Just like crystal clear water (Haenya)

Dans cet hôtel, seulement cinq pourcents des gens qui fréquentent le bar ne sont pas résidents. Pourtant, on y aperçoit toujours les mêmes têtes aussi mal famées; qu’elles soient riches ou qu’ils le prétendent simplement. Cela fait trois nuits qu’Haelly assiste aux soirées du Bal de minuit, bar réputé de l'hôtel. La première soirée se déroulait dans la grande salle où s'était organisé un bal masqué pour les célibataires accomplis, l’autre se déroulait dans les plus belles robes de soirées de la saison pour les couples, mais ce soir c’était ouvert au public et les gens riches de l’hôtel réservaient des sections entières pour attirer les filles bien roulées et leur faire passer la soirée sur les cuisses d’un de ses gosses de riche. Lyly était connue comme une personne de haut rang, on ne s’approchait pas de la belle sans savoir comment: pas de verres, pas d’argent, pas d’interactions corporelles. Ça non, tu la touches tu meurs, surtout si tu insistes. Sa robe noire, ses cheveux remontés et son maquillage légers prouvait qu'elle n’était pas accompagnée ce soir et qu'elle s’était déjà vue offert cinq propositions qu’elle a toutes rejetées une à une.

Son cou était découvert contrairement à son habitude de se pavaner avec les bijoux de sa plus récente collection. Ce soir, son ensemble banal faisait ressortir sa beauté naturelle, pratiquement une demi-vélane aux cheveux bruns, une femme si belle que la plupart la suivait du regard dans ses moindres mouvements mais personne n’osait l’approcher. C’était une malédiction pour elle et pour les hommes avec qui elle n’a jamais eu de conversations normales. C’est comme cela qu’une femme de son rang s’ennuie et commence à sortir avec des hommes de bonne compagnie sans but réel ou simplement pour se faire un peu d'argent, et c’est pour la même raison qu’elle n’était pas accompagnée ce soir.

Regardant le mur de bouteilles plus luxueuses les unes des autres et concentrée sur son whiskey et la manière d’agiter son verre de façon à ce que le liquide tournoie formant une sorte de transe pour les pensées éparpillées de la jeune femme en robe noire, Haelly reprit sa position au dos droit et hautain qui était le sien. Dans ses pensées, elle n’eue pas le temps de se rendre compte que la plupart des jeunes crétins étaient partis. Ceux qui lui avaient offerts des verres durant la soirée avait tous trouver compagnes et étaient montés dans des chambres louées à la hâte. Il était passé une heure et demi, le bar fermait à trois heure trente, et comme tous les soirs, elle restait jusqu’à la fin dans l’espoir de noyer ses remords sombres qui la hante depuis le début de l’ouverture de sa boutique attrape-mouche et tue-guêpe.

Sèchement mais avec un sourire aux lèvres, elle rendit son verre vide après l’avoir callé sans aucun souvenir de l’avoir fait. Dans un coin, deux hommes parlaient de la sorcellerie comme d’un art qui se ‘développe à l’âge de la puberté.’ Difficile de ne pas écouter les conversations quand le silence règne sauf ceux-là qui rient tout haut et qui crient leur histoire pour attirer l’attention. Elle se retourna dos à eux dans l’espoir d’être un peu seule et repris son croquis qu’elle avait débuter plus tôt sur un petit napperon de papier gris. Elle entendit des pas s’approcher du bar alors que les portes de la salle s’ouvrirent légèrement grâce aux deux jeunes portiers.

L’Anglais avait fait son voyage de retour en balai, profitant pour faire deux cours arrêt en Allemagne et en France pour voir des connaissances qu’il s’était fait lors de ses différents séjours dans les parcs à dragons. Ses études et son métier lui avait donné la chance de beaucoup voyager autour du monde et ainsi de rencontrer des personnalités dans les quatre coins du globe, mais il aimait toujours remettre un pied dans son « chez-lui », à Londres. C’était là qu’il avait grandi et là qu’il retrouvait ses racines dont il s’éloignait lors qu’il reprenait son envol. Kenya s’était habitué au mal du pays, la nostalgie du temps anglais dont il se moquait volontiers en auto-dérision avec les autres. C’était ce petit plus qui donnait ce charme à la capitale anglaise, au pays.

D’ailleurs son retour fut accompagné d’un violent orage. Pas facile de chevaucher son balai par ce temps… La visibilité était moindre parce qu’il voyageait de nuit et la pluie rendait la tâche encore plus difficile. Mais il arriva à bon port, en banlieue, là où l’attendait sa famille. Après les familiarités habituelles, les Wilde partirent pour rejoindre le foyer qui se trouvait au centre de la ville la plus peuplée d’Europe pour passer une soirée de retrouvailles. Sa mère aimait écouter son fils parler de ses aventures autour d’un bon plat concocté par ses petits soins maternels. Cette passion qu’elle avait était un drôle de paradoxe car elle s’en arrachait les cheveux lorsqu’il repartait étudier les monstres les plus dangereux de la planète. Cependant elle ne pouvait pas se passer de s’accrocher aux lèvres de son fiston et vibrait à chacun de ses mots. Un lien spécial les unissait, sûrement à cause de la mort de son aînée alors qu’il n’était encore qu’un petit bambin dépendant de ses parents.

Il s’en était suivit deux ou trois soirs avant que Wilde ne décide de se diriger dans ce petit bar d’hôtel où il avait l’habitude d’aller lorsqu’il ne savait pas trop quoi faire. Ce fameux hôtel se situait dans le même quartier que la maison où il avait passé son enfance et il y allait de temps en temps avec ses amis car c’était un des seuls endroits où ils servaient des cocktails acceptables dans le quartier. Lorsqu’il franchit le pas de porte, il remarqua directement que quelque chose de spécial. La clientèle était différente de celle qu’il connaissait normalement, beaucoup plus classe, tirée à quatre épingles. Heureusement que Kenya avait enfilé une chemise et un blazer et ne faisait pas si tâche là au milieu, même s’il ne portait clairement pas de la marque comparé aux autres convives. Il se dirigea vers le vieux comptoir.
-Un whisky sec s’il te plait ! Lança-t-il au serveur alors qu’il s’assit sur une chaise grinçante et son coussin moelleux ayant déjà vu un nombre incalculable de fessiers.
Kenya prit alors appui sur le bar et pivota pour observer la salle. Il y avait beaucoup d’hommes de plus de cinquante ans, et de femmes plus belles les unes que les autres. Le garçon lui ramena son verre, sans glaçon que le plus jeune de Wilde paya cash, lui laissant une bonne main normale avant de reprendre son activité préférée : épier les gens et imaginer tous ces petits jeux qui se déroulaient sous ses yeux. Il était tellement plongé dans son activité, qu’il ne remarqua pas la demoiselle qui se trouvait non loin de lui avant qu’elle ne pose son crayon sur le comptoir. Il tourna le visage dans sa direction avant de voir le napperon et la magnifique esquisse de bijou qui y résidait.
-Joli coup de crayon… La complimenta-t-il. De quelles pierres sera orné ce magnifique collier ?

Haelly remarqua bien évidemment que l'homme s'était assis près d'elle au moment où il commanda un verre de whisky sec. Soit il l'a copiait, soit il avait bon goût en matière d'alcool ce qui l'intriguait. Elle déposa son crayon pensant aux boucles d'oreilles qui pourraient bien complimenter le collier dessiner. Dans un silence presque intense, se faufila une voix qui dérangea sa concentration. Ellefut surtout surprise que quelqu'un s'intéresse à ses dessins qui selon elle n'était pas très représentatifs du produit final beaucoup plus élaboré.

- Joli coup de crayon… La complimenta-t-il. De quelles pierres sera orné ce magnifique collier ?

- Merci beaucoup.. dit-elle en baissant les yeux quelques peu gênée. Elle prit ensuite la serviette et la glissa dans sa direction pour qu'il puisse l'admirer de plus près. Ce sera fait avec de l'opal. Un client m'a demander d'en créer un pour sa femme, même si je lui ai recommander de ne pas choisir celui-ci parce que cette pierre précieuse est considérée pour ensorcellée et malchanceuse. Mais il a insister. Elle sourit à cette remarque comme si elle savait que la demande de son client était très intentionelle, il voulait porter le plus de malheur à celle-ci depuis qu'ils avaient été forcés de se mettre leurs bagues aux doigts.

Elle fini les dernières goutes du fond de son verre avant de recommander un double whiskey sec. Levant son verre en sa direction pour boire à son honneur ou plutôt en l'honneur d'un compliment qu'il lui avait si gentiment glisser. Ce n'est pas tout le monde qui peut l'approcher et d'ailleurs un homme assis au fond de la salle fut surpris qu'elle réponde à cet homme qui venait tout juste d'entrer. En fait, Haelly n'est pas dure d'approche, tant que la compagnie est bonne et qu'il n'insiste pas pour boire ou la complimenter sur sa beauté, elle sait faire ses propres choix de breuvage. Et d'ailleurs, il n'avait pas l'air trop riche, ni trop pauvre alors ça lui allait bien.

- Je suis Haelly, Haelly Honeycutt, heureuse de faire votre rencontre. C'est rare de voir des gens normaux ici. Bien entendu, cette remarque était fausse, il y avait des gens normaux mais ilsétaient souvent trop gênés pour l'approcher, souvent par peur parce qu'ils avaient entendu des rumeurs sur elle et sa galanterie, les hommes qui l'accompagnait et la payait pour rester et se pavaner à son bras. Bien peu romantique, mais c'était sa propre réalité. Dire que quelques années plus tard, elle marierait un homme dans le cmap adverse pour conserver son identité.

Elle sourit et croisa les jambes sur le petit tabouret où elle était assise. Haelly, bien qu'elle soit américaine, n'avait pas de grand accent, le sien ressemblait beaucoup à celui des anglais, une personne qui ne portait pas attention aux plus fins détails ne verrait pas la différence même si clairement, la façon de dire quelques mots changeait. Même si elle même est très minucieuse aux détails, elle ne fit pas vraiment attention aux moindres gestes qui se déroulaient autour d'elle. Comme le fait qu'il ne restait plus qu'eux ici. Toute son attention était maintenant sur Kenya, sachant que lui aussi devait avoir des passions aussi intéressante que la sienne.
- Alors, vous savez ce que je fais dans la vie, maintenant  votre tour de dévoiler votre travail.

Même pendant ses vacances, l'Anglais pensait à ses études, à son travail. Plus qu'une passion, c'était une réelle vocation pour le Gryffondor. Il pensait déjà à la rentrée, au stage qu'il allait effectuer à l'étranger pour rencontrer d'autres éleveurs et surtout d'autres spécimens. Son esprit n'était pas vraiment là alors qu'il se rendait dans ce bar, il n'avait même pas pris garde à qui était assis à côté de lui, ou s'il dérangeait quelqu'un. Ce ne fut qu’une fois assis, qu’il se laissa le temps d’observer la salle, puis l’inconnue qui était à ses côtés. Une belle créature à la tignasse ébène dense, belle créature qu’il aurait sûrement tenté de charmer si la nature lui avait donné cette préférence. Au lieu de cela, son regard fut happé par ce que la demoiselle était en train de faire : dessiner. Quelle drôle d’idée de sortir dans un bar pour crayonner, pensa-t-il avant que le barman lui apporte sa commande et qu’il se sustente d’une gorgée de whisky. S’il y avait bien une chose qui lui manquait, là-bas en Roumanie, c’était ce bon alcool, ce caractère fort. Bien sûr, sa famille lui manquait aussi, mais la vie était faite ainsi… Tous les petits oisillons devaient prendre leur envol pour partir du nid.

Alors qu’il reposa son verre, Kenya porta un peu plus d’attention sur le dessin qu’était en train de réaliser la jeune femme : un magnifique ornement qui piqua sa curiosité. Alors il se pencha légèrement dans sa direction avant de la complimenter sur son esquisse et posa la première question qui lui vint à l’esprit. L’éleveur de dragons sourit en voyant qu’il avait fait mouche et qu’il ne l’avait pas fait fuir… Après tout, elle aurait pu penser qu’il la reluquait depuis un moment et qu’il n’avait pas trouvé meilleure façon de lancer la discussion – ce qui était toujours mieux qu’un « Vous êtes charmante ce soir mademoiselle » du point de vue du jeune Wilde. Lorsqu’elle tendit la serviette, il attendit qu’elle en retire sa main pour prendre le papier et observer le dessin avec plus d’attention. Tout en écoutant la demoiselle, il scruta avec plus d’attention la commande que l’inconnue avait reçue et la lui rendit en souriant.
- Peut-être a-t-il choisi cette pierre pour autre chose… Il me semble avoir entendu qu’elle avait d’autres significations… Telle que la pureté et l’espoir… Et surtout qu’elle favoriserait la tendresse et l’amour.
Il l’observa brièvement finir son verre et en recommander un autre avant de l’imiter et de lever le sien et sa direction. Kenya sentait qu’elle l’observait du coin de l’œil, mais pas d’une manière inappropriée, plutôt curieusement. Certainement s’attendait-elle à ce qu’il commette une erreur et qu’il se dévoile comme un de ces hommes seulement intéressés par sa beauté.

Prenant à son tour le temps de boire une gorgée avant de poser son verre, Kenya dirigea son fauteuil un peu plus en direction de l’inconnue qui en profita pour se présenter. Il lâcha un petit rire à ses mots avant de la suivre.
- Je ne me définirai pas comme normal… Mais si ce terme vous est positif, j’en prendrais bon usage. Répondit-il du tac-au-tac avant d’enchainer. Enchanté Haelly, moi c’est Kenya, Wilde. Et je suis également ravi de faire votre connaissance…
Sans attendre, il but à nouveau une petite quantité de whisky qu’il laissa s’évaporer dans sa bouche pour en savourer les arômes et sourit à sa question. Tout cela paraissait naturel et c’était ce qui plaisait à l’éleveur de dragons.
- Et bien j’ai toujours été un passionné de dragons… Alors je suis en train de terminer ma formation en Roumaine pour devenir éleveur… Au grand dam de ma mère… Souligna-t-il en riant légèrement. Je suis en vacances pour deux semaines… Et après retour dans mon train-train quotidien… ironisa-t-il en buvant la fin de son verre car sa vie n’avait rien d’un train-train quotidien anglais. Et vous, vous confectionnez des bijoux alors ?