce contre son gré, à Roderick Mulciber. En d’autres termes : ce serait arrivé, dans les circonstances présentes comme dans n’importe lesquelles. « Si tu n'aimes pas la photo, tu n'as qu'à faire comme moi et leur envoyer un réservoir dans lequel piocher. » Ses pupilles s’illuminent d’une lueur ironique. Il est vrai que le cliché ne rend pas justice à la beauté de l’héritière. Mais ce n’est pas le principal grief, n’est-ce pas… ? « Et si tu es venue pour réaliser leur stupide prophétie, il ajoute car, pour que la fiancée soit maudite, il faut donc qu’il meurt, je vais devoir te demander d’attendre que je me resserve un verre, que je le boive et de faire ça proprement. » Tandis que le tissu tâtonne toujours la joue, qui saigne de moins en moins, Roderick balaie les éclats de verre du bout de ses semelles et gagne la carafe de whisky. Aux deux mesures renversées sur le sol, il s’en ajoute deux autres – pour le courage, ou une sottise du genre. « Au moins, fait-il en s’accoudant au bois, tu m'as débarrassé d'Ethel. Je te suis reconnaissant pour ça. » L’air d’en fêter la victoire, il soulève le breuvage et s’enfile trois longues gorgées.

Roderick est à moitié ivre. Toujours en colère. Le pire des fiancés dont on ait pu affubler Phaedre Rosier. Encore que.

« Laisse-moi deviner. Papa et maman ne sont pas très contents. Ils viennent de réaliser qu'ils ont vendu leur fille à un type pas si fréquentable que ça, finalement, même pour un Rosier... Et toi... Tu es venue... Non, non, laisse-moi deviner, j'insiste, vous autres Rosier êtres si imprévisibles, mais je dois essayer... Tu es venue m'agonir d'insultes que tu as sûrement répété avec ta sœur et me supplier d'annuler ce mariage, de n'importe quelle façon que je trouverai appropriée et dégradante pour nos deux noms... J'ai raison ? »

Définitivement, le pire.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Lun 5 Fév - 19:10


La foule qui s’agite en bas ne distrait qu’un temps. Et puis, revient cette boule au creux de son estomac, ce malaise qu’elle espérait dissiper rapidement. Roderick sait mieux qu’un autre tourmenter son âme. Il y a dans leur histoire commune trop de souffrances à faire resurgir, trop de sous entendus à raviver pour qu’il ne s’en donne pas à coeur joie. L’alcool dont il est visiblement imbibé a fait sauter tous ses filtres. Il n’a plus d’état d’âme, si tant est qu’il n’en ait jamais eu. Dans son dos, elle l’entend bouger, s’avachir dans un fauteuil. L’héritière sait qu’il ne répondra pas à son silence par un autre. Le couperet va tomber. Par avance, elle clôt les yeux, prête à encaisser les coups.

Elle peut deviner son sourire idiot sans même avoir besoin d’un regard en arrière. Il transpire l’autosatisfaction, l’égo débordant de celui qui se satisfait de ses critiques au rabais. Il est ridicule, et n’a même pas l’excuse de l’alcool pour sauver les apparences. Il est toujours ainsi, Roderick, fier de ses bons mots dès lors qu’il appuie là où ça fait mal. A peine un haussement d’épaules, Phaedre se contient. Elle n’a pas passé cette porte pour vider son sac. Elle sait trop bien à quel point ses critiques n’atteignent pas le Mulciber. Pourquoi est-elle là, au juste ? Elle l’ignore encore, poussée par les exigences maternelles à tirer les choses au clair. Peut-être y serait-elle parvenue, si l’odeur du Whisky n’avait pas suffit à rendre vains tous ses espoirs de renouer le dialogue. Il poursuit, elle écoute. Cette fois, elle sert le poing, pour se calmer les nerfs. Les visages de ses fiancés précédents occupent un coin de son esprit, et quand celui de Roderick vient s’ajouter aux leurs, elle se retourne pour l’en chasser aussitôt. La vision du vrai Mulciber n’est pas vraiment flatteuse. Les transports de l’alcool et la fatigue accumulée lui donnent une allure déplorable. Il est là, le plus beau parti de Grande-Bretagne, là, un verre à la main et des atrocités en bouche. Pas de quoi faire rêver celles qui rêvent pourtant de se précipiter à son cou. A cette vision pitoyable, Phaedre céderait sa place volontiers.

Seulement alors, elle remarque la serviette entachée qu’il porte à son visage. Trop occupée à fuir son regard, elle n’avait pas pris la peine de constater l’entaille. Un souvenir d’Ethel, peut-être. Ou une énième espionne bulgare. La coupure ne fait qu’ajouter à l’impression d’ensemble. L’héritier Mulciber, dans un état proche du pathétique. Elle est en colère, Phaedre. De cette colère froide qui fait qu’elle n’a pas dit un mot depuis qu’elle est entrée ici. Mais à cette furie qui sommeille s’ajoute un nouveau sentiment: la pitié. Elle pourrait l’abandonner à son triste sort, seul avec sa bouteille et son ressentiment. Ses dernières saillies lâchées contre sa soeur ne font que le rendre plus seul. Quel est son manège ? Qu’il s’emporte contre Phaedre, elle en a l’habitude. Mais sa soeur, c’est autre chose. L’alcool qui parle, l’aigreur qui prend le dessus.

D’une main, Phaedre défait le le noeud qui attache sa cape autour de ses épaules. Doucement, elle plie le tissu qu’elle dépose sur le rebord d’une chaise. C’est décidé, elle reste. Et déjà, elle n’écoute que d’une oreille le monologue rageur d’un Roderick qui ne sait plus quoi dire pour la blesser encore. Tout du long, elle le regarde, attend qu’il achève ce qui semble être un conglomérat d’insultes détournées. Il est plus clairvoyant quand il est sobre. L’aînée des Rosier secoue la tête d’un air désolé, franchement attristée par le spectacle offert. « C’est bon, tu as terminé ? » Sèche, froide. Sa compassion reste indicible. Car si l’homme est au plus mal, elle n’en oublie pas la série d’humiliations qu’il lui a fait subir depuis des jours. Elle s’avance, attrape la carafe qu’elle s’en va déposer sur un meuble à l’autre bout de la pièce. Ce faisant, elle se résout à répondre un peu. « Mes parents savent parfaitement à quel crétin ils m’ont fiancé. Ils t’espéraient simplement un peu plus malin. » Oreste n’a jamais eu Roderick en grande estime, au contraire de sa sympathie marquée pour Kenneth. Il a probablement espéré que le fils avait hérité un peu de la jugeote paternelle. A l’évidence, il n’en est rien. « Personne ne s’attend à des miracles te concernant, Roderick. Tu n’es jamais que le troisième choix, après tout. » Et quoi qu’il advienne, le dernier. Si cette union n’est pas scellée, Phaedre se sait vouée au célibat. L’idée lui semble toujours aussi séduisante, surtout en pareil instant. Mais doucement, elle se fait à l’idée de ce mariage arrangé. Du moins le pensait-elle, jusqu’à ce que le scandale éclate et que tout le mépris qu’à Roderick envers elle ne prenne une dimension plus importante. Maintenant, il n’était plus question que d’eux et de ces joutes verbales interminables. Tout le monde savait désormais que le fils Mulciber préférait les draps des espionnes à ceux d’une femme de son rang.

Le carafon de Whisky désormais à bonne distance, Phaedre se rapproche du sorcier et lui arrache son verre des mains. Elle le pose le plus loin possible sur la table basse, avant de retourner le magazine où son visage lui renvoie une expression abattue. « C’est ce que tu veux, des insultes ? Ca te ferait trop plaisir qu’on t’enfonce encore. C’est ça que tu cherches, non, encore une excuse pour faire n’importe quoi ? » Elle s’arrête là de sa leçon de morale. Debout devant lui, les mains sur les hanches, le regard sévère qu’elle ne détourne plus, elle croit voir clair dans son jeu. Qui, depuis son énième dérapage, l’a traité comme un adulte ? Pas grand monde, quand elle y pense. Trop nombreux sont ceux à le voir encore comme un adolescent. Phaedre aussi, à ses heures. Mais il a son âge et son destin à elle repose entre ses mains. La sorcière s’installe sur l'accoudoir d’un fauteuil libre. Elle ne veut pas trop bien s’installer, sachant qu’il tentera certainement de la déloger. « Je ne suis peut-être ni bulgare ni tout juste sortie de l’adolescence, mais que ça te plaise ou non, c’est avec moi que tu es coincé. » Le fatalisme dans sa voix est tout à fait palpable. Phaedre se fait l’écho d’une réflexion qu’elle peine à admettre elle-même depuis des semaines. D’ailleurs, c’est même la première fois qu’elle semble s’accorder à l’idée qu’elle est désormais fiancée.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mer 7 Fév - 15:32


Par-dessus le whisky aux effluves invasifs et colorés, Roderick lui abandonne un air sombre : « J’ai terminé. » Il sait que Phaedre le prend pour un enfant et, par ses certains côtés, il est loin de lui donner le tort. Ce n’est pas, pour autant, qu’il s’en va tolérer son incroyable impertinence alors qu’elle se trouve chez lui. N’est-il pas censé être tranquille ? et libre ? Voilà les raisons pour lesquelles il s’acquitte d’un loyer personnel – et exorbitant – loin du domaine familial. Ces derniers jours, Mulciber ne veut répondre de rien, et surtout à personne. Il n’y a qu’à ses plus strictes obligations qu’il se rend et, après l’interview qu’il a donnée il y a deux jours de cela, il estime être quitte pour quelques semaines. Deux, au moins. Aussi est-il pressé de se débarrasser de Phaedre Rosier, de sa morale, de ses reproches… et de ses précautions : « On n’est pas encore mariés, il objecte en la voyant saisir le carafe. T’as aucun droit de faire ça. » Il n’envisage pas non plus de se lever. « D’être là. » Il n’esquisse pas davantage l’intention de la chasser. C’est au-dessus de ses forces, en même temps qu’il éprouve un étrange réconfort à savoir qu’elle s’obstine, malgré tout, malgré elle, à partager les mêmes mètres carrés que son alcoolisme et lui. La rançon d’une telle compagnie, ce doit être les mots venimeux, qu’il lui a prêtés et qu’elle lui rend : « Tu n’es jamais que le troisième choix. » « Sors d’ici. » Il se sent nauséeux. Beaucoup moins qu’enragé. Et la jauge se remplit un peu plus lorsqu’il allait boire une gorgée et que Phaedre le dépossède brusquement de son verre. « Sors d’ici ! » Tout son corps est tenté de se lever, de l’attraper par le bras et de la jeter dans le couloir. Son regard est plein de ce bouillon de haine, entretenu, macéré, et dont il n’a eu l’occasion de causer avec personne. Pas même avec Ethel. Il ne croit même pas qu’elle serait plus compréhensive avec lui si elle apprenait tout.

Des insultes ou n’importe quoi, il préfère tout à cette attitude à la fois maternelle et… Roderick ne met pas de mot exact sur l’impression qu’elle lui fait. Face à lui, mains sur les hanches, Phaedre ne l’intimide pas mais le trouble. « Je n’ai pas besoin d’excuse pour faire n’importe quoi, il crache son amertume en s’enfonçant les reins dans le dossier du fauteuil. Tu ferais mieux de t’y habituer tout de suite. » Parce que ce sera ça, ce sera lui, pour toutes les années à venir dès leur sort commun scellé. À moins qu’Oreste ne parvienne à revenir sur sa parole – et Mulciber fils doute fortement qu’il y ait un argument, au monde, susceptible de faire flancher Mulciber père maintenant qu’il a dû concéder une fraction de sa réputation, ils seront ainsi, malheureux et frustrés, fielleux et désobligeants. À la mention de l’espionne bulgare, Roderick se souvient de l’être constamment.

« Épargne-toi la peine d’être jalouse, il finit par rétorquer en négligeant de regarder Phaedre. Je n'ai même pas couché avec elle. » C’est la version rapportée par la presse, et par la partie du gouvernement que ça intéresse, et c’est ce qu’il a dit mais ce n’est certes pas la vérité. « Elle m’a demandé de le dire. » Et c’est ce que Roderick a fait. Plus tard, il a compris l’intérêt que cette fille avait dans cette version-là de l’histoire. Pourquoi elle l’avait approché, séduit, si tant est qu’elle ait eu vraiment à le faire. Comme les questions des rafleurs portaient plutôt sur l’espionnage et non sur l’authenticité de ces rapports sexuels (allons, on parlait quand même de Roderick Mulciber : bien sûr qu’il avait dû la déflorer !), il n’a pas cru utile d’en éclairer qui que ce soit. Avant Phaedre. Les iris, noir de jais, retombent sur elle et la bouche questionne brutalement : « Qu’est-ce que t’es venue foutre ici ? »


Dernière édition par Roderick Mulciber le Jeu 8 Fév - 1:56, édité 1 fois
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mer 7 Fév - 23:25


Soupir. Qu’importe la méthode, le résultat est le même. L’héritier n’a rien d’autre à lui renvoyer qu’un flot de haine. Elle aura beau tout tenter, Phaedre, de répondre à son mépris par un autre, d’essuyer les insultes avec le sourire ou d’ignorer les mots qui blessent, il n'opposera jamais rien d’autre que ce regard qui lui glace le sang. Un temps, elle le soutient, avant de baisser les yeux. Elle se console de le savoir ivre, visiblement impossible de joindre le geste à la parole. Nul doute qu’à ses mots tranchants il rêve d’apposer les coups. Ses yeux noirs n’expriment rien d’autre que de la colère dirigée contre elle. Phaedre, à chaque insulte qu’il laisse filer, se sent chaque instant plus blessée. Une part d’elle lui dicte de laisser tomber la compassion. De crier, d’insulter, de frapper. De laisser s’exprimer la colère qu’il est le seul à éveiller. Il déchaîne en elle des passions contraires, fait craquer le masque qu’elle a mis des années à forger. Et pourtant il la connait si mal qu’elle ne s’explique pas l’ascendant qu’il a sur elle. Pas plus que ce besoin qu’elle a de le faire souffrir autant que de lui plaire.

« Je ne suis pas jalouse. » qu’elle s’empresse de dire trop vite pour qu’on n’y suspecte pas le mensonge. Elle ne l’aime pas, Roderick. Ou plus. Mais à l’idée de le savoir dans les bras d’une autre, elle se sent presque envieuse, fâchée qu’une autre puisse entrevoir cette part d’humanité qu’il lui refuse. Elle se reprend, doucement. « Tu fais ce que tu veux. Tu viens de le dire, on n’est pas mariés.  » Et d’ajouter, sans en penser un mot : « Et même si on l’était, qu’est ce que ça peut bien me faire ? Évite simplement de faire les gros titres. » Elle hausse les épaules dans une indifférence feinte, ses yeux posés sur lui l’espace d’une seconde. Jusqu’à qu’il ouvre à nouveau la bouche et qu’elle n’en puisse plus de ce ton qu’il emploie. Elle se relève, délaissant l’accoudoir pour contourner le fauteuil, sa main traînant nerveusement sur le sommet du dossier. Elle s’arrête, ses deux bras sur le sommet du siège qu’elle semble enlacer pour s’empêcher de chanceler. « Je n’en sais rien. » Lâché dans un souffle, l’aveu soulage autant qu’il pointe le mal. Elle n’est là que grâce à la volonté d’une autre, et pourtant elle ne s’imagine pas ailleurs. A qui peut-elle confier ses craintes, sinon à lui ? Son tourmenteur, devenu son seul confident. Pathétique, et pourtant, elle n’a que lui. Mulciber et son cynisme, sa belle assurance plombée par l’alcool. « Ma mère voulait que je brise le silence que tu as fait durer trop longtemps. » Elle a bon dos, la matriarche. Responsable quand ça l’arrange, Phaedre. Elle se détache du fauteuil, marche lentement vers le verre qui trône au coin de la table basse. Elle s’en saisit, hésitante. Un pas vers Roderick, et elle lui tend le verre qu’elle lui avait confisqué. « On ne peut pas continuer comme ça... » Sa voix s’éteint et sa phrase s’achève avec peine. Il lui avait promis de faire un effort, de la regarder différemment. Ca n’avait pas tenu cinq minutes. Et pourtant, la demande qu’elle a à faire est du même acabit. Il faut qu’elle tente, qu’elle se sorte de cette impasse, de ces sempiternelles rencontres qui la laissent plus abîmée que la fois d’avant. « Dis moi ce que tu attends de moi, au moins. » Elle n’a rien à se reprocher, l’aînée des Rosier. Il a tous les torts, c’est ainsi qu’elle le voit. Mais Roderick n’est pas enclin à faire le moindre effort. Les seuls sacrifices qui doivent être faits ne peuvent l’être que par elle. Elle a fait son deuil de son orgueil. Deux semaines que ces noces ont pris une dimension nouvelle dans un coin de son esprit. La fatalité de son union avec Roderick a pris toute sa mesure au cours des derniers jours. Mais comme ça, elle s’y refuse. Il n’aura pas sa main tant qu’elle ne supportera pas son regard.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Jeu 8 Fév - 2:20


Elle est nécessairement jalouse. Roderick en est d’autant plus sûr qu’il le serait. À la place de Phaedre, il… En même temps que l’idée serpente tel un venin dans son sang, il réalise que ce serait impossible. Jamais il ne se trouverait dans sa position. Parce qu’elle ne fait pas cela, rien de ce qu’il commet le jour, la nuit, qui embarrasse et éclabousse à peu près tous ceux qu’il connaît. Elle est au-dessus de ça ou il est pire que tout. Voilà qui n’augure aucune gloire pour leur mariage d’ores et déjà piteux. Pourtant, Mulciber cille, un tic vaguement nerveux, à l’entendre dire même s’ils l’étaient – s’ils étaient mariés. Son attention monte soudain d’un cran et une autre cuisance, bien plus subtile que la haine, se met à envahir les parties jusque-là protégées. Avant cette seconde, cette seconde très précise, Roderick n’avait jamais envisagé de lui être infidèle. Car c’est ce que ce serait, s’ils étaient déjà mariés. Sans se l'expliquer, cette simili permission (assortie, néanmoins, d’une mise en garde s’agissant de la mauvaise publicité) lui révolte les entrailles. Il se peut que ce soit du soulagement. Une forme inapprivoisée de liberté, qu’il paraît remporter, tout à coup, sans avoir eu besoin de la réclamer. Sa bouche en reste close, farouche autant que méfiante.

La réponse qu’il obtient tandis qu’elle se retranche derrière son siège ne le satisfait pas. Les vœux de Narcisse Rosier sont les dernières de ses préoccupations et, sur-le-champ, il plairait surtout à Roderick de lui déplaire le plus qu’il est possible, à condition que ce soit faisable (et il est plutôt certain de n’avoir pas atteint le maximum de son grand-potentiel en la matière). Il se demande encore : c’est tout ? Phaedre est venue faire acte de présence, ici, l’importuner pour pouvoir cocher une liste quelconque de sa génitrice ? Probable, après tout ; fille à papa, fille à maman. Un hibou aurait tout aussi bien fait l’affaire et il aurait englouti son whisky en paix. Au moins sont-ils d’accord.

« On ne peut pas continuer comme ça...
- On ne peut pas continuer comme ça. »

Mulciber jette un œil au verre tendu, rendu, à l’offre qui lui est faite. Ses doigts ne bougent plus de l’accoudoir. Les phalanges pressent un peu plus le bois et le tissu à mesure que le regard escalade. Quand les pupilles atteignent leurs rivales, quand Roderick est obligé de scruter l’éclat spécial qui loge dans les yeux de Phaedre, il tressaille. Il avait promis d’essayer mais n’y arrive pas. Il abhorre tellement sa présence, son souffle, le fait qu’elle existe, le fait qu’elle soit. L’alcool qui bat et bouillonne dans son ventre n’est pas étranger à la vivacité de sa haine. Il la fixe longuement. Est-ce qu’il lui doit la vérité ? Est-ce qu’il lui doit quoi que ce soit ? Ils en sont là, ça y est ? Si Phaedre est la seule personne à laquelle Roderick puisse parler librement, il est sûr d’être perdu. Il est perdu. Émotif. Colérique. Nerveux. Rancunier.

Finalement, c'est tout juste un murmure mais Phaedre est assez près comme ça pour l'entendre. Roderick parle si calmement... et il s'entend dire : « J’attends de toi que tu me rendes mon fils. »

« Phaedre. » La figure se sature – de colère ? – puis se vide. Déjà, elle recule et la main de Roderick se referme maladroitement sur le vide. Elle s’échappe. Surtout, elle ne rétorque ni ne le regarde. « Phaedre, il appelle encore. Attends. » Il pense ce qu’il dit mais, étonnamment, sans la moindre cruauté. Comme les secondes ralentissent, il met sont temps à se relever et titube moins de l’alcool que de la précipitation. Sa ténacité est récompensée dès qu’il la rattrape. Elle avait la main sur sa cape quand les phalanges du sorcier s’enroulent autour des siennes. Conscient de la soudaineté et de la brutalité de son geste, Roderick relâche aussitôt son emprise ; s’il est fou de douleur, il redoute toute violence tournée vers Phaedre. « J’ai essayé, il lâche le souffle lourd de fatigue et d’éthanol. J’ai vraiment essayé mais il me manque. »
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Jeu 8 Fév - 21:49


Elle voudrait être sourde aux mots qu’il lui adresse. L’alcool n’est même pas une excuse à sa goujaterie. Sobre, il n’en serait pas moins cruel. Et Phaedre de sentir son coeur manquer un battement devant l’horreur qu’il laisse échapper d’un souffle. Instantanément, elle devient livide, marquée d’une expression misérable. Le coup de trop. Elle ne répond rien, ne le regarde même pas. Les yeux tant perdus qu’elle en semble ailleurs. Elle voudrait l’être, justement. Dans une infinie lenteur qui tranche avec sa volonté de quitter les lieux au plus vite, elle laisse retomber le verre de whisky sur la table basse. Elle renonce, Phaedre. Ne songe plus qu’à battre en retraite. Le fils Mulciber l’appelle mais elle ne l’entend plus, ou du moins ignore ses demandes. Au son de sa voix, étonnement plus posée qu’un instant plus tôt, elle croit deviner qu’il fait machine arrière. Ca ne suffit pas à effacer ses mots et la peine qu’ils ont causé. Cette fois, et toutes les fois d’avant.

Combien ont perdu un fils ? Et combien s’en sont relevés sans avoir à blâmer celle qui le portait ? Roderick est un crétin mais il n’est pas stupide, au fond. Il sait que Phaedre n’est pas vraiment fautive, pas vrai ? Elle en vient à douter de ce fait élémentaire, craignant vraiment qu’il lui fasse endosser un crime, et pas seulement payer sa douleur. La sorcière ne veut ni l’un ni l’autre. Elle n’est pas coupable, et lui a déjà trop dit. Derrière ce silence se cache une conversation qu’elle a déjà eu trop souvent. Roderick n’entend rien, à quoi bon s’époumonner…

Elle ne voit pas la main qui s’abat sur la sienne, ses phalanges plier sous le poids d’une poignée trop puissante. Elle retire sa main aussitôt qu’il a repoussé la sienne, et masse ses doigts endoloris de celle qu’il a épargné. Dans ses yeux, deux fusils qu’elle pointe sur lui. Dans un souffle imprégné d’alcool, il croit justifier son attitude. Mais ça ne passe pas. Rien dans ce qu’il avance ne saurait excuser ses gestes, ses mots et ses regards. Phaedre lui a tendu la main, pleine d’une compassion qu’elle a forcé malgré les récents événements. Espérant un signe d’apaisement. Il a commis sa faute, lui aussi, en l’humiliant sur la place publique. En tuant, même, quand bien même elle n’en avait rien demandé. Il multiplie les erreurs et n’a pas l’excuse de l’accident pour qu’on ferme les yeux. Mais la belle gueule de Roderick fait partie du spectacle. Ses frasques sont habituelles, au contraire de celle de Phaedre. Une erreur, un seul faux pas. Une perte dont elle n’est même pas coupable. Et Roderick de l’enfoncer comme si lui même était un parangon de vertus. « C’est injuste. » Qu’elle lâche, pas tellement pour lui répondre, davantage pour exprimer à haute voix le constat qui s’est imposé dans son esprit.

Sa main, à nouveau sur sa cape, dont elle se saisit brusquement, visiblement craintive à l’idée qu’il l’en empêche à nouveau. Cette brusquerie dont il a fait preuve, a fait naître quelques secondes d’une peur indicible. Dans sa haine, il n’a jamais été plus loin que les mots, mais un instant, elle pensa qu’il lui serait très facile d’aller plus loin dans sa colère. « Tu as gagné Roderick. Comme toujours, félicitations ! Le tissu de sa cape furieusement serré contre sa poitrine, bras croisés, regard décidé. Je m’en vais, c’est pourtant ça que tu voulais, non ? » Elle se moque éperdument du semblant de regret qu’il laisse filer. Elle a sa dose, Phaedre, et a bien compris que ses colères sont plus nombreuses que ses moments de compassion. Roderick est un gosse égoïste. « Ma mère pensait qu’il serait bon que je me fasse oublier le temps que ton affaire se calme. Elle ment ouvertement, improvise avec talent. Et je crois qu’elle a raison. Je vais te laisser la paix, pour de vrai. Sans doute aller à Paris. Et si le mariage est maintenu, je ferais ce que ma famille attend de moi. » Elle a besoin d’air, Phaedre. Et plus encore de quelqu’un qui lui tend la main. Ici, elle comprend qu’elle étouffe et que personne n’y fera rien. Sa mélancolie transpire par tous les pores dans l’indifférence générale. Tous ignorent son mal, mais pas lui. Pas Mulciber. Il sait, et il s’en fout. Alors pourquoi rester ?

Ses pas l’emmènent à l’autre bout du salon, sans un regard pour le sorcier auquel elle tourne le dos, elle fait virevolter sa cape pour la laisser retomber sur son dos. Prête à partir, Phaedre. Loin, très loin, puisqu’il le faut.

Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Sam 10 Fév - 3:22


Oui, c’est injuste. C’est beaucoup demander à Roderick, la justice, ou au moins l’équité. Il est si mortellement blessé, toujours saisi, nuit après nuit, par l’impression qu’on l’a amputé d’un amas de ses chairs, qu’il n’a pu ni voir ni inhumer. Au nom de quoi se montrerait-il juste, avec elle ou quiconque ? Recroquevillé autour de sa douleur, Mulciber lui donne des formes plus immondes encore. Il l’alimente. Rien ne l’apaise. Tout le persécute. Il voudrait tuer, mais qui donc, puisqu’il n’existe aucun coupable ? Au demeurant, il ne blâme pas Phaedre avec beaucoup de sincérité. Il la déteste car c’est le sentiment le plus naturel à jeter sur l’héritière mais ne lui en veut pas tant. Il aimerait qu’elle sache mieux que lui ce qu’il faut faire, comme si deux années, deux ans d’avance, lui avaient offert une sorte de sagesse primordiale. Et comme Roderick voit qu’elle ne sait pas mieux que lui comment vivre avec ce marasme, il en est réduit à la haïr.

Les pupilles saisissent par quelles précautions l’on évite qu’il la touche à nouveau. Roderick s’en défend, la chair de sa lèvre solidement coincée entre ses canines. Il ne lui ferait aucun mal, pas de cette sorte, et quelques éclats de remord et de honte s’amoncèlent d’ailleurs dans sa gorge. Planté sur ce minuscule carré de parquet, il la regarde s’éloigner, le quitter pour de bon. Phaedre a raison de mettre le plus de distance possible entre eux et ce n’est jamais que ce qu’il lui a expressément commandé il y a cinq minutes de cela. Mais c’était il y a cinq minutes et, depuis, une couche d’ivresse paraît s’être dissoute, bouffée par le néant ou un sursaut de conscience un brin rustique, sauvage. « D’accord, il dit comme si elle demandait un quelque aval à ce plan – que dire, un plan ! une fuite. » Pourtant, quand toute sa misérable carcasse tend à vouloir retourner au salon, à s’avachir dans un fauteuil confortable et à descendre tous les gallons du whisky disponible, Roderick demeure là, une expression absurde et concentrée sur le visage. « D’accord. » il répète avec absence, puis : « Je viens avec toi. » À travers la légère brume de ses trois verres siphonnés, il imagine volontiers l’incongruité de sa réaction. Il est vrai, en sus, qu’il lui a procuré quelques milliards de raisons de protester, par des injures autant que par des arguments. Alors, et pour parer à la riposte qu’il se figure avec de plus en plus de précision, Roderick se redresse avec une dignité qu’il s’imagine – parce que le sol tangue un peu, comme de se foutre de sa gueule – et il reprend le plus sérieusement du monde : « Allons-y ensemble. À Paris, ou n’importe où. » Brièvement, Mulciber est saisi par le doute ; Paris est bien en France ? Si d’habitude il le sait parfaitement, et en profite très volontiers pour cracher quelques commérages, il n’a pas le souci de la destination et donc aucune intention de fouiller sa mémoire. En fait, ça a assez peu de choses à voir avec l’endroit, en dehors du fait que ce serait loin de la Grande-Bretagne, de ses parents, de sa sœur, du scandale et, surtout, il serait avec Phaedre. « Je sais que je suis à moitié saoul et que tu vas dire que c’est à cause de ça… mais je suis très sérieux. » Aussi étonnant et paradoxal que ça puisse être, Roderick l’est toujours, très sérieux, quand il s’agit de prendre d’impulsives décisions et de s’y tenir. L’on devine à la façon dont il tâte ses poches qu’il suffit qu’il retrouve le bois de tremble pour être prêt, qu’importe à quoi.  
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mar 13 Fév - 0:08


Elle est consternée, Phaedre. Affligée d’être ainsi baladée, poupée fragile dans les mains indélicates du Mulciber. Elle se pense libérée de lui pour un temps, toute proche de la sortie, prête à réinstaurer une distance qu’elle n’aurait jamais dû diminuer. Elle voulait essayer, assez naïve pour croire qu’elle l’aurait à l’usure, qu’à s’accoutumer à sa présence, il finirait par en oublier la peine qu’elle a fait naître en lui. Rien n’y fait, pourtant. Les insultes pleuvent et le mépris n’en finit pas. Roderick ne cède rien. La paix qu’elle espère n’est qu’une chimère. Une énième réplique entachée de cruauté a suffit à briser tout espoir qui subsistait encore. « Je viens avec toi. » Elle se retourne, la neutralité de son expression ne rendant pas justice au millier de questions qui se presse subitement à ses lèvres. Encore un stratagème pour la rendre folle, bien sûr. Un jeu, encore un, toujours plus poussé, ça ne peut être que ça. Il ne sait que jouer d’elle. Cette fois, il est juste plus subtil qu’à l’accoutumée. Elle se convainc presque, Phaedre, laissant sa paranoïa guider ses actions. Elle se retourne tout à fait, plantée sur ses pieds, refusant de se rapprocher de lui. Un regard sur lui, et une partie de ses interrogations s’envole. Il est ivre, Roderick. Chancelant, pathétique. Rien d’étonnant à ce que ses actes et ses mots ne fassent pas sens. Il est pire que ce qu’elle pensait, l’esprit embrumé de whisky. Dans deux secondes, comme à son habitude, il l’insultera, l’humeur changeante mais la haine toujours intacte.

« A quoi tu joues ? » Une part d’elle n’a toujours pas daigné tout mettre sur le dos de l’alcool. Il reste en elle cette suspicion, cette crainte qu’il ne s’amuse encore à ses dépends. Phaedre a l’impression de perdre la tête. Ses certitudes n’en sont plus, ses convictions s’effritent. Elle voudrait le secouer, le giffler, déclencher une réaction chez lui qui ne soit pas cousue de fil blanc. Gratter la surface et voir ce qui se cache sous cette couche de dédain qu’il exagère à outrance. Peine perdue. Elle sait qu’en face, il n’y a rien que ce paraitre travaillé depuis la nuit des temps. Malgré ce faux pas, cette vulnérabilité ou ce quelque chose qu’il a laissé filer, le fils Mulciber ne lui laisse aucun espoir de voir les choses s’améliorer. « Partir ensemble ? Regarde autour de toi. Elle brasse l’air de ses bras pour désigner la pièce vide de toute présence exceptée la leur. Personne, pas un chat. Juste moi, et on sait tous les deux à quel point ça te répugne. » Elle parle vite, ses mots s’emportent. Phaedre est confuse, vexée, perdue. Flattée, certainement pas. « Qu’est ce que tu cherches à fuir, si tu fuis avec moi ? J’essaie, j’essaie vraiment, mais je ne te comprends pas. » L’aveu fait mal parce qu’il est vrai. Constat d’échec de celle qui aime à tout contrôler. Phaedre veut qu’il lui parle autant qu’elle redoute ses réponses. Elle ne sait pas ce qu’elle veut, quand elle est en présence de Rodercik. L’enfant chérie, la fille modèle, paumée complètement. Amère, elle poursuit, un peu sèche. « Combien de temps avant tes prochaines insultes ? Elle note qu’il joue avec le bout de bois perdu au fond de ses poches. Ou pire. » Sa voix tremble doucement. Son mariage n’est pas acté que déjà il est en péril. Un pas en arrière. Un pas de plus qui la rapproche de la sortie.
 
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Jeu 8 Mar - 23:43


Jusqu’à l’ultime seconde, il croit qu’elle pourrait accepter. L’alcool, assurément, est persuasif. Encore, sa propension à se faire la chienne des mauvaises décisions et des coups de tête laissent croire à Roderick qu’il n’est pas le seul spécimen de sa sorte. Certes pas, au demeurant, mais ce n’est pas en Phaedre Rosier qu’il trouverait une congénère. Dans sa poche, la baguette est relâchée à mesure qu’il le réalise. Elle n’avait aucune raison de le suivre et toutes de se défier de lui. « Tu comprends rien… » L’héritière venait d’en proférer les syllabes qu’il lui fait écho sans l’avoir entendue. Les semelles pivotent sur le parquet, il jette un regard vitreux à la fenêtre. L’agitation du Chemin de Traverse l’attire, qu’il serait pressé de fouler le couloir s’il n’avait encore à jouxter la sorcière. Dès lors, Mulciber ne feint même plus de l’observer. Lui s’est décidé, comme il tranche tous ses choix – le peu qu’il commet. Il s’en ira. Ce soir. À la seconde où Phaedre disparaitra, peut-être. Les phalanges étreignent plus fort le bois de tremble. « Sors d’ici. » Il ignore quand ils se verront encore. Il s’en fiche. Son pas claudicant le débarque près de son whisky, verre qu’il siphonne jusqu’à se mirer la trogne dans le fond.

Trois semaines plus tard – Cabaret Rosier

Il n’a donné aucune nouvelle. À personne.
Les hiboux, naturellement, lui parvenaient toujours mais, tandis qu’il flattait le rapace d’un morceau de biscuit sec, Roderick jetait le morceau de parchemin au feu et le contemplait brûler. Sa solitude était reposante, fut-il dans l’essaim d’une ville ou le désert d’une campagne. Il a souvent changé d’endroits car les limiers de son père (que son absence, malgré ses premiers bénéfices, commençait à incommoder) s’amélioraient à chaque nouvel assaut. Certains l’ont trouvé. Ceux-là repartaient souvent avec un méchant sortilège en travers de la figure et six bonnes semaines de couchage à Sainte Mangouste. Au bout d’un moment, il en est venu de moins en moins. Ethel a fait sa propre tentative, par la marque des ténèbres. Pendant que sa peau le dévorait, Roderick n’a même pas feint de réfléchir à rentrer. Aussi curieux que ça lui ait semblé au début, cet exil lui était profitable. Salvateur. Les premières nuits, il se tuait à l'éthanol, au duel et aux putains. Ses sensations se sont vite engourdies. Il n’a plus quitté ses piaules, ça et là, de moins en moins clinquantes, à mesure que les gallions décroissaient. Il aurait suffi d’une courte missive pour réapprovisionner sa bourse mais il a renoncé comme un fils de nanti se prend d’affection pour la vie de bohème.

Puis il est rentré. Il aurait dû choisir de visiter son père. De plates excuses et de convaincantes explications auraient été une excellente amorce. C’est loin de ses projets lorsqu’il s’introduit dans le cabaret des Rosier sous l’oeil circonspect du portier. Un bref instant, le sorcier se demande s’il est censé le laisser entrer. Il se souvient qu’on n’a plus vu sa figure depuis des semaines – peut-être deux mois ? Il se rappelle aussi les gros titres, qui commencent seulement à s’épuiser et annoncent son futur mariage avec la patronne (ou fille du patron). Dans son regard, Mulciber voit qu’il renonce à provoquer une esclandre alors que le soir est encore veule. Il y a peu de clients ; de toute évidence, il vient pour elle et c’est sans plus saluer tous ceux qu’au reste il connaît bien que Roderick s’enfonce dans le troquet et gravit les escaliers interdits du public.

« Tu me croyais mort ? » À l’épaule, Roderick s’appuie contre le cadre. Il n’entre pas, pas entièrement. D’abord, il entend laisser une opportunité à Phaedre, celle de l’admettre ou de le chasser. Ensuite, il n’est pas sûr qu’il pourra dire tout ce qu’il s’est imaginé prononcer avant d’avoir pris quelques secondes pour s’acclimater à ce regard. C’est amusant comme les images s’étiolent pendant que les mots, eux, résonnent plus fort. Ils se déforment, c’est probable, et Roderick n’est plus si certain de ce qu’ils se sont dit pour la dernière fois. En revanche, ces vieux remugles l’ont copieusement assailli et bercé, la nuit. « Certains auraient bien aimé, fait-il avec un sourire transparent, mi ironique mi affecté. » Maintenant, il entre et repousse le battant derrière lui. À bout de lèvres et de baguette, il cloisonne le bureau qui, s’il n’est pas fortifié, est au moins insonorisé. « Avant que tu ne commences à m’insulter… et je te promets que tu auras un temps pour ça, tu devrais savoir que je suis venu te demander de m’épouser. En mon nom. Tout ce qu’il y a de plus officieux. » La trogne est traversée par un éclair de malice que, on le comprend, il s'autorise peu.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mar 13 Mar - 23:39


Trois semaines. La peine est devenue aigreur. Et l’aigreur a fait place à l’indifférence. Qu’il aille au diable, après tout. Phaedre a fait le tour de la question. Elle a tendu la main, tourné le dos, supplié, supporté la mesquinerie et la cruauté. Rien n’y a fait. Trois semaines sans avoir à craindre de le voir apparaître éméché sur le pas de sa porte, à proférer des insanités. S’il n’y avait pas eu ces journaux de malheur pour continuer cet acharnement, l’héritière aurait presque pu savourer ce retour au calme. Pourtant, les unes ont continué, un temps. Jusqu’à l’accuser d’avoir provoqué la fuite du prince des Mulciber. C’était la première semaine. A la seconde, les titres de Une furent relégués loin dans les pages intérieures. A la troisième, il n’y avait plus aucune mention de Phaedre Rosier. Les gens avaient oublié qu’elle avait jamais existé. A nouveau, elle respirait. Se surprenant à ne pas penser du tout à son fiancé, comme si, à son tour, elle se faisait à l’idée qu’il ne réapparaisse pas.

Roderick s’éclipsant doucement du tableau, et elle, à nouveau, jouant les fiancées imprenables, les héritières accaparées par leur travail, vouées à un célibat assumé. L’idée refaisant surface à mesure que les jours passent. Pas un hibou, pas un encart dans un journal pour le raconter ivre mort dans un bordel du bout du monde. Rien. Juste un silence étonnement apaisant. Elle en a presque oublié, à travers les frasques de ces derniers mois, à quel point elle a toujours chéri sa quiétude. Même le décor du cabaret, qu’elle a toujours pourtant abhorré, semble à présent lui rendre le sourire. Ses habitudes reviennent, sa solitude reprend du terrain. Roderick, elle en a conscience, était devenu comme une drogue. Ses pensées étaient siennes, sans cesse. Trouver grâce à ses yeux, obtenir son pardon pour une faute qu’elle n’avait jamais commise. Trois semaines pour retrouver l’esprit qui lui a fait défaut.

Mais à sa voix, un sursaut. Le sien. Comme si cette volonté de fer ne tenait bon que lorsqu’il n’était pas là pour la mettre à l’épreuve. Phaedre, un instant hésitante. Pas certaine de vouloir replonger dans ses travers. Et saisir son regard ne serait qu’un pas en arrière. Pourtant, Roderick n’est pas de ceux qu’on ignore. Alors, sans un mot, elle tourne sur elle-même et délaisse la paperasse qu’elle relisait pour elle-même en faisant les quatre cents pas dans son bureau. Elle se surprend à le voir rayonnant. Nonchalamment appuyé contre le cadre de sa porte, un large sourire dévorant son visage. La méfiance s’installe aussitôt, et comme une enfant battue prête à prendre des coups, elle semble se ratatiner sur elle-même. L’infamie va tomber. Elle tombe toujours, il ne sait pas s’en empêcher. L’héritière ne dit rien. Elle sent qu’il attend un signe qu’elle ne lui donne pas. Si elle lui dit de partir, il n’en fera rien. Et elle ne souhaite pas vraiment qu’il reste non plus. Alors le silence reste l’option la plus sincère. Lui ne se départ pas de son sourire et de cette aisance qui lui semble déplacée. Leur dernière rencontre n’invite pas à faire comme si de rien n’était. Trois semaines n’effacent pas les mots échangés et le mépris à peine voilé. Il entre, et accolle sa baguette contre la porte qu’il referme derrière lui. Phaedre voudrait lui dire de ne pas le faire, mais elle reste interdite, comme figée par cette seule présence qu’elle n’attendait pas. « Avant que tu ne commences à m’insulter… Le regard de la sorcière ne laisse aucun doute sur son incompréhension. Elle ne comprend pas ce qu’il fait là. Encore moins ce besoin d’être seul avec elle. Cette décontraction, ce sourire, ce Roderick des grands soirs. Rien d’étonnant à ce qu’elle soit sur ses gardes, il n’est que ce crétin qui séduit pour mieux obtenir ce qu’il veut. Quelques jours retiré du monde, et le voici de nouveau au sommet de son art. je suis venu te demander de m’épouser. » Il est fou. Ou stupide. Ou les deux. Aveugle à toute autre chose que son envie du moment. Jusqu’à ce que la suivante l’efface et qu’un nouveau caprice l’obsède. Combien de temps avant qu’il n’essaie encore de la broyer comme il le fait si bien ? Phaedre voudrait le gifler. Un spasme, d’ailleurs, fait trembler la main qu’elle voudrait aplatir contre sa joue. Mais plutôt qu'obéir à ses pulsions primaires, elle fait un pas en arrière, comme si se distancer de lui donnerait à voir le problème sous une nouvelle lumière.

« Non. » Un cri du coeur, clairement offensé. Comment peut-il croire, sans jamais esquisser le moindre mot d’excuse, qu’il puisse ainsi faire son entrée ? Qui plus est pour une demande aussi sordide. « Est-ce que tu as bu ? » Les mots s’emballent et trahissent la panique qui s’est emparée d’elle à la seconde où la voir de l’héritier a percé le silence. Elle ne compte pas s’approcher de lui pour en avoir la réponse. Pas plus qu’elle ne souhaite lui donner l’occasion de venir à elle. Alors, laissant à ses questions le soin de distraire l'indésirable, elle recule discrètement. Chaque centimètre séparé de lui semble la rassurer davantage. Elle croit encore que la foudre va s’abattre. « Pourquoi tu es revenu ? » C’est un reproche davantage qu’une question. Elle ne lui demande pas davantage d’où il vient. La réponse paraît évidente, et trop humiliante aux oreilles d’une fiancée aussi malmenée qu’elle.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mer 14 Mar - 0:33


« Non ? »

Il répète alors qu’il a très bien entendu. Mulciber s’est figé à bonne distance du bureau et, par conséquent, de Phaedre. Sa figure s’est tordue en une sorte d’expression ahurie, bien qu’un mince filet d’ironie s’écoule toujours du masque. « Je ne t’ai encore rien demandé, fait-il remarquer. Tu ne peux pas décliner, tu n’as pas ce luxe pour l’instant. » Les paumes s’ouvrent, comme de souligner l’évidence, et le sourire s’affirme avec une certaine douceur. S’il fait un autre pas dans la pièce, c’est plutôt sur le côté, en direction de la fenêtre. Roderick se souvient assez bien de la dernière fois qu’il est entré ici. C’était peut-être la pire soirée de toute son existence marquetée d’or. Comme il n’aime pas franchement frôler ces réminiscences, ses rétines se gardent bien de quitter Phaedre. Au reste, elle lui fait étouffer un rire. « Non, il répond immédiatement. Je n’ai pas avalé une goutte. » Sa langue est tout près de se targuer d’un depuis un moment mais il ne pense pas qu’elle le croira ou, à peu près pire, qu’elle s’en préoccupera le moins du monde. « Je ne sais pas si t’as remarqué mais il est encore un peu tôt et… » « Pourquoi tu es revenu ? » La mine réjouie de Roderick se fracture quelque peu. Le ton souffre une rigueur qui le fait battre des paupières. « Pourquoi ? » Ce n’est pas la première question qu’il escomptait soulever. Où étais-tu ? paraissait mieux convenir. Encore une fois, ce n’est pas que Phaedre devait s’en soucier. « Parce que je vis à Londres, pour commencer. » Ses bras, qui menaçaient de se croiser sous l’hostilité ambiante de sa fiancé, sont retenus à grand-peine contre ses flancs. Il lui a fallu de la résolution et une indéniable portion de courage pour monter jusque-là et ce n’est pas cette résistance, somme toute assez légitime, qui va l’abattre. « Parce qu’on est censés se marier, aussi. Sans compter que les porte-baguettes de mon père devenaient vraiment insistants... » Le timbre est aigre, maquillé par l’appréhension qu’il a de bientôt retrouver le paternel. Roderick y pense moins lorsqu’il a l’animosité de Phaedre dans le regard.

Il n’espérait pas qu’elle soit ravie de le revoir. Il n’espérait même pas qu’elle en ait envie. Néanmoins, c’est autre chose de le constater par lui-même. C’est lui qui, le premier, s’est échappé et, ce faisant, il a perdu tout droit de se plaindre. Ça n’en reste pas moins enchâssé dans ses entrailles, à tarauder sa détermination. Derrière la superbe, il y a de l’hésitation, trois semaines qui lui ont étrillé le crâne avant d’en reconstituer les morceaux. En vérité, il se présente convalescent ou dans cet entre-deux qui le tiraille, quand il pourrait se transformer ou épouser la forme que toute une vie a tenté, bon gré mal gré, de lui procurer.

« Donc, si tu veux bien… » Pas dupe, il a remarqué le fossé qu’à petits intervalles elle augmente alors, quand il revient vers elle, Roderick s’arrête longtemps avant de pouvoir la toucher. En fait, la distance est plutôt ridicule lorsqu’il fouille sa poche et pose un genou au sol. « Laisse-moi finir, dit-il tout de suite car il voyait les lèvres se mettre à tressaillir. Je sais que tu n’as aucune confiance en moi et je sais qu’à te demander ton avis je serais ton dernier choix. » Déjà sa position lui est inconfortable et, cependant, Mulciber tient ses pupilles enclenchées à celles de Phaedre : « Mais tu as été amoureuse de moi, avant. Et j’étais amoureux de toi. » Il ne croit pas l’avoir jamais dit. Non. Il sait qu’il ne l’a jamais dit. « Et on aurait eu un enfant si… (Son flottement l’exaspère, en même temps qu’il révèle tout l’abîme dans son ventre.) Je ne sais pas, il abandonne, mais j’aurais voulu de cet enfant. Alors, même si ça ne changera jamais rien à ce qu’il s’est passé, je ne veux pas que tu passes une seconde de plus à le supporter sans moi. » Lorsque les mots paraissent tout près de lui écorcher la gorge, Roderick entrouvre l’écrin d’une bague en argent. Puis il demande à voix basse : « Épouse-moi. »
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Mer 14 Mar - 23:45


A chaque rencontre, un homme différent. Il n’est pas un, il est multiple. Impossible à suivre, à comprendre ou à raisonner. Roderick est un mystère qu’elle n’en peut plus d’essayer de percer. Il l’a trop baladé, la laissant espérer des lendemains meilleurs pour finalement révéler le pire de son abjecte personne. Et voilà qu’il revient, sans un mot d’excuse ou même un vague regret dans la voix. Il a l'outrecuidance de croire qu’elle n’a aucun motif de lui en vouloir. Pense t-il qu’elle soit flattée par sa demande, par l’intérêt soudain qu’il lui témoigne ? Si les insultes qu’il attendait ne pleuvent pourtant pas, le regard courroucé de Phaedre vaut tous les noms d’oiseaux. La fiancée maudite voudrait l’être ce soir un peu plus, pour qu’il soit affligé d’une peine au moins égale à la sienne.

Les explications de l’héritier glissent sur sa fiancée sans qu’elle les entende vraiment. Elle n’esquisse pas un sourire devant ses vaines tentatives pour détendre l’atmosphère. Maintes fois, elle a essayé de lui tendre la main, pour ne récolter que son mépris. Il a usé ses chances. Il l’a usé, elle. Ce charmeur au sourire assuré n’est pas l’homme qu’elle a vu ces dernières semaines. L’aigri se cache, là, quelque part. Comme toujours, il va jaillir, et faire regretter à l’enfant de la Rose d’avoir baissé sa garde. A ce jeu, elle n’a jamais gagné. Rarement forte devant lui, toujours ramenée à ce passé révolu où elle se plaisait à s’oublier dans ses bras. Il semblerait pourtant que leur dernière rencontre ait sonné le glas de cette chimère qui persistait encore. Cette fois, Phaedre tient bon.

Elle ne dit rien, pourtant, quand il s’agenouille devant elle. Elle bafouille, il l’interrompt. Roderick a pensé ses mots, calibré chaque parole. A l’évocation de leur liaison commune, elle tremble un peu. Une voix dans un coin de son esprit la somme de réagir. D’interrompre cette mascarade et de le mettre à la porte. Mais il poursuit, et sagement, elle écoute. Confuse et désorientée de le voir ainsi, un genou à terre, un écrin dans la main. « Épouse-moi. » Il a osé. Phaedre ignore lequel est le plus ridicule. Elle, d’écouter son verbiage sans plus de résistance, ou lui, de croire qu’un beau sourire fera oublier ses pêchés. « Relève toi, tu es ridicule. » Elle pensait laisser la colère s’emparer d’elle. Mais dans sa voix, seules quelques traces d’une profonde lassitude se font entendre. L’héritière a mille questions qui se bousculent. Certaines ne feraient qu’insulter Roderick. D’autres inviteraient à un dialogue qu’elle le sait incapable de tenir. Un soupir, et elle recule encore, jusqu’à ce que le mur derrière elle l’invite plutôt à faire un pas sur côté. « Qu’est ce qu’ils diraient s’ils te voyaient comme ça ? Son père. Et Kenneth. Ils riraient assurément, amusés par cette amourette ridicule. Accentuant un peu plus l’humiliation de Phaedre et la colère de Roderick. Les dés sont déjà jetés, ce n’est pas ce mariage, le problème. » Elle s’interrompt une demi seconde, laissant sa voix retomber et ses yeux accrocher le regard de Roderick, plus intensément que jamais. D’un souffle, elle achève. « Le problème, c’est toi. » Elle s’en veut aussitôt d’être si abrupte. Consciente que sobre, elle fait autant de mal qu’il en a fait dans l’ivresse de leur dernière entrevue. Pourtant, trois semaines durant, elle s’est vue rejouer la scène, vider son sac et claquer la porte. Il y a des choses qu’elle ne peut plus taire, Phaedre.

Ses paupières restent closes un temps plus long qu’à l’ordinaire. Ce qu’il faut pour rompre le contact avec Roderick, et s’en détourner complètement. Les bras croisés sous sa poitrine, elle fait face à la fenêtre. Son front posé contre le verre, elle contemple l’immensité du vide au pied du cabaret. Des sorciers au pas pressé qu’elle envie un instant de ne pas être à sa place. « Quelques minutes à jouer les beaux parleurs ne feront pas oublier ces dernières semaines. Phaedre hésite à poursuivre, consciente de l’aveu à venir, elle qui n’en a jamais dit mot. Tu n’as rien de commun avec l’homme dont j’étais amoureuse. » La foule d’en bas disparaît un instant. Les yeux fermés, Phaedre se remémore un temps qui ne reviendra plus.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Jeu 15 Mar - 0:33


Il est ridicule. Il ne le nie pas. Il ne rougit pas non plus. Trente-deux années sous la bannière des Mulciber lui ont fait commettre des choses plus absurdes, plus fantasques et plus dégradantes qu’une demande en mariage. Le genou ne quitte pas le sol. Égal à ce qu’il fait toujours, Roderick n’obéit pas. « Parce que tu crois que je laisserais quelqu’un d’autre me voir comme ça ? » En sus, le fils se fiche éperdument de l’opinion que son père se ferait du spectacle. Trois ans plus tôt, Kenneth n’a pas manqué de le tourmenter à ce sujet, jusqu’à pratiquement le défendre de la revoir jamais. La liaison est devenue source de plaisanteries mesquines, qu’Imogen, en marâtre obstinée, s’est réjouie de goûter du bout des lèvres et à pleins crocs. « Que je le ferais pour quelqu’un d’autre ? » Si la tradition veut que le prétendant s’agenouille, c’est afin de se montrer déférent mais encore inoffensif. Son éducation de sang-pur avait d’ailleurs cela d’ironique qu’elle l’a instruit de la manière dont il convient de demander la main d’une femme quand même il n’aurait jamais le loisir de choisir pour lui-même. Ce soir, Roderick choisit. En vérité, et s’il savait l’admettre sans en mourir de honte, il avait déjà choisi. « Épouse-moi, Phaedre. » S’il insiste, c’est qu’elle n’a pas encore décliné. Et il n’est pas prêt à attendre que ce mariage aura lieu, de toute façon. Il le sait.

« Ce n’est pas le mariage, le problème.
- Dep -
- Le problème, c’est toi. »

Un coup de poinçon le prend dans les côtes. La touche est d’autant plus précise qu’elle le regarde droit dans les yeux. Elle voulait être certaine qu’il écouterait attentive au moment de le dire, de le proférer… de le blesser ? Roderick le croit intimement. La certitude qu’il le mérite flotte aux devants de son crâne. Il n’en débusque pas moins quelques parfums de l’injustice car, s’il est difficile, il plaide qu’ils sont bien assortis. À partir de ce moment, il lui faut se bouffer les lèvres pour ne rien rétorquer et vaciller sur sa rotule pour dissiper les douleurs qui s’accumulent. Les muscles tétanisent, plus fort dans le poignet qui tient l’écrin. La seconde d’après, Phaedre ne le regarde plus et une tension fantôme fait tomber les épaules et desserrer les dents. L’odeur âcre du sang se déverse sur la langue, envahit le palais. Il ne l’avait plus goûté depuis cette dernière nuit, il y a deux semaines, après le poing d’un audacieux écrasé sur son nez. La réminiscence occupe un moment Roderick, car il se prend à envisager de raconter chaque jour de ces trois dernières semaines à Phaedre. Elle n’aimerait pas grand-chose de ce qu’elle entendrait mais peut-être comprendrait-elle mieux pourquoi il est là où il est, pourquoi il fait ce qu’il fait. Du reste, il n’espérait pas qu’elle oublierait, surtout pas sans lui avoir présenté nombre d’excuses. Qu’espérait-il, au juste… ?

Qu’elle se laisserait convaincre, peut-être.
Qu’elle serait moins impitoyable que lui, peut-être.

Cette fois, Roderick est forcé de se relever. Sa jambe commençait à s’ankyloser, les mots de Phaedre le tenaillent plus profond et il n’en peut plus de la distance qu’elle impose. Sous le poids du sorcier, le parquet grince mais celui-ci ne s’immobilise plus que dans le dos de l’héritière. Les doigts tremblants déposent l’écrin sur le rebord de la fenêtre, tout à côté d’elle. « Non, tu as raison. Comment est-ce que je pourrais encore être cet homme ? » Le timbre accuse. De l’avoir transformé. De l’avoir empiré. D’avoir brisé son univers de paillettes, de vernis et de légèreté. « Je suis constamment en colère depuis ce jour-là… » Roderick ne saurait pas répéter le pénible aveu et l’entendre serait meurtrier et inutile, alors il ne laisse qu’une seconde ou deux filer un silence trop scabreux. « Je n’arrive pas à comprendre, pas à pardonner. Je ne peux en parler à personne. Je ne veux pas. Et la seule qui puisse l’entendre me déteste. » Par-dessus l’épaule de Phaedre, Mulciber la regarde autant qu’il regarde les passants. « Je t’ai proposé de venir avec moi. Il y a trois semaines. Je ne joue pas les beaux parleurs, il soupire à ce que son souffle s’écrase dans les cheveux. Je veux me marier avec toi. »
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Ven 16 Mar - 0:14


Cet effet qu’il a sur elle est un mystère chaque fois plus épais. Ils sont mal assortis. Ils ont déjà passé, au rythme de leurs engueulades, la liste de toutes leurs divergences. Et pourtant, ils sont là, encore. Incapables de laisser à l’autre cette paix qu’ils réclament à corps et à cris. Un balai incessant où il la fuit, avant qu’elle n’en fasse de même. Cette fois pourtant, Phaedre le pensait parti. Perdu pour toujours dans les bras de la première traînée capable de le faire revivre. Trois semaines, ça n’est rien. Mais jamais un Mulciber n’avait su se faire oublier si longtemps. Une part d’elle se veut soulagée qu’il soit là. Si près, trop, sans doute, réduisant à nouveau sa volonté à l’état de rien. L’autre n’y voit qu’un nouveau couplet sur une chanson déjà usée.

Il approche. Le parquet trahit sa présence. Impassible, Phaedre attend. La sorcière ne peut pas fuir encore. Elle sent son souffle sur sa nuque, et le devine à quelques centimètres. Un frisson, la chair de poule sur ses bras nus. Son propre corps en dit plus qu’elle ne souhaitait en faire deviner. Brusquement, elle a froid, le souffle court et le coeur qui s’emballe. Elle détache son front de la vitre et observe l’écrin qu’il a déposé pour elle. Ses doigts glissent sur la boite sans pour autant se saisir du diamant qu’elle contient. Il insiste, et elle ne sait plus comment le repousser. Ses mots résonnent et font tressaillir ses maigres certitudes. Il n’est pas fait pour elle, et pourtant, il lui est destiné. Il ne soutient plus son regard sans y laisser deviner sa haine, mais il est là à demander sa main. Rien n’a de sens. L’héritière voudrait se retourner, s’oublier dans le fond de ce regard noir, à la recherche des émotions du moment. Son mépris à son égard existe-il encore ? Pourtant, la sorcière campe sur ses deux pieds. Il poursuit. Elle écoute. Ne trouvant rien de nouveau à ce discours, peinée d’entendre qu’une fois encore il laisse filer sa colère et qu’une partie de ses reproches lui soient adressés. Le ton est différent, toutefois. Presque philosophe, en partie résigné. Les raisons de son absence commencent à l’intriguer doucement. Ce Roderick là n’est pas celui des semaines d’avant. Il lui en rappelle un autre, auquel elle aurait pu s’unir à une époque, si le destin n’en avait pas décidé autrement. Son souffle s’abat sur sa nuque, plus fort que ses respirations précédentes. Phaedre, inconsciemment, se redresse quand l’air vient caresser sa peau. « N’inverse pas les rôles... Elle tourne à peine la tête pour le détailler du coin de l’oeil. La jeune femme ne parvient pas à dire s’il l’observe ou s’il regarde en contrebas, mais elle a son attention, c’est là l’essentiel. Même au pire de tes insultes, je suis restée. On ne fait pas ça pour quelqu'un qu'on déteste. » Un peu de reconnaissance, c’est tout ce qu’il faudrait à Phaedre, en cet instant. La demande de Roderick n’est pas de l’amour, c’est un arrangement. Elle y a consenti sur l’ordre paternel, il y a longtemps déjà. « Tu m’as déjà, qu’importe la manière. A quoi bon jouer les seigneurs, si c’est pour retomber dans tes travers aussitôt après ? » Elle s’inquiète encore de le voir recourir à ses méthodes d’avant. Son fiancé ne sait pas se raisonner. Il n’a jamais appris à vivre dans la douleur. Pour lui, tout était si simple, jusqu’à Phaedre.

La sorcière abandonne l’écrin qu’elle tenait toujours entre ses doigts. Elle se retourne, pour faire face à Roderick dans une proximité qu’elle ne cherche pas à contourner. Il est là, si proche. Si bien qu’elle ne peut voir rien d’autre que les traits de son visage. Ses iris se fixent sur les siennes, et les lèvres un peu tremblantes, doutant du bien fondé de sa question, elle se lance. « Pourquoi est-ce différent, maintenant ? Pourquoi ai-je l’impression que tu es plus heureux quand tu fuis loin de moi ? » Il est si proche que sa voix tient du souffle. Un murmure, à peine. Un aveu de faiblesse, une seconde question qu’elle a laissé filé comme un regret. Il semble mieux, Roderick. Parce qu’il s’est éloigné d’elle. Phaedre est son poison. Elle le lit dans ses yeux. Le problème, finalement, n’est pas celui qu’elle semblait croire.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Ven 16 Mar - 1:30


Phaedre a raison, comme souvent ou toujours. Elle est tellement plus raisonnable que lui, et plus sensée, plus fiable, plus stable et bien plus avisée. Dès l’enfance abrité à l’ombre de femmes impressionnantes, Roderick n’en conçoit aucune misogynie. Au contraire, son ostracisme par-là les frontières britanniques aura relevé toute la ténacité de l’héritière à la Rose. S’il lui dira ? Par les quatre fondateurs de Poudlard, jamais ! Un jour. Mais certes pas ce soir. Quoi qu’il soit subjugué par cette haine que, justement, elle ne lui inflige pas, il n’en demeure pas moins hargneux, rancunier et méchant. Il espère que l’ire s’apaisera ou qu’il saura bientôt composer avec ses saillies. Par moment, elle est plus insupportable que la pire des courtisanes ; elle le connaît par coeur, s’insinue jusque dans les tréfonds et tiraille ce que toute sa raison peine à combattre. En attendant de savoir la vaincre ou la contenir, il a simplement résolu de la réserver à d’autres qu’à Phaedre.

« La manière m’importe, glisse-t-il sans qu’elle s’y arrête. » Roderick voit qu’elle l’observe du coin de l’oeil. La méfiance de Phaedre est à ce point perceptible qu’elle entame de le mettre sur la défensive. Trois semaines ne suffisent pas à s’entraîner et à s’améliorer sur tous les aspects. Il a du faire des choix et commettre des impasses. Ses travers, ainsi qu’elle les nomme et leur donne une forme plus précise, dorment, paisibles, sous la surface de son esprit. Ces monstres ne demandent qu’un léger coup d’aiguillon pour se réveiller, pointer à la cime et se déchaîner. Elle n’a qu’à le pousser un peu et Mulciber ignore s’il endurerait, ou plutôt combien de temps… Si bien qu’il ne dit rien pour ne faire aucune promesse qu’il n’est pas certain de tenir. Son silence vaut un aveu. Ses excursions ne l’ont pas changé en profondeur. Ce n’était qu’un revirement de point de vue, de la hauteur qu’il a prise sur les circonstances qui l’accablent. Cet apaisement est passager mais il était la condition sine qua non de son retour à Londres. Dans d’autres dispositions, il aurait mieux fait de pourrir dans n’importe quel bordel de n’importe quelle bourgade.

Lorsqu’elle se tourne vers lui, Roderick voudrait l’embrasser – rien qu’il n’oserait. Cela triture dans ses instincts sans qu’il ne bouge et ses pupilles s’occupent à soutenir son regard. Phaedre va dire d’autres choses, il le voit. Il se tait. Pas très longtemps car les questions soulevés le font parler sans réfléchir : « Je ne suis pas heureux, parait-il vouloir la rassurer. » L’épanouissement est d’ores et déjà un concept abstrait lorsqu’on est le clébard au service du bonheur d’un autre. Tandis qu’il lui servait de précepteur en toutes matières, Kenneth a fait miroiter à son fils que ce genre de quête n’avait pas l’ombre d’un sens et qu’il ferait mieux de poursuivre, toujours, son devoir. Ainsi s’est exécuté Roderick et c’est à la pire période de son existence (du moins dont il n’est pas refoulé le souvenir) qu’il s’y applique avec la plus grande méthode. Les rangs de ses amis n’ont jamais été aussi clairsemés. Il n’adresse guère plus d’un mot à sa sœur, nie parfaitement l’existence de sa tante. Il a persuadé Phaedre qu’il ne serait pour elle qu’un de ces salauds, maris impitoyables, égoïstes et cruels. Le temps qu’il faudra pour la détromper ne tient dans rien de ce qu’il peut imaginer. « Ce n’est pas à propos de toi, il ajoute de sa voix basse et tintée de gravité. » Ses doigts se sont dressés à hauteur de visage et Roderick est tenté de lui frôler la tempe et quelques mèches. Son geste se suspend avec de la fébrilité, même de la crainte. « J’ai du mal à te regarder sans penser à lui, je le reconnais. » Tant pis si elle n’aime pas l’entendre mais les questions l’assaillent toujours : comment aurait-il été, quelle vie aurait-il eu, et lui, quel père aurait-il fait. Un aussi bon père qu’il fera un bon époux, sans doute… « Mais il y a toujours quelque chose entre nous, n'est-ce pas ? » Ses yeux balaient leurs abords immédiats, comme de chercher une magie particulièrement complexe et volatile, un phénomène qui leur échappe et les assiège cependant.
Revenir en haut Aller en bas
Anonymous


Invité
Invité


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   Ven 16 Mar - 22:42


A trop fuir le contact avec son ancien amant, elle en avait oublié ses yeux. Ce regard noir, autant hypnotique que glaçant. Cette impossibilité de s’en défaire, une fois qu’elle plonge dedans. Phaedre sent un frisson remonter depuis sa colonne vertébrale jusqu’au creux de sa nuque. Il n’a que peu à faire pour charmer, Roderick. Il a toujours eu sur la gent féminine cet aura qui lui permet tout. Et même contrariée, l’aînée des Rosier ne peut que s’avouer subjuguée par lui. Il lui est plus facile, d’ailleurs, de se laisser gagner par ses manières lorsqu’il en fait enfin preuve. Le calme est tombé sur eux, inattendu mais bienvenu. Phaedre savoure cet échange à coeurs ouverts, mais déjà craint qu’il ne se fane. Parce que le fils Mulciber ne sait jamais rester sage trop longtemps, et qu’elle ne croit guère à ce prétendu homme nouveau. Ils n’en seraient pas là, après tout, si Roderick était prévisible.

A l’écouter ainsi parler, elle voudrait faire un dernier pas vers lui et l’enlacer contre elle. S’ils n’ont rien de commun l’un à l’autre, ils ont malgré tout l’essentiel, une douleur commune qui les lie face à l’adversité. Il semble enfin le comprendre, Roderick, conscient d’avoir trop longtemps déversé sa haine contre la mauvaise cible. Faut-il le croire ? Là encore, les doutes de Phaedre sont nourris par ses expériences passées. Le torrent d’injures a creusé son sillon jusqu’au plus profond de son être, nourrit ses craintes et sa défiance. Son palpitant s’emballe mais son cerveau lui intime de garder les pieds sur terre. Il l’a trop souvent déçu. Cette promiscuité devient plus dur à vivre à mesure que les confessions s’amoncellent. Il dit peu, mais le timbre sonne juste. Phaedre baisse les armes, lentement. Prête à le considérer sous un jour nouveau. Son exil l’a rendu meilleur, ou du moins plus raisonnable. Elle n’affirme rien, pensant cela, mais elle constate. Leur dernière rencontre l’avait laissée chancelante, terrifiée face à ce futur qui se dessinait aux côtés du Mulciber. Cette fois, il est un autre. Un dont la compagnie égaye sa triste existence. Sa voix est grave et son timbre sérieux, la source de sa colère dirigée vers un ailleurs qu’il n’a pas défini. En cela, elle le comprend. Ils ont ce même ennemi, cette fatalité sans visage qui leur a tant coûté. Phaedre aurait pu être une alliée, s’il l’avait laissé. Il n’en est plus question, à présent, si elle est prête à fermer les yeux sur nombre de ses esclandres, elle n’en oublie par sa propre souffrance. Il a été trop loin pour que tout soit pardonné songe t-elle, ses yeux se détachant de lui alors qu’il murmure tout le mal qu’un simple regard éveil.

Son regard ne reste pas fuyant longtemps. Les doigts de Roderick semblent vouloir s’attarder sur sa peau. Ils n’en font rien, pourtant. Elle le regrette, trouvant dans leur rapprochement une source de réconfort. « Mais il y a toujours quelque chose entre nous, n'est-ce pas ? » Ses iris se détournent de cette main tendue, pour chercher le regard de l’ancien amant. Il esquive, cherche un point d'ancrage qui ne soit pas Phaedre. Il admet à demi mots l’intérêt qui vivote encore, l’affection que les épreuves ont malmené, mais pas tout à fait coulé. Un instant, Phaedre reste interdite. Elle se répète ses mots pour mieux les faire siens. Un mince sourire étire ses lippes, tandis qu’elle brise la maigre distance qu’ils entretenaient encore. Elle a besoin de sa présence plus que celle d’aucun autre. Il démultiplie ses passions, la rend plus vivante que quiconque. L’héritière ne l’admettra pas, pourtant, trop orgueilleuse pour concevoir qu’une Rosier puisse tomber dans les bras d’un Mulciber. Mais la voilà qui s’approche, laissant sa main rompre l’abîme qui les sépare depuis des semaines. Ses doigts gagnent la nuque du Mulciber, avant de remonter jusqu’au coin de sa joue. Phaedre ne voit plus rien d’autre que ces lippes qui l’appellent. Elle s’en saisit avec douceur, d’un baiser qu’on croirait offert au ralenti. Quelques secondes, pourtant, à peine le temps d’en saisir le sens qu’elle rompt le contact de ses lèvres sur les siennes. « Toujours, oui. » Son souffle se brise sur les lippes toutes proches du Mulciber. L’héritière ne distingue rien d’autre que quelques parcelles de son visage, un instant encore, avant de se détacher de Roderick. Elle laisse ses doigts l’effleurer encore un peu, avant de ramener sa main jusqu’à elle. Ses joues s’empourprent, Phaedre n’est pas une habituée des moments d’audace. Elle laisse ça aux autres, à ceux qui, comme le Mulciber, sont d’ordinaire plus téméraires. « Je ne sais pas comment tu as fait ça, mais tu as une emprise sur moi que je ne m’explique pas. » Elle confesse dans un murmure, comme si se justifier était brusquement devenu une nécessité.
Revenir en haut Aller en bas



Contenu sponsorisé


You're the worst. Empty
Message
Sujet: Re: You're the worst.   

Revenir en haut Aller en bas
 
You're the worst.
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant
 Sujets similaires
-
» Kenya ~ When Death Brings Out The Worst (delai 5/12)

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
CISTEM APERIO :: RP archivés-
Sauter vers: