ZAHRA ☾ wildfire

Juin 1983
Les prunelles neurasthéniques toisent longuement les traits dessinés sur l’avant-bras de la sorcière. Léger rictus dont elle ne peut se défaire depuis qu’elle a reçu ce cadeau. Cette bénédiction. Les changements opérés durant sa dernière année d’études à Poudlard étaient nécessaires. Indispensables. Son cursus s’achève sur une note sucrée. Agréable. L’ancienne Gryffondor contemple son destin se dessiner sous ses yeux. Celui qu’elle a choisi. « Je vais partir », souffle-t-elle sans même s’en rendre compte, attirant le regard de sa mère sur sa silhouette avachie. Du bout des doigts, elle retrace la silhouette du serpent courant sur sa chaire, glissant sur son épiderme. « Partir où ? », répond la génitrice sans lever les yeux de son journal, ne portant que peu d’intérêt aux dires de sa fille, « Partout. Quelle importance ? » Les murs de sa chambre l’étouffent, elle se meurt à petit feu dans cet environnement bien pensé. Ses parents voudraient qu’elle suive le même chemin qu’eux. Qu’elle s’engage bien plus concrètement dans leur quête du secret universel. Assurant par la même occasion sa survie quasi certaine. Elle ne veut pas de ça, Zahra. Pas que ça. Elle a besoin d’air, de voir autre chose que l’univers dans lequel elle a grandi. « Et que ferais-tu donc ? » La question l'irrite. « Tu le sais très bien », rétorque la jeune sorcière en jetant un regard noir à la femme qu'elle admire malgré tout. « Hors de question. Ta place est ici » Elle a ce don,  sa mère, de lui dire exactement ce qu’il ne faut pas. L’aînée de la fratrie ne pense plus qu’à son indépendance et aux portes que la Marque va lui ouvrir. « Je ne demande pas la permission »

Septembre 1988
La passion qui l’anime ne connaît pas d’égal. La passion qui l’a conduit sur les routes pendant des années. Elle a voyagé, traversé les frontières et connu plusieurs vies. Elle a parcouru l’Europe, fait un détour par l’Asie avant de terminer son périple sur les terres de ses ancêtres. Le moyen-orient, l’Egypte. Elle a perfectionné son art. Elle a appris tout ce qu’elle pouvait apprendre. Elle est passée à côté de la mort un bon nombre de fois, la sorcière. L’a donnée aussi. Souvent pour se sortir d’une situation problématique. Parfois sans véritable raison. Serpent qui ne laisse aucune trace. Vagabonde, elle vit sans attache. Se consacre à ce qu’elle a toujours désiré. Se sentant bien plus proche des dragons que de tous les hommes foulant la Terre. Son retour à Londres n’est du qu’à une opportunité. Un message envoyé par son père provoquant son retour plus ou moins précipité. « Bienvenue chez Gringotts, Zahra », murmure-t-il à son oreille alors qu’il l’accompagne pour son premier jour de travail, comme la gamine qu’il pense qu’elle est restée. Elle, fait bonne figure. Un travail est un travail, la Mangemort est heureuse du moment qu’elle passe la majorité de son temps en compagnie des créatures qu’on lui a confiées. Visage familier croisé au détour d’un couloir, elle plisse le front en cherchant au fond de sa mémoire, le nom de celui qui l’interpelle sans le vouloir. Juste par son regard. Lestrange.

Août 1992
Le monde s’effondre autour d’elle. Perd de sa tangibilité à mesure que l’image de sa petite soeur s’efface dans son esprit. La mort l’englobe toute entière jusqu’à l’étouffer. Jusqu’à lui faire perdre pieds. Et la colère qui gagne chacun des pores de sa peau à chaque seconde qui défile. Colère qui devient latente. Puis létale. Elle ne comprend pas, la sorcière, comment sa cadette à pu sombrer. Comment elle a pu finir par succomber. Elle ne veut pas comprendre l’incompréhensible. Admettre l’insoutenable. Le médicomage s’exprime. Semble expliquer ce qu’il s’est passé. Elle n’entend pas Zahra. Elle n’entend plus. Imperméable à tout mouvement extérieur, elle se referme sur elle-même, toisant d’un regard assassin cet homme pour qui elle n’éprouve plus que du dédain. Du dégout. Elle se tient droite, rigide, dans le bureau du sorcier qui se justifie, encore et encore. « Nous n’avons rien pu faire. Elle était condamnée » Ces mots-là la blessent. Profondément. Sa petite soeur, condamnée. S’entend-il parler ? Certainement pas. Une Shafiq n’est jamais condamnée. Une Shafiq se bat, jusqu’au bout. Foutaises. « Vous n’avez pas été capable de la sauver » La faute rejetée sur le médicomage. Comme une sentence. Irrévocable. La baguette de chêne blanc s’agite. Mouvement imperceptible. Un bruit sourd. Puis le silence. Éternel.

Janvier 1994
L’anneau rutilant autour de son annulaire la fait tressaillir. Représentation quasi parfaite d’une relation construite dans la longueur. Conclusion à laquelle elle ne s’attendait pas, la Shafiq. Pas après tout ce qu’ils ont enduré. C’est peut-être ça, finalement, qui les a menés à ce moment précis. Qui les a menés à se fiancer. Il n’était personne. Personne d’autre qu’un Lestrange à ses yeux. Jamais, elle ne se serait doutée qu’il deviendrait indispensable. Un élément essentiel à son paysage quotidien. Au grand damn de ses parents qui auraient préféré que leur aînée jette son dévolu sur l’un des membres d’une famille pour laquelle ils éprouvent une certaine affinité. Fiancée, oui. Mais pas au bon sorcier. Zahra n’en a cure, des désirs de ses géniteurs. Et c’est avec une certaine complaisance qu’elle laisse Adrastos lui passer la bague au doigt. Elle le connaît par cœur, le serpent. Ils se connaissent par coeur. Trop peut-être. « Ressaisis-toi », lui a-t-elle ordonné quand il lui a avoué sa séropositivité. « Ça va aller », lui a-t-elle murmuré de sa voix doucereuse chaque fois que le deuil l’assaillait trop brutalement. « Arrête de faire le con », lui a-t-elle intimé quand l’inquiétude était trop grande. « Fais attention », lui a-t-elle soufflé dans une étreinte quand le danger s’est soudainement réveillé.

Avril 1995
Lueur entrevue au bout d’un tunnel sans fin. Le visage de la sorcière retrouve un peu de sa lumière lorsqu’elle croise pour la première fois le regard de sa petite sœur. Revenue d’entre les morts, comme si c’était devenu normal. Comme si c’était devenu possible. Elle peine à y croire, se pince toujours quand elle contemple la silhouette dansante de sa cadette. Celle-la même qu’elle ne pensait jamais revoir. Passée la stupeur, le corps réchauffé par le monde extérieur, Zahra s’acharne à apporter tout le soutient possible à la revenante. « Concentre-toi » Elle lui répète au moins dix fois par séance. À chaque fois c’est la même chose. Dépouillée de sa magie par la mort, l’aînée aide la plus jeune à retrouver son instinct, ses sensations. Se retrouver, elle. Mais l’impatience est un trait qu’elles partagent. Et si il semble que l’enveloppe charnelle soit restée identique, quelque chose de plus profond a changé. Innommable, indétectable. « Détends-toi » Elle sourit, Zahra. Incapable de faire quoi que ce soit d’autre. « Dépêche-toi » C’est presque un jeu. Un jeu sérieux. « Pourquoi ? » Elle a toujours été curieuse, la cadette. Souvent trop. Beaucoup trop. « On a rendez-vous » La Mangemort s’investit peut-être trop dans la vie de sa soeur. Dans sa nouvelle vie. Celle d’une revenante qui a droit à un nouveau départ. Elle ne veut pas qu’elle le rate. « Où ça ? » Encore une question. Une question à laquelle elle ne répondra pas. Entretenant volontairement le mystère de son entreprise. « Tu verras », se contente-t-elle d’ajouter. Rictus fendu accroché à son visage.

Septembre 1995
« Va lui parler » Elle sait ce que ça fait, la sorcière. De retrouver un être disparu. De retrouver un être que l’on était pas censé retrouver. Jamais. Elle a retrouvé sa sœur, elle. Alors qu’elle n’aurait pas du. Elle ne peut imaginer ce que doit ressentir son fiancé depuis qu’il a eu connaissance du retour de celle qu’il a toujours aimé. Elle n’est pas idiote, Zahra. Loin de l’être, en réalité. Leur relation est compliquée. Indéfinissable. Il ne l’aime pas de cette façon. Elle ne l’aime pas comme ça. « Tu vas le regretter, si tu ne vas pas lui parler » C’est une certitude. Elle serait presque en colère contre lui, qu’il soit encore là à réfléchir alors que son premier amour est revenu d’entre les morts. Qu’est-ce qu’il attend ?

Elle le savait. Que le karma finirait par tourner. Que quelque chose de pas normal finirait par se passer. C’était trop beau, que le voile se lève et permette aux morts de revenir parmi les vivants. Trop beau pour que cela ne lui attire pas des problèmes. Elle le savait. Que ça finirait par arriver. Tôt ou tard. Qu’elle finirait par devoir affronter les vents contraires. Entreprise compliquée, mais qui est loin de l’effrayer. Surtout lorsque la tempête se tient sur le pas de sa porte. « Qu’est-ce que tu veux, Magdalena ? » Demi-sourire étirant ses traits marqués, la Shafiq se tient prête. Prête à tout. Les Avery ne font jamais rien sans raison. Celle-ci encore moins.