Anatoli ♰ let monsters reign (Délai: 30/01)

1. heir of ashes

L'arrogant se balade entre les murs comme s'il était encore ici chez lui. Bercé dès son plus jeune âge par l'imaginaire des Karkaroff, le gamin a grandi entouré de leurs légendes : la grandeur des tsars, la place privilégiée de leur famille dans l'ombre des Romanov, maîtres chanteurs de l'Histoire, la vraie. Et peu importe pour le jeune Anatoli qu'il n'ait des siens que l'imposture du nom. Aux yeux du monde, le jeune homme n'a rien d'un bâtard. Masqué derrière un épais mensonge, son honneur est sauf. Perspicace, l'adolescent a déjà bien conscience que le secret de ses origines est protégé avec véhémence par les siens non pas pas bonté du coeur mais bien par la seule grâce d'un mélange de pitié et d'orgueil. On ne peut admettre la bavure d'Ioana sans bafouer l'honneur du Saint Père. Par vanité, l'engeance meurtrière s'est donc vue affabuler d'un patronyme illusoire. Karkaroff n'a jamais autant été synonyme de mensonge qu'avec Anatoli.

Cela ne l'empêche pas de se pavaner dans le froid de Durmstrang comme s'il s'agissait du manoir familial. Ici plus qu'ailleurs, son nom de famille a de la valeur. Beaucoup de valeur. Ici plus qu'ailleurs, sa famille fait partie des mémoires, et ce même plusieurs générations après leur exil. Souvenirs entretenus par ses ancêtres par un savant tout de passe-passe : s'il n'est plus profitable pour eux d'habiter en Russie, tous se doivent de passer par les murs de l'école de magie bulgare. Rappels brûlants de cette famille qui faisait un jour partie de leurs dirigeants, les enfants Karkaroff sont tous élevés, dès le plus jeune âge, dans le but de briller au loin.

Anatoli s'accommode sans trop de mal de cet état de fait, bien conscient d'avoir échappé à pire. Déjà, le mot bâtard plane au dessus de ses cauchemars comme une épée de Damocles, dicte aussi bien ses mots que ses actes. Ce sont ces années passées loin de l'Angleterre qui achèvent de former l'adulte qu'il deviendra plus tard : là-bas qu'il apprendra à s'adapter, là-bas qu'il apprendra à toujours parler plus fort que les autres pour que jamais on ne suspecte ses failles.

2. heir of fire

Assis derrière son lourd bureau de chêne, les mains d'Anatoli sont jointes contre son menton - perdu dans ses pensées. Partout autour de lui s'étalent des vieux grimoires et des parchemins aux coins usés. Il grogne et rature ce qui peut encore l'être. Les revenants sont un casse-tête dont il s'écharpe à percer les mystères mais tout, de leur simple existence à leur incapacité de pratiquer la magie, s'entête à rester inconnu. La journée de travail est normalement finie depuis longtemps mais cela n'empêche pas le langue-de-plomb d'être encore et toujours submergé de travail. Dans l'encadrement de la porte, une silhouette fluette aux cheveux de blés observe en silence ce père qui se débat avec l'Univers, tente d'en mettre à jour les secrets. Rien dans les traits de son visage n'indique la filiation. « Tu penses avoir bientôt fini de travailler ? » Anatoli lève les yeux, retrouve l'héritière de ses mensonges avec surprise. C'est un fantôme que le Karkaroff continue de voir au fond de ses yeux.  « Une partie d'échecs sorciers ? » Le bourreau hésite, ne désire que dire oui. Face à cette fille à qui il ne sait pas parler, le voilà interdit. « Bien sûr, laisse moi quelques minutes. » Le sourire sonne faux malgré tout ses efforts.

Il ne peut retenir un soupir de soulagement à l'idée que Gabrielle ne fasse pas partie de ces âmes revenues d'entre les morts.

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Anatoli prend vie dans les soirées mondaines, rit du bout des lèvres alors que ses doigts effleurent une épaule ou une hanche. Oiseau de nuit, le Karkaroff semble être inévitable, de toutes les fêtes et de tout les ragots. Le chef des bourreaux n'a aucun intérêt pour le contenu des murmures pourvu que l'on parle de lui. Esthète, le serpent ne se donne pas la peine de cacher sa passion des belles choses : Anatoli aime le pouvoir, l'argent et les femmes (pas nécessairement dans cet ordre). Prétentieux devant l'éternel, le bâtard aime par dessus tout senti les regards se poser sur lui. Lui, l'imposture. Lui, le faux Karkaroff. Alors, pour que jamais personne ne se penche sur son sang, Anatoli rit. Il rit trop fort, il parle trop fort. Arrogant par nécessité plus que par nature, l'erreur se cache, se dissimule derrière toujours plus de fumée.

3. heir of blood

Le goût acre de l'adrénaline se dépose sur son palais et enivre ses sens. Le Karkaroff n'a jamais rien vu d'aussi beau que le carnage qui s'étend devant lui. La guerre touche à sa fin, tous le savent, tous peuvent sentir la victoire plus proche que jamais. Partagé entr'allégresse et nostalgie, Anatoli refoule les espoirs de la rébellion du pied. Il y a quelque chose de presque Sacré à se tenir au milieu des cadavres, héros d'un tout nouveau genre de croisades. Les réflexes affutés par des années de combat, il ne faut que quelques secondes à Anatoli pour se retourner lorsque des pas se font entendre derrière lui. Quelques secondes supplémentaires à peine pour que sa baguette, encore poisseuse de sang, ne se lève vers l'inconnu. « Avada Kedavra. » Un battement de coeur pour que celui de son vis-à-vis ne s'arrête, un dernier éclair de lumière et puis plus rien. Seuls les fous pensent qu'il y a place pour de la pitié sur un champ de bataille.

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La fin de la guerre a vu le monde changer. Anatoli a troqué ses atours de guerrier pour d'autres empreints de savoir, a enfin pu se consacrer à ses véritables ambitions, langue de plomb (car s'il est rentré au Ministère à la sortie de l'école en 1969, la guerre a bien vite eu priorité) : celle d'enfin - enfin percer les secrets de la mort. Cette mort qu'il a tant administrée, cette mort qui continue de le fasciner encore et encore. Père d'un enfant de la guerre, amputée déjà de sa mère, Anatoli n'est cependant presque jamais au manoir. Les premières années de la vie d'Ioana seront passées entre les bras d'une gouvernante. Déjà, la gamine met son père mal à l'aise. Il y a trop de Gabrielle sur son visage d'enfant et pas assez de lui. De ses cheveux roux à ses yeux marrons, le bambin semble hurler le nom de sa mère.

4. heir of freedom

Anatoli masque un sourire derrière un air affligé, sert la main du bébé entre ses doigts. L'enterrement de Gabrielle est aussi expéditif que leur mariage, marqué par les contraintes de la vie et de la guerre. Le veuf ne pousse pas la mascarade jusqu'à feindre un sanglot, se contente de regarder le cercueil s'éloigner sans rien dire. Et si, quelque par loin derrière les murs qu'il a érigé entre lui et le monde, son coeur se serre de voir sa fille privée de sa mère (lui qui ne se rappelle que trop bien avoir grandi sans la sienne) - aucune tristesse ne se lit sur son visage. Les traits fermés, il se contente de laisser ses doigts effleurer le front d'Ioana avant de retourner serrer la main des invités à cette mascarade funèbre. Pour la dernière fois, Anatoli sourit aux Ollivander, joue une comédie qui sonne faux pour tout le monde. Leur alliance n'a jamais eu de ça que le nom, le mariage entre Gabrielle et le Karkaroff n'ayant jamais eu la moindre chance.