trouble is our middle name.

Ruby Weasley ? La voix inconnue fit lever la tête de la rouquine, concentrée qu’elle était sur sa plume quelques instants auparavant. Ses yeux parcoururent la silhouette de l’étranger, accent gallois à couper au couteau, mais avec un soupçon d’ailleurs. Un sourcil partit à l’assaut de son front, et elle ne lâcha pas le petit couteau dont elle se servait. Tout dépend qui la demande. Roderick Mulciber vous demande. Un rire incrédule s’échappa des lèvres de la Weasley alors qu’elle se levait pour faire face à cet homme. Roderick Mulciber, vraiment ? Il en avait, un toupet ! Son … quoi ? Ami avec bénéfices ? Comparse de beuverie ? Un peu plus, enfin, c’était ce qu’elle avait pensé, quand elle avait mis au tapis trois loubards pour le tirer d’affaire, quelques dix jours, deux semaines auparavant, quand il était ivre mort et allait sans doute se faire passer à tabac. Mais cet étron avait disparu le matin venu, sans donner la moindre nouvelle. Juste, disparu de la circulation. Et elle avait du apprendre par la presse, PAR LA PRESSE, qu’il était fiancé à cette plante en pot de Phaedre Rosier. Et que c’était sans doute pour ça qu’il était dans un état lamentable. Qu’il l’avait laissée s’occuper de lui. Avant de jouer les filles de l’air. Alors, après quelques missives, Patroni et beuglantes fleuries, la demoiselle avait décidé de tirer un trait sur son existence, purement et simplement. Personne ne trahissait une Weasley sans en payer le prix fort. Faisant jouer la lumière sur la pointe de son outil, elle s’avança vers l’émissaire : Vous pouvez dire à Monsieur Mulciber qu’il est mort, pour moi. Je vous souhaite une bonne journée, vous savez où se trouve la porte. Un regard méprisant plus tard, et elle se détournait. Si vous ne l’aidez pas, ce sera littéralement le cas. Temps d’arrêt. Les yeux de la jeune femme se fermèrent. Une seconde. Une expiration. Avant de murmurer : Je vous écoute.



Yougoslavie. Vraiment. Pestant pour la énième fois entre ses dents, Ruby Weasley se présenta aux abords du fief de Ymer Krasniqi en début de soirée. Il lui avait fallu deux jours pour tout organiser. Pour s’introduire chez les Mulciber. Dérober la Glace à l’Ennemi. Se rendre dans ce pays abandonné par les dieux. Situer Skenderaj avait été simple, grâce à l’émissaire. Lui faire cracher le reste avait été mission impossible. Il semblait complètement imperméable à tout charme roux, même avec une dose accrue d’Amortentia. Un sujet loyal, fort bien. Mais tous ne l’étaient pas. La barrière de la langue avait été un autre souci. Trouver quelqu’un marmonnant quelques mots d’Anglais avait été un calvaire. Cependant, la jeune femme avait rapidement rassemblé les informations dont elle avait besoin. Plus tard, elle tempêterait contre Roderick, son goût immonde de destination de vacances et de femmes (elle exclue, il fallait une exception à la règle). Diantre, cette Vlora valait-elle vraiment la peine ? Elle n’avait rien d’exceptionnel et, si elle hurlait autant au lit que quand on lui collait une droite pour le maîtriser, il avait du perdre ses tympans en plus de sa dignité. Ça n’avait pas été simple, mais personne n’avait prévu que Roderick appellerait une tueuse à gages à la rescousse. Même pas lui, c’était dire. Et elle n’avait pas le moindre doute sur le fait qu’Emrys l’ait pris pour une cruche qui allait pleurer auprès du Papa Mulciber pour récupérer le prix demandé pour la liberté de son fils. Enfin bref. Sous-estimer un joli minois était toujours une erreur de débutant. Et fort heureusement pour elle, les néophytes dans l’art de lire une Weasley étaient nombreux.

Quand on l’intercepta, donc, elle n’avait pas l’air particulièrement menaçant. Sa tenue, peut-être, pouvait alerter. Exit les vêtements alambiqués, elle avait revêtu la tenue de cuir souple qu’elle portait pour ses combats chez Monsieur. On lui confisqua sa baguette d’entrée de jeu, avant de la fouiller sans ménagement. Pas un son ne s’échappa de ses lèvres. Elle n’avait pas de temps, ni d’énergie à perdre. Et personne n’avait relevé son couteau de travail, dissimulé dans ses cheveux, relevés en chignon. Suivant le pas, elle se retrouva bien vite amenée dans une pièce assez mal éclairée. Deux hommes restèrent dans son dos, alors qu’elle repérait l’homme qui l’avait approchée précédemment. Croisant les bras, elle se campa sur ses jambes. C’était l’homme de droite, dans son dos, qui avait sa baguette. Rapidement, elle analysa les forces en présence : trop pour qu’elle s’en sorte en frappant. Ce n’était pas un problème, elle n’était pas venue pour ça. Elle était venue pour … Rod ? Sérieusement ? Elle retint un soupir à la vue de son … ami ? Il faisait peur et pitié à voir, dans sa chaise … dégoûtant, amaigri, pâle, il semblait sur le point de tourner de l’œil. Bien. Pas d’aide à attendre de lui. Elle leva les yeux au ciel, alors qu’Emrys s’approchait d’elle. Les choses sérieuses allaient commencer. Lentement, elle fit jouer sa nuque. Elle avait repéré la baguette de Rod. Un peu loin. En faisant distraction, peut-être. Avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, elle dézippa sa veste, plongeant la main sous le haut qu’elle portait et révéla un carré de papier. Une photographie. D’une certaine jouvencelle. En fâcheuse posture. Imperturbable, elle lui dit simplement : Explique-leur que je suis là pour négocier. Et, elle ne put s’en empêcher : Et qu’il faudrait sans doute qu’elle apprenne à tenir sa fille en laisse. Gratuit. Mais après tout, ça restait Ruby. Un peu de sass n’avait jamais tué personne. Enfin … pour l’instant.

Sérieusement. Merlin merci, il est vivant. Un demi-sourire effleure les lèvres de Ruby, seul témoin qu’il s’agit bien d’elle, pour les yeux de Roderick, sans doute peu habitué à la voir comme ça. Elle s’est longuement posé la question. Savoir si elle devait ou non faire la maligne. Mais la Glace à l’Ennemi pourrait servir à l’Ordre, une fois proprement réenchantée. Et il est hors de question de laisser une bande de va-nu-pieds s’en sortir pour le kidnapping de Mulciber. Ni Rod, d’ailleurs, pour l’avoir ignorée et appelée à la rescousse. Menton relevé, c’est la tueuse en Ruby qui se tient dans la salle, et fait face à la matriarche, sans sourciller. C’est une première pour elle et pourtant, elle se dit que si elle survit au quotidien au nez et à la barbe des Mangemorts,  ce n’est pas elle qui va lui faire peur. Son silence est la seule réponse qu’Emrys obtient d’elle. Elle ne le regarde même plus, c’est elle qu’elle jauge. Un gros morceau. Elle a été ambitieuse. Mais elle a tout calculé. Tout prévu. Tout planifié. Le silence choqué des Yougoslaves en dit long. Ce sont les yeux de la femme qu’elle cherche. Le reste a disparu. Le reste et même … Qu’est-ce que tu fais ? Ne pas se laisser distraire. Pas de signe de faiblesse. Tout va bien se passer. Elle a tout prévu … Elle dit qu’elle a d’autres filles. Sauf ça. Son attention passe à l’émissaire, qu’elle voit sortir sa baguette pour s’en prendre à Roderick. Ne le touchez pas, crache-t-elle, soudain chat tigré. Elle n’a pas bougé, mais les malabars dans son dos ont fait un pas en avant. Très bien. Leurs baguettes ne sont pas sorties. Ils se disent qu’ils n’en ont pas besoin. Ses yeux scannent rapidement le visage de Roderick. Il faut qu’il se calme pour pouvoir il être utile, mais impossible de communiquer sans alerter le Gallois.

Faisant jouer doucement les articulations de ses doigts, elle visualise ce qui va suivre. Il faut qu’elle joue finement. Vu la captivité de Rod, elle s’est dit que la mère prendrait le pas sur la femme d’affaires. Elle bluffe. Cela ne fait aucun doute, dans l’esprit de la rouquine. Aucune mère ne laisserait son enfant mourir. Peut-être pense-t-elle qu’elle plaisante également. Personne n’a bougé pour vérifier ses dires. Bien. Ses yeux abandonnent l’émissaire pour se placer sur Ymer. Une dernière tentative. Après, il faudra passer à la manière forte. Laisser la Glace à l’Ennemi est évidemment une option. Elle ne risquera pas la vie de Roderick. Pour le meilleur et pour le pire, l’idée qu’il meure lui est insupportable. Peut-être parce qu’il est l’un des seuls à la comprendre. Sans savoir réellement qui elle est. Un détail. D’accord. Dites-lui donc, à titre purement informatif, que si Monsieur Mulciber et moi-même ne sommes pas sortis d’ici dans cinq minutes, sains et saufs, baguettes en main, sans personne pour nous suivre, cette fille parmi tant d’autres succombera au poison que je lui ai fait ingérer. Pas l’ombre d’une émotion sur le visage de la jeune femme. Ni de bluff. Parce qu’elle ne ment pas. Elle a pris toutes les précautions nécessaires. Et la vie de la jeune femme par qui tout ceci est arrivé ne lui importe aucunement. Un nom de plus, tout simplement. Oh, ajoute-t-elle alors qu’il s’apprête à traduire, se tournant vers lui cette fois-ci, qu’elle ne s’attende même pas à trouver le corps si elle décide d’aller au bout. Je l’ai déjà enterrée. C’est l’ombre d’un sourire froid qui passe sur les lèvres de Ruby. Elle croise les bras, relève légèrement le menton. Si Ymer ne bluffe pas, ils sont dans de sales draps. Mais pas morts. Pas encore. Les battements de son cœur se sont accélérés. Son regard passe à Roderick, profitant de la traduction d’Emrys pour articuler silencieusement : Ta baguette. Prépare-toi. Elle est prête. A se jeter sur les hommes qui sont derrière elle, au moindre mouvement suspect. Pour faire diversion, et récupérer son bien. Il sait qu’elle peut les maîtriser, il l’a déjà vue à l’œuvre. Mais saura-t-il remplir sa part du plan qu’il ne connaît même pas ? Allez, ils n’en viendront pas à ça. Maman Ymer … réveille-toi.

C’est V-Vlora… ? Les épaules de la jeune femme se tendent. Il faut qu’il arrête de parler. Il lui prend de l’énergie et c’est proprement inutile. Tu parles de Vlora ? Un claquement de langue impatient lui répond. Dans d’autres circonstances, elle lui aurait sans doute demandé s’il en avait défloré d’autres pour se retrouver là, mais pas maintenant. Elle a besoin de toute sa concentration s’ils veulent survivre. Rien ne disait, quand elle a eu le message, qu’une fois la Glace en leur possession, ils les laisseraient partir. La parole d’une Yougoslave inconnue n’a que peu de valeur aux yeux de la Weasley. Alors oui, elle s’est préparée. Mais rien ne vous prépare réellement au terrain. A la dure réalité. Ce que Roderick ne semble pas avoir calculé non plus. Mais elle maudira son statut de privilégié plus tard. Pour l’instant, il faut qu’elle puisse compter sur lui. Donne-leur la Glace, c'est tout. Et visiblement, c’est peine perdue. Etouffant un grognement menaçant de monter à ses lèvres, elle écarte légèrement les mains quand les deux colosses la menacent de sa baguette, sans lâcher Ymer des yeux. Message clair : elle ne fera rien de stupide. Mais elle n’a pas peur. Pas un seul de ses membres ne tremble. Il lui faut une réponse. Et elle a plutôt intérêt à être bonne. A cette distance, avec les baguettes sur elle, sans compter celle s’enfonçant dans la gorge du Mulciber, ils sont dans de beaux draps. Elle attend. Elle a enfin son attention totale. Et leurs vies sont suspendues aux mots rocailleux de la femme.

Elle veut des garanties. Ruby en aurait soupiré de soulagement si cela n’avait pas indiqué une faiblesse. Elle se contente d’un rictus signifiant à peu de choses près « Je savais qu’on pouvait s’arranger » ». Cette fille n'a rien fait. Respirer. Garder pour la suite les insultes qu’elle meurt d’envie de lui cracher. Non, c’est visiblement lui qui a fait. Mais ce n’est pas la question. Cachant son agacement sous un masque de froideur impeccable, elle écoute la suite avec attention. Elle veut revoir Vlora. Mais s'il lui arrive quoi que ce soit... vous ne quitterez pas le pays. Fair enough, approuve la sorcière en s’inclinant légèrement, C’est tout à fait compréhensible. Le calcul est rapide. Vous pouvez venir avec nous. Ainsi qu’un de ces charmants hommes derrière moi, glisse-t-elle avec un sourire en coin. L’étincelle charmeuse revient peu à peu, alors qu’elle sent que tout se met en place. Vous gardez sa baguette, propose-t-elle simplement à l’émissaire. Je vais avoir besoin de la mienne. Et une fois notre chère Vlora exhumée et soignée, nous l’échangeons contre le bien de monsieur Mulciber. Léger sourire : Les hommes et leur baguette … enfin, vous savez ce que c’est. Son regard se porte sur l’horloge sur le manteau de la cheminée. Le temps presse. Deux hommes en tout, avec nous deux. Une baguette contre une jolie fleur. Rapport de force équitable, elle est persuadée qu’Ymer n’aurait pas laissé Emrys seul avec eux. Enfin, à sa place, elle aurait refusé. Nous voulons juste rentrer chez nous, comme Vlora. Echange standard et vous n’entendrez plus jamais parler de nous. Allez. Dans cinq minutes, tout serait plié. Et les feux de l’enfer se déchaîneraient alors sur Roderick.