cardboard and butterbeer (pv)

Layla avait cessé de décompter le nombre de cartons qu'elle avait bien put transporter.
Ils passaient de main en main, faisaient le tour du grand salon dans une avalanche de recommandation alors que madame Potter tentait maladroitement de ne pas se montrer excessivement étouffante. Il y avait quelque chose de singulier dans le visage d'une mère qui voyait son enfant s'envoler, un déchirement inarticulé qu'elles peinaient à réprimer, une mélancolie à fleur de peau qu'on enfouissait sous des flots et des flots d'insignifiants propos. C'était un instant particulier, celui qu'on ne pouvait repousser mais qu'on aurait sans doute voulut suspendre, le temps d'une énième discussion ou d'une ultime négociation. Et Layla, elle aurait aimé leur offrir ce dernier moment d'intimité, marcher vers le jardin dans la mollesse du crépuscule, mais à chaque fois que son regard croisait celui de Cassandre, elle s'empêtrait dans une toute autre déréliction, rancoeur inavoués à l'encontre d'un père absent dont chacun évitait de prononcer le nom. Et pourtant, très haut au dessus de la cheminé, une rangée de portraits de famille dorées contenaient une part de l'amour inconditionnel qu'elle s'était toujours amusée à détailler. Car elle l'aimait l'amour Layla. Elle l'aimait l'étreinte chaleureux des frères, les regards soucieux des mères, les propos rassurant des pères, elle aimait le sérénité des foyers et cet irrépressible sentiment d'éternité qui y était rattaché. Mais il ne s'agissait pas de ça. Ce qui se déroulait à présent, cette prise d'indépendance, était beaucoup plus importante que ça. Alors oui Layla, elle souriait, elle rassurait. Elle secouait la tête au ton moralisateur de la mère, lui promettait de veiller sur le bien être de sa fille et de surtout, la prévenir si quelque chose n'allait pas et que Cassandre se refusait à le faire. Ce discours là, elle l'avait tenu des centaines de fois, à chaque repas dîner improvisé auquel son amie l'avait conviée. A force, elle s'en amusait. A force, elle s'y habituait.

▬ Ta mère est adorable. Et elle m'offre à chaque fois les meilleurs muffin anglais, je pourrai vous rendre visite juste en sachant qu'une assiette de gâteaux m'attend sur la table.

Ah Layla, elle rit en lui tirant la langue, abandonnant son carton remplit de pulls sur un autre avant de déambuler à travers la pièce.Elle secoue ses boucles russes dans un tic familier, attrape un ravier de fraise abandonner près de l'évier et vient s'affaler près de son aînée.

▬ Je ne refuse jamais une tasse de thé. Surtout lorsque ce dernier a été acheté spécialement pour moi !

Et il y a son regard qui vagabonde sur la courbe des meubles, qui glisse sur la fourrure luxuriante des félins avant de s'arrêter sur la fenêtre entrouverte, là où se dessine l'esquisse des bâtiments londonien. L'appartement avait son charme, à n'en pas douter, des airs de croisades de jeunes adultes, des notes d'aventures et d'individualisme de petite fille. Le premier appartement, celui qu'on adopte dès qu'on part de chez nos parents, où on accumule travaux et réparation ainsi que projet de décoration. Le gardien des soirées les plus folles et des excès en tout genre. Et mademoiselle sourit en tendant son trésor sucré à sa condisciple, esquissant un clin d'oeil complice.

▬ On aura plus à planquer nos chaudrons au chocolat lorsqu'on entendra ta mère passée dans le couloir en tout cas.

Car s'il y a bien une chose dans laquelle les deux jeunes femmes avaient investie une grande partie de leur adolescence,  c'était dans la dégustation de sucreries en tout genre. Plaisir coupable abrité par le secrets de leurs draps, entre secret et confidence, rire et pieux mensonge. Une douceur de jeunes filles en fleurs.

▬ Quelle est la suite du programme, on range ou on papote?.

Bien que mademoiselle doutait très sincèrement être capable de remuer ne serait-ce qu'un orteil dans les minutes à venir. Mais ça bien sûr, on le gardait pour sois, tentant d'appâter l'intérêt d'un des chats en tendant les doigts.