[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
Jour maudit, jour de souffrance, de réclusion. Jour où je ne travaille pas, où je ne suis pas chez moi non plus. Aujourd’hui, je sais que, comme toujours, la douleur des remords viendra faire tambouriner mon cœur, viendra déchirer mon âme. Chaque année, à la même date, je disparais pour me terrer là où tout à commencer, là où tout s’est également achever. Dans un sens, ce jour-là, je suis mort, du moins, une partie de moi est morte. Neuf années…Voilà neuf années que je subis le même rituel, la même habitude, ne pouvant me détacher de son souvenir, de son visage, de son regard. Comme un besoin pressant de m’accrocher à mon passé, à cette femme que j’ai tant aimée. Pourtant, cette année, c’est différent. Cette année, beaucoup de choses ont changées, se sont potentiellement inclinées. Cette soirée passée en compagnie de mon meilleur ami, les baisers échangés, cette intimité trouvée. Les questions fusent, me dévorent. Que va-t-il se passer à présent ? Maintenant que nous avions couchés ensemble, dévoilant nos envies à l’autre, nous laissant tomber dans le vide, sans attaches ? Je n’en avais pas la moindre idée, l’esprit trouble, embrumé par des questionnements dont je ne vais pas trouver la réponse aujourd’hui…Surtout pas aujourd’hui. Attrapant mon carnet de croquis, là où beaucoup de pages contiennent son visage, les traits de ses yeux, de ses mains, me rappelant chaque jour la perte que j’ai éprouvée. Douloureuse, la plaie n’a jamais véritablement réussi à se refermée. Dans le couloir, je croise ma sœur qui m’observe, malheureuse, compréhensible. Elle sait où je me rends, elle sait ce qui va se passer lorsque je rentrerais. En souffrance, j’irais m’enfermer dans ma chambre, en souffrance, j’irais picoler jusqu’à plus soif et ce, pour recommencer année après année. Car telle est ma malédiction.
Regards qui s’échangent, qui se comprennent avant que je ne quitte la propriété des Selwyn. Une fois en dehors du périmètre de sécurité, je prends une grande respiration, observant les alentours, refusant d’être suivi, d’être interrompu dans ce rituel sadique et cruel. Une fois rassuré par l’absence de quelconque personne, mon corps transplane vers cet endroit de mort, cet endroit qui a vu tomber celle que j’aimais, mais également cet enfant qui n’a jamais eu l’occasion de naître. Bâtard aux yeux des miens, il ne méritait pas de voir le jour, faisant de moi l’exécuteur de celle qui faisait battre mon cœur. Déjà, ma gorge se serre, mes doigts tiennent fermement mes feuilles. Comme toujours, j’allais cacher celle-ci sous cette planche de bois usée par le temps. Comme toujours, j’allais ajouter mes croquis aux précédents, comme si ça changerait quelque chose, comme pour soulager ma conscience. Foutaise, je suis coupable et ce, de but en blanc. Je l’ai tuée, achevant sa vie, pour éviter qu’elle ne sombre dans des souffrances bien plus atroce. Ce jour-là, mon cœur me fut arraché de ma poitrine, mon esprit de vengeance c’est éveiller, n’a cessé de grandir, de s’imposer. Ils payeront pour le mal qu’ils nous ont fait, ne cessais-je de murmurer dans cette cabane en observant l’endroit où son corps, autrefois, gisait. C’est sûrement ce qui se passera, encore…Mes pas se mettent en mouvement, apercevant la cabane au loin, ne m’étant pas arrêté juste devant. J’ai besoin de ces quelques pas pour me préparer, pour ne pas sombrer. Autrefois, durant plusieurs années, je fondais en larme, tel un adolescent. Aujourd’hui, il n’y a plus rien qui coule, seule la sensation oppressante d’un cœur en souffrance qui reste. Je ne cherche pas à être discret, après tout, jamais personne ne m’a surpris ici, l’endroit n’attirant que des enfants avides de sensations fortes.
J’arrive à destination, poussant la porte grinçante des lieux, entrant dans l’ombre. Simples paroles murmurées, un geste de la main venant accompagner mes mots « Lumos » Lumière qui scintille au-dessus de moi, baguette magique inutile, éclairant les environs, mais également, cette silhouette qui fait en sorte que je me fige, que je m’arrête. Cœur qui cesse de battre, stupeur qui me frappe de plein fouet, je ne peux pas y croire, je ne veux pas y croire. « Seraphyne… » Murmure agonisant aux bords de mes lèvres, alors que j’ai l’impression que mon palpitant souhaite traverser ma cage thoracique pour retrouver cet amour qu’il n’a jamais cessé d’aimer. Elle est là…Revenante. Impossible…Si elle était revenue, je le saurais, elle serait réapparue avant, en-même temps que les autres membres décédés lorsque le voile fut déchiré. Hallucination, je dois avoir manger quelque chose de pas très net, j’ai dû être empoisonner, ou encore, je dois être victime d’un sort de très mauvais gout. Mes croquis tombent sur le sol, les feuilles viennent glisser sur le sol poussiéreux de la cabine, se dispersant ici et là. Ma magie vacille, ma magie m’échappe alors que la tension se fait plus présente en moi, plus violente. « Impossible…ça…ça ne peut pas…tu …tu es morte… » Je t’ai tuée, je t’ai vue de mes propres yeux succomber, me pardonner d’un regard face à mon acte impardonnable. Oui, je t’ai vue t’en aller, toi et cet enfant que nous chérissions déjà tant. Voilà ce que j’aimerais hurler, ce que j’aimerais dire sans jamais que les mots ne sortent, ma gorge bien trop nouée, bien trop serrée. Je tremble, faible, fébrile. L’armoire à glace n’est plus, laissant place à cet adolescent perdu et donc le cœur a été brisé, lacérer.
« Tu…tu peux pas… » Les mots ne viennent pas en phrase, mon timbre est vibrant alors que je ne la quitte pas des yeux, complètement ailleurs, le palpitant résonnant dans mes tympans, douloureusement dans ma poitrine. Symphonie évidente, je suis même pratiquement sûr qu’elle peut l’entendre, cette mélodie que fait mon cœur face à cette vision délicieuse et pourtant si cruelle. Elle n’a pas changé, figée dans la peau de ses dix-huit printemps, éternisée dans l’espace-temps. Oh que de cruauté, alors que moi, j’ai tellement changé. Traits tirés, muscles développés, âge qui trace mes traits froids et rigides. J’ai vieillis, elle est revenue, mes tourments avec elle.