daily prophet

La Coupe de Quidditch britanique touche à sa fin. Les Hollyhead Harpies sortent vainqueurs du tournoi et la fête bat son plein. La rebellion, elle, murmure (+).
Les tensions montent alors qu'un nouveau revenant est enfermé à Azkaban pour le meurtre "accidentel" de sa fiancée.
Teatime with the Queen : Buckinghamshire est voté le county préféré des sorciers immigrants.



 

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 Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.

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Sujet: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Lun 13 Nov - 22:34

Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle,
Car le baril de poudre a peur de l'étincelle.
avec phaedre rosier

Roderick passe les portes avec l’aplomb d’un prince. Il a versé, dans les caisses du délicieux cabaret, tant et tant de ses propres gallions qu’il doit posséder l’équivalent des rideaux et des tentures. Quelques regards font plaisir à son orgueil et se tournent vers lui à son entrée. Les saluts sont modestes, car on n’est pas exactement l’antre des disputes philosophiques et des arcanes politiques. Du reste, il n’est pas seul – Roderick Mulciber l’est-il jamais ? À gauche, il est flanqué de son secrétaire, et assistant, et larbin obligeant à toute heure du jour et de la nuit. C’est un garçon efflanqué, tout près de la trentaine, encore qu’on croirait qu’il avait vingt ans il n’y a pas deux heures. À droite, il est plus solidement escorté par un rival en duel et ami. Brun. Bâti comme un saule cogneur. Jameson. Tout le monde se fiche de son prénom, c’est ainsi qu’on l’appelle. Il est le prétexte de Roderick pour entrer dans le bastion feutré des Rosier et ne l’ignore qu’à moitié ; il y a cent autres endroits où il serait plus amusant de vautrer leur noble naissance. En vérité, le fils de Kenneth Mulciber veut voir la tenancière des lieux, si bien qu’il est venu tôt afin d’être certain qu’il serait sobre.

Ses rapports avec Phaedre sont froids, au sens de morts. Pas un mot, pas un hibou. Roderick sait qu’elle se porte assez bien pour apparaître aux évènements mondains, propres à ceux de leur espèce, mais rien d’autre et, honnêtement, il se soucie peu de son bien-être ; c’est elle qui l’a tenu dans l’indifférence la première. À l’époque, il ne s’en est pas plaint, car cela convenait à tout le monde – et entre autres au pater – qu’on n’oublie ce qu’il s’était passé. Puis, finalement, il a pris ce silence buté pour ce qu’il était : l’insensible Phaedre Rosier dans toutes ses nuances. Enfin, le quotidien a effacé ces considérations désuètes.

« Je veux seulement lui parler. » Deux porte-baguettes (de véritables gargouilles par leur manque d'expressivité face à l'ensemble de ses arguments) leur barrent la route, à lui et ses comparses. L’homme ne le regarde simplement pas. La femme est à peine plus attentive, une sorte d’agacement croissant qui lui coule des yeux vers la bouche. Des répliques plus acides suintent dans la chair des lèvres et, néanmoins, le timbre radieux de Roderick persiste à lui agacer les tympans : « Je dois faire un esclandre pour que la patronne vienne m’attraper par le col et me jeter dans une pièce aveugle, les mains liées dans le dos ? » Ça pue le vécu, ou une simili vérité délayée dans un souvenir tangible mais arrangée pour certaines occasions, comme celle-ci. « Parce que ça ne me fait pas peur. » « C’est Roderick Mulciber, Jameson croit-il malin de glisser, très satisfait de lui, aux deux statues d’airain. » « Ils savent très bien qui je suis. » Ce dernier soupçonne même que c’en est la raison de leur refus. Phaedre n’a aucune envie d’avoir affaire à lui, ce que son solliciteur pourrait difficilement lui reprocher – Merlin sait comment il est. Néanmoins, est-ce la perspective d’un tapage qui contrarierait l’héritière plus encore ou la possibilité de représailles (et sous quelle forme ? une désertion de l’établissement, et ses dépenses faramineuses avec ?), le bref échange donne à réfléchir à la sorcière, qui disparaît derrière une porte. « J’espère qu’elle est allée la chercher, fanfaronne Mulciber en s’appuyant contre une boiserie, et pas juste pisser, parce que j’ai la patience d’un enfant de cinq ans… » Au type qui ne feint toujours pas de s'intéresser, il jette un sourire canaille.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Lun 13 Nov - 23:49



Un livre de compte en main, Phaedre tend l’oreille aux bruits du dehors. Quand les autres se vautrent dans la luxure et la désinvolture, Phaedre reste égale à elle même. L’oeil étranger à toutes ces moeurs dépravées, rose au milieu des ronces. Elle dénote, l’aînée des Rosier. Trop sage et trop engoncée dans ses bonnes manières pour qu’on ne s’étonne de la voir évoluer dans ce lupanar. Farouche, sauvage, loin des putains du bordel et de leur rentre dedans permanent. Elle replonge dans sa fastidieuse lecture, déjà las et éreintée. La nuit ne fait pourtant que commencer. Quelques minutes à peine, et elle s’interrompt. Cette fois, ses prunelles de bronze se posent sur la porte, quelqu’un entre. Une employée, la mine désolée, gênée d'être là. L’obséquieuse intruse fait quelques pas sur la pointe des pieds, comme si elle savait que la remontrance n’allait plus tarder. Phaedre clôt son livre, l’oublie sur une table basse. « Monsieur Mulciber demande à vous voir. » Il faut quelques secondes à la jeune femme pour imprégner ces mots. Des années qu’elle évite tout contact et qu’il a la décence d’en faire autant. D’un geste, elle hoche la tête. Non, pas ce soir. Ni aucun autre, d’ailleurs. Qu’il aille pourrir en Enfer, ils s’y retrouveront bien tôt ou tard. Après tout le mal qu’ils ont causé, c’est bien là le seul endroit qui les attend. « Il insiste, madame. Bruyamment. » Le mot est lâché. Il n’y a rien que Phaedre déteste plus que de se faire remarquer. L’autre ne la connaît que trop bien, elle doit bien lui accorder cela. Résignée, elle attend néanmoins encore un peu. Une minute ou deux. Juste assez pour qu’il ne pense pas qu’elle rapplique à sa demande, cède à ses caprices. Phaedre n’est peut être pas aussi orgueilleuse que lui, mais elle a sa fierté. Il n’en reste plus grand chose, juste assez pour qu’elle garde la tête haute. Enfin, elle se met en route, emboîte le pas de la femme venue la chercher.

Un escalier et un mince couloir plus loin, elle l’aperçoit. Fier comme un paon, l’air goguenard, entouré de sa cour, prêt à se jouer d’elle. Car elle le sait, ça n’est pas une visite amicale. Comment cela pourrait l’être ? Elle tente de taire les questions qui se pressent déjà dans sa tête. Pas une explication qui tienne pour justifier cet entretien. Elle s’est habituée à le voir ici, comme un coq au milieu de la basse cour, trop heureux d’enchainer les verres et les conquêtes sous l’oeil émerveillé de ces idiots qui se prosternent à ses pieds. Comment a-t-elle pu s’abandonner à lui ? Avant que cette colle ne trouve sa réponse, la voici arrivée. Le colosse qui empêche Roderick de passer s’écarte en la voyant. Phaedre est sur la défensive. Pas un regard à l’entourage de Mulciber. Lui, et seulement lui. Elle se voudrait inexpressive, mais sait que ses yeux trahissent son agacement. « Il faut toujours que tu te donnes en spectacle. » qu’elle lâche sèchement. Elle ouvre une porte, la première à sa droite. Un salon privé, vide à cette heure encore précoce. « Toi tu rentres. Eux, ils s’en vont. » le ton employé n’appelle aucune objection. D’un signe, l’armoire à glace à ses côtés lui fait comprendre qu’il a compris la consigne. Phaedre n’accorde pas un mot de plus. Devançant Roderick, elle fait irruption dans la pièce, bras croisés contre sa poitrine. Quoi qu’il est à dire, mieux vaut qu’il aille au but.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mar 14 Nov - 13:36


« La voilà ! » La grimace taillée dans les lippes est affreusement suffisante. Il rajoute à son cirque habituel, Roderick, pas si à l’aise de se trouver en présence de Phaedre qu’il veut le faire croire. Après tant de silence, l’habitude rouille, une distance solennelle se réinstalle. Parfois, il n’a pas l’impression qu’ils ont déjà été proches. Sans doute ne l’ont-ils jamais été, ou de la manière la plus physique qui soit. Peut-être. Peut-être pas. Reste qu’ils ne sont pas amis, ne l’ont jamais été, et, néanmoins, c’est bel et bien par amitié qu’il s’est précipité au cabaret, ce soir. Ce n’est pas pour autant que cela transpire de son attitude… « C’est ta faute, il se défend en détachant l’épaule du mur qui supportait son impatience, si je dois me donner du mal pour te faire descendre parmi nous autres, pauvres et insignifiants mortels. » Derrière le sarcasme, une pointe défensive subsiste, nichée entre deux ou trois syllabes, à tout hasard. L’on provoque aisément la puérilité de Roderick Mulciber et son goût pour le tapage. Du reste, la plupart des bien-nés sont sensibles au grabuge et au désordre, qui ont tôt fait d’éclabousser leur petit confort et leur vernis propret. Phaedre Rosier en chef de file. « Tu es dure en affaires, soupire-t-il aux conditions qu’elle impose à leur entretien, mais c’est la dame qui commande. » Ces derniers mots sont glissés à Jameson et au blondinet, que Roderick ne voulait de toute façon pas dans les parages lorsqu’il verrait la fille d’Oreste. Si l’aimable assistant se détourne sans sourciller, Jameson piétine, scrute brièvement le colosse. Il étudie la possibilité de s’introduire dans la conversation, sans trop savoir quel stratagème (sinon le soutien de son camarade) lui permettrait un tel prodige. La nuque de Roderick s’obstine à l’ignorer et il n’est pas certain que le personnel de surveillance du cabaret Rosier sera aussi compréhensif avec lui qu’il l’est avec un sang-bleu.

Jameson est vite oublié par Mulciber, très vite. Il a l’attention et les pupilles focalisées sur Phaedre. Dans le salon privé, il s’écroule sur la banquette. Sa posture dirait : c’est un habitué. Et sa manière de lorgner la jeune femme, plantée, là, immobile et rétive, qu’il attend qu’elle fasse ce que font habituellement les femmes dans cet endroit. Un sourire couturé par l’insolence ourle la bouche de Roderick : « Tu es très jolie, se permet-il de commenter sans trop de scrupule. » Déjà, parce que c’est vrai. Ensuite, parce qu’il n’a aucune intention de lui rendre la tâche accommodante. Son agacement la trahit tout à fait, qu’on croirait qu’elle ne fait aucun effort pour le dissimuler. Or, elle lui doit bien ça, quelques minutes, une fraction des discussions qu’ils n’ont plus eues et que son orgueil débile de mâle surprotégé n’est pas capable de lui pardonner. Les pupilles de ce dernier glissent et découpent la silhouette, s’attardent à plein d’endroits – se souviennent. Il ne s’est plus surpris de désir pour Phaedre depuis longtemps, comme si le précieux flux s’était délayé dans le sang du fiancé dont Roderick l’a privée. Il est, aussi, très facile à distraire et les prétendantes à l’aider ne manquent pas. Malgré tout, il aime – non, il vénère – le petit refrain qui joue dans sa tête et fredonne : je t’ai déjà eue. La rengaine déborde de ses billes, inonde tout l’espace disponible. « Où est passée ta bonne éducation, Rosier ? » Ses bras s’étendent par-dessus le dossier et il s’affale un peu mieux en terrain ennemi. « Pas un bonjour ? Pas un  verre de bienvenue ou en mémoire du bon vieux temps ? » La patience et la bonne volonté de Phaedre sont lisibles, si bien qu’il calibre presque scientifiquement ses gentilles petites attaques. Juste ce qu’il faut pour piquer. « Je t’ai connue plus… chaleureuse. » Et ces quelques syllabes n’ont jamais été aussi loin d’avoir leur sens premier.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mar 14 Nov - 19:28


Phaedre ne fréquente que les étages. Jamais sa fine silhouette n’ose s’aventurer dans les pièces ouvertes au public. C’est presque sale, incommodant. Elle ne comprend pas les putains qui sont sous ses ordres, ou feint d’ignorer que certaines sont là par nécessité. Dans ce salon, elle se sent comme une étrangère, alors que Roderick y évolue comme si l’endroit lui appartenait. Mesquine humiliation qu’elle ne doit qu’à elle même. C’est elle, après tout, qui a choisi ce boudoir pour refuge. Elle tente de faire taire ce sentiment d’infériorité qui la submerge. Peine perdue. Elle sent déjà ses joues s’empourprer au compliment de Mulciber. Elle le sait, pourtant, qu’il s’amuse d’elle. Et ça ne l’enrage que plus encore. Une poupée entre ses mains, voilà ce qu’elle est. Pas davantage. Il poursuit sur sa lancée avec ce même sourire goguenard qui sonne comme une provocation. Toujours pas de réponses à ses questions. Que fait-il là, pourquoi ? Il persiste à faire comme si ces deux années de silence n’avaient jamais eu lieu. Phaedre est perdue, mais se domine encore. Patiente, elle écoute, ne répondant à sa flatterie que par un haussement d’épaules dédaigneux. Farouche, elle craint son regard comme une biche celui du chasseur. Elle sent ses prunelles posées sur elle, et implore en silence pour qu’il daigne enfin lui expliquer la raison de sa venue. Ou qu’il parle, juste qu’il parle. N’importe quoi, pourvu qu’il cesse de l’observer avec cette assurance qui met Phaedre si mal à l’aise.

Une attaque. Une de plus. Comme s’il n’y avait que du fiel qui sortait de ses lippes. Phaedre sent son orgueil piqué à vif. Mulciber se croit tout permis. Il l’est, à dire vrai. Qui pour le contredire, même entre ces murs? Il est Roderick, le favori de ces dames, la coqueluche du monde magique. S’ils savaient, tous ces gens, que celui qui se pavane sous l’oeil des photographes était aussi imbu de lui même, l’aimerait-il autant ? Il s’amuse, et Phaedre est son jouet. Nul doute possible désormais. « Elle s’est envolée quand tu m’as convoqué comme une domestique sous mon propre toit. » L’amertume à peine voilée, elle sait qu’elle nourrit la bête. Il semble se délecter de la voir ainsi aux abois. Il en rajoute, même. Et Phaedre de serrer le poing pour regagner cette contenance à laquelle elle tient tant. Il réclame un verre ? Elle lui enverrait bien volontiers en pleine tête. Mais elle n’a pas été élevé ainsi. L’aînée des Rosier tient trop à l’image qu’elle renvoie, et consent à lui céder un peu. A contrecœur, elle s’anime enfin. Quelques pas vers le bar, une main vers la bouteille de Whisky, l’autre sur deux verres qu’elle attrape.

Quand elle s’approche de Mulciber, le coeur battant et l’estomac noué, elle lui tend son godet et s’assied à bonne distance. « Je t’ai connu plus agréable. » qu’elle rétorque, déjà las de ce jeu dont elle sort perdante. Ses doigts tremblants serrent le verre davantage qu’ils ne le devraient. Phaedre, craintive face à la moindre contrariété. Loin d’être aussi forte qu’elle veut le laisser croire. Et Roderick réveille en elle des faiblesses inavouées. Ce silence, cette distance, c’était pour se protéger. Non pas qu’il fût jamais violent, mais elle avait pour lui la défiance qu’on a pour celui qui a sur vous trop d’emprise. Il l’ignorait, et c’était bien ainsi. Là, la distance s’est envolée. Les souvenirs d’un autre temps surgissent pêle-mêle. Ceux d’un temps où, peut-être, elle souriait plus franchement. Cette Phaedre là était morte en même temps que l’enfant qu’elle portait, que ce fiancé qu’elle n’aimait pas, mais dont elle ne souhaitait pas la mort pour autant. Roderick et elle avaient décidément causé trop de torts. Pour justifier l’affreux silence qu’elle laisse s’installer, elle porte son verre à ses lèvres qu’elle humecte à peine. « Et si tu ravalais ce sourire imbécile et qu’on en vienne aux faits. » Installée sur le bord du canapé, comme si elle ne souhaite pas s’attarder, elle croise ses jambes et lâche un soupir. « A moins que tu ne m'ais pas encore suffisamment rabaissé pour ce soir... » D’un signe de tête elle désigne la porte par laquelle ils sont entrés « Parce que si tu cherches à tuer le temps, elles n’attendent que ça. » Avec ce rictus qui lui tord le visage, cet air satisfait qu’il affiche sans faillir, Phaedre ne sait plus à quoi s’attendre. L’a-t-elle jamais su, d’ailleurs. Qu’il parle et qu’il s’en aille, elle n’en demande pas davantage.

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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 15 Nov - 0:45


Le déplaisir manifeste que Phaedre prend à se trouver en sa présence, à lui parler, et même à tolérer sa vue, décante légèrement la nervosité de Roderick Il a l’avantage. Si elle avait voulu le jeter sur le parvis du cabaret, ce serait déjà fait – ainsi que le plus beau scandale qu’on ait vu depuis longtemps sur le Chemin de Traverse. Elle est obligée d’endurer son existence jusqu’à ce qu’il soit pris de lassitude ou délivre son message. Ce serait assez son genre, d’ailleurs, de s’ennuyer au point d’aller ennuyer. Mais pas Phaedre. Ce petit numéro est agréable sans non plus avoir le sel d’une véritable récréation. Elle est trop… austère, coincée, hostile. Trois qualificatifs qui ne le bouleversaient guère il y a deux ans et qu’il fait maintenant semblant de trouver insoutenables. Son hypocrisie en vaut bien une autre, et peut-être toutes les autres.

« Elle s’est envolée quand tu m’as convoqué…
- Je ne t’ai pas convoquée.
- ...comme une domestique sous mon propre toit. »

L’outrecuidant, qui se dédouanait d’un chantage pourtant manifeste, sourit, fort. « Je remarque que tu as obéi. » Qu’aurait-il fait, sinon ? À jouer des épaules, il aurait pu se glisser parmi les étages. Guère plus d’une poignée de secondes car, Mulciber ou non, les Rosier ont un territoire et les effectifs pour le défendre. Tout cela pour un banal entretien avec la taulière… ? Celle-là n’est pas encore capable d’en prendre la mesure et, cependant, c’est l’équation à laquelle Roderick a souscrit. En descendant, elle lui a toutefois grandement facilité la tâche. « Allons, ne fais pas cette tête, la regarde-t-il s’éloigner vers le bar. Je peux être agréable. » Ce timbre est équivoque. Non, putassier. Totalement personnel et, par conséquent, déplacé. Son air satisfait ne le quitte à aucun moment, bien qu’il soit brièvement tenté de la frôler lorsqu’elle lui abandonne deux mesures de whisky. L’écart qu’elle marque en s’asseyant amuse Roderick. Il fait refluer le liquide d’un bord à l’autre avant de se redresser, coude sur le genou et mirettes par-dessus le verre. Phaedre se trouble et il le perçoit. Ce n’est pas juste son exaspération, ou son mépris, ou toutes les odiosités dont elle a l’imagination. Dès lors, Il a deux options : feindre qu’il n’a rien vu ou s’engouffrer dans l’anfractuosité tel une faille que le prédateur a senti. À la loterie qui consiste à être bien souvent un insupportable connard, cette fois, Mulciber passe son tour.

Il avale une longue gorgée, qui le brûle délicieusement jusqu’à l’estomac. Par Morgane, les Rosier savent recevoir et ne produisent que des envies d’y revenir. « Tu devrais essayer de sourire, grimace-t-il après une autre rasade. Ça te changerait. » Ses pupilles, d’autant plus sombres que l’éclairage du salon privé est tamisé, se fixent sur elle. Un sourcil s’arque, curieux de voir s’accomplir le prodige. Aucune chance car, en effet, il s’est montré abject (non qu’elle ne l’ait en partie mérité) et n’en a pas terminé. « Et si c’est avec toi que je veux tuer le temps ? » Il y a compagnie plus charmante et plus désagréable. Une fugace réminiscence l’emporte vers Jameson, quelque part, en dehors de cette pièce. Il est probablement allé se vautrer sur le zinc et enchaîné les pintes. C’est raccord avec la réputation des duellistes et, selon toute vraisemblance, Roderick devrait être pressé de le rejoindre et de l’imiter. La vérité est à mi chemin entre ce qu’il dit et ce qu’il pense. « Je te paierais pour ça, bien sûr. » Son ton d’évidence est immédiatement suivi d’action ; dans les replis de ses vêtements, il cherche après sa bourse, qu’il décroche de deux coups sur les lacets et lâche, crevée et dégueulant ses or et ses argents, sur la petite table face à lui. « Et tu n’auras même pas besoin de danser. » Il achève les reliquats de son whisky, frappe le verre en le posant et s’enfonce de nouveau dans la banquette. « Pas que ça me déplairait si jamais tu te sentais soudainement l'envie irrésistible de le faire... »
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 15 Nov - 13:08


Elle aurait dû se jeter sur lui. Déchirer sa peau sous ses ongles, frapper, frapper encore, jusqu'à ce qu'il ravale ces mots qu'il lui lançait sans honte. Mais Phaedre ne bouge pas. Elle en est incapable, figée dans sa stupeur, prise d'effroi devant ce qu'elle entend. Chaque mot qu'il laisse s'échapper est comme un uppercut destiné à la mettre K.O. Phaedre n'esquive rien, elle est sonnée, confuse. Roderick, cet insupportable sourire collé aux lippes, lui lance des insultes à peine voilée. Qu'a-t-elle pu faire pour provoquer l'ire du Golden Boy, ce déchaînement de haine ? Il s'amuse, ou règle ses comptes, la jeune femme hésite encore. Elle ne répond rien, s'emmure dans son silence, car rien de ce qu'elle saurait dire ne pourrait freiner l'élan destructeur de l'héritier. Il joue, comme un gosse. Qu'importe que face à lui, sa poupée soit de chair et d'os, qu'importe que les larmes lui montent aux yeux, que ses lèvres se pincent pour garder le peu d'attitude qui lui reste encore. Roderick se moque bien de ce qu'il peut inspirer, il semble si fier de l'effet qu'il peut produire. Il s'écoute, boit ses propres paroles et son sourire s'étend davantage. Il s'aime, Roderick, et il aime plus encore rabaisser son prochain. Alors que peut Phaedre, face à quelqu'un que rien n'atteint ?

Le voir ainsi, déverser gallions et mornilles sur la table comme si elle n'était une vulgaire traînée dont il pouvait disposer lui provoque un haut le coeur. Elle ne peut pas rester ainsi passive, se laisser insulter par un être si vil qui ne vaut pas mieux qu'elle. Phaedre refuse d'écouter la raison qui lui intime de ne pas répondre, de laisser ses provocations glisser sur elle. Elle voudrait être au dessus de cela, avoir ce même contrôle des choses que Roderick en cet instant. Mais il est allé trop loin. Sa simple présence a éveillé en elle un flot de souvenirs emplis de mélancolie. Ses mots ont éveillé un sentiment d'une autre nature, gommés les regrets pour laisser place à des certitudes: l'homme qu'elle pensait connaitre n'est qu'un menteur au coeur atrophié. Un sursaut d'orgueil plus tard, et elle lui jette le contenu de son verre à la figure. L'instant d'après, elle est debout, tremblante. « Tu me dégoûtes, Mulciber. » Elle sent une larme perler au coin de son oeil, qu'elle essuie rapidement du revers de la main. Elle n'en a pas fini avec l'héritier. A peine sa phrase achevée, elle attrape une poignée de pièces, qu'elle lui jette dessus. Une seconde, encore. Comme un singe qu'on nourrit au zoo. « Sors d'ici. DEHORS. » Elle saisit une dernière poignée qu'elle lance plus violemment que les précédentes. « Ne t'avises plus jamais de remettre les pieds ici. » Ca n'est pas la colère qui parle, c'est l'indignation. Roderick et elle ne s'étaient jamais vraiment quittés, ils n'en avaient pas eu le temps. Mais jamais elle n'aurait cru qu'il puisse ainsi la heurter... Juste pour jouer. Aurait-il agît différemment, s'il savait qu'elle avait eu sa part de douleur à supporter ensuite ? Elle n'en aurait jamais la réponse. Mais pour la première fois, une part d'elle est soulagée que cet enfant n'ait pas vécu. Qui voudrait d'un tel monstre pour géniteur ? Roderick n'existe que pour lui-même.

Ses mains vides, des pièces répandues à travers le salon, elle se calme, reprend contenance. Mais la présence du Mulciber lui semble toujours intolérable. Alors, les mains jointes pour dissimuler les tremblements nerveux qui l'agitent, elle lui lance un dernier regard d'une froideur surprenante, même pour elle. Un mépris qu'elle ne se connait pas pour un homme qu'elle découvre sous un jour nouveau. Il l'a déçoit, quand bien même l'estime qu'elle avait pour lui n'était déjà pas bien grande. Mulciber a tué pour elle, oui. Mais quand rien ne l'y contraignait, sinon son orgueil de mâle dominant, sa soif de sang, cette colère qu'il ne maîtrise pas. « Considère que tu n'es plus le bienvenu au cabaret. » Son père n'en sera pas ravi. L'argent laissé par le fils Mulciber n'est pas négligeable. Phaedre se passe du consentement paternel. Elle trouvera un moyen de faire oublier Roderick. Sans un mot de plus, pas même un regard, elle passe devant lui, la sortie en ligne de mire.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 15 Nov - 15:45


Une fureur compliquée craquèle lentement le masque de Phaedre. De le surprendre, le duelliste comprend qu’il est allé trop loin. En quelques touches, il s’est glissé sous la cuirasse et les dégâts sont monstrueux. Les enfants des aristocrates sont similaires en tellement de points, si préparés dès leur jeune âge à se tenir droit, menton relevé et de petits mensonges placardés partout sous et sur la peau. Et, nonobstant ce cuir robuste, ils n’en restent pas moins mortels, aussi faillibles que tous les autres, sensibles, meurtris, complexes. Le regard de Roderick se voile, car il sait de quoi seront filées les trente prochaines secondes… Jadis, Phaedre était plus résistante ou lui moins cruel. Elle n’avait pas blessé son misérable ego. Il ne l’avait pas entaillée depuis l’intérieur. Ils étaient amants et, en un sens, cela se voit : on ne s’escrime pas contre quelqu’un qui ne vous a pas, fût-ce peu, fût-ce il y a longtemps, touché au coeur. « Att - » Le salaud a levé les pognes en l’air.

Trop tard.

Du pouce et de l’index, Roderick s’éponge les yeux et les tempes de tout le whisky. Il a mérité d’être si généreusement arrosé, c’est entendu. L’alcool le brûle aux coins et il peste sous les invectives qui ne le font pas bouger d’un iota. Même s’il voulait s’exécuter, il est désorienté et confus. Il en va toujours ainsi avec Roderick Mulciber : il commet ses stupidités et réalise, à rebours, qu’elles n’en valaient ni la douleur ni le divertissement. « Si tu veux bien te rasseoir… » Ses syllabes sont hachées et sa lèvre inférieure mordue. « Qu’est-ce que. » L’une des pièces heurte la pulpe. Une autre la joue. Phaedre est debout, à présent, et ne tarit pas en projectiles. L’avant-bras est porté à hauteur de figure dans une mince tentative de se protéger. « Arrête ça ! » On n’a vu que des sang-purs, Rosier et Mulciber en file, pour se battre à coup de trésors… « Phaedre, par Gringotts ! » Non seulement cela fait mal mais c’est ridicule. Roderick doit se souvenir qu’il la domine de dix bons centimètres et qu’il n’a décemment pas peur de gallions et mornilles et se lève à son tour. L’agacement a chassé la satisfaction. « Est-ce que t’es devenue folle ? » De rage, sans doute. Avec les compliments de Roderick "Sale con" Mulciber.

Après qu’elle l’a consigné sur la liste noire du cabaret Rosier, Phaedre se voit déguerpir et Roderick, perdre tout contrôle de la situation. Dans un accès d’audace, il envisage de la retenir, doigts enroulés autour du poignet, de l’épaule, ou posés sur la taille, et, de se raviser en secouant la tête, il bloque le battant de la porte avec sa paume. Ils sont vraiment proches désormais, comme elle ne le voulait pas et lui non plus, réflexion faite. « Ton papa en serait vraiment contrarié. » Par plusieurs aspects, dont quelques uns excèdent les intérêts pécuniaires de la famille à la rose. « Et c’est justement de lui dont je venais te parler, enchaîne-t-il très vite pour ne pas discuter de son assiduité au creux de cet établissement. » Car, oui, il y avait un motif, outre celui de fâcher Phaedre. Ce n’était pas vraiment son intention, en vérité. Il lui voyait plus de résilience, ou il croyait qu’elle en avait. Ils ne se connaissent plus. Ne se savaient pas bien. Dans son infinie vanité, Roderick n’en avait pas conçu beaucoup de chagrin. Pensait-il. Il avait enjolivé le souvenir. Et terni. Et déformé. Une sale idée, vue la teneur de ce qu’il s’apprête à raconter. « Tu veux bien te rasseoir une minute… ? » Mulciber hausse deux sourcils impatients. « Très bien, fait-il en ne la voyant pas bouger. Faisons ça ici, alors. » Par prudence, il se glisse néanmoins entre elle et la sortie. Deux bras croisés sur la poitrine font rempart une fois qu’il a fini de chasser les gouttelettes survivantes de whisky à son front et dans son barbe.

« La semaine passée, je suis allé à un match des Catapultes de Caerphilly avec mon père. Quand il en a eu marre de me raconter que la tactique du capitaine était débile, il m’a rappelé que j’avais trente et un ans, et ni femme ni enfant. C’est ennuyeux. C’est ce qu’il a dit : ennuyeux. Il a recommencé à déblatérer sur la Ligue de Grande-Bretagne – je te passe les détails. Puis, l’air de rien, il a mentionné qu’il avait déjeuné avec Oreste Rosier. J’ai dû répondre quelque chose comme ah ?, il a grogné quelque chose comme hmm, et on sait tous les deux l’unique raison qu’ils ont de se parler. » Détachant un index de son poing serré dans le coude, Roderick a à peine besoin de désigner Phaedre puis lui-même.


Dernière édition par Roderick Mulciber le Jeu 16 Nov - 10:59, édité 1 fois
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 15 Nov - 22:26



De ce sourire insupportable, il ne reste rien. Évaporé dans les vapeurs de Whisky, dégoulinant au sol avec le reste de sa suffisance. La lueur a changé, dans le regard du Mulciber. Du regret ? Ne sois pas trop gourmande, Phae. Juste un soupçon de lucidité. Sa récréation a pris fin, il a cassé son jouet. Elle a déjà une main sur la poignée de la porte, quand celle de Roderick s'abat sur le panneau de bois pour la maintenir fermée. Ils sont proches, trop à son goût. Phaedre fait un pas en arrière, prête à réclamer des comptes. Elle n'a pas le temps de s'imaginer une réplique que Roderick achève déjà la sienne. Exaspérée, elle soupire. L'instant d'après, elle est perdue. Lui parler de son père, d'entre tous les sujets qu'il pouvait aborder ? A n'y rien comprendre de son petit manège. L'héritier n'est pas qu'enigmatique, il est surtout incompréhensible. Son ton a changé, lui aussi. Voix posée, toute trace de moquerie effacée. Mais Phaedre refuse d'accéder à sa demande, aussi insignifiante soit-elle. Elle a déjà consenti à une requête, ce soir. Descendre pour lui parler. Tout ce qu'elle n'a récolté n'est qu'insulte et humiliation. Il a déjà assez obtenu d'elle. Et il le sait, alors il poursuit sa tirade. Il croise ses bras contre sa poitrine, l'instant est grave. Le Golden Boy a cédé la place au fils Mulciber. Pour un non initié, quelle différence ? Mais pour ceux de leur cercle, la distinction est importante. Il représente un clan, une idéologie, un art de vivre. Mulciber, tête haute et torse bombé. Phaedre écoute, il va parler.

S'en suit une litanie à laquelle elle a déjà prêté l'oreille. Un son qui pourtant sonne toujours aussi durement. Cette fois pire encore. Son visage peine à cacher la détresse, au fur et à mesure qu'elle croit deviner la suite. Quand Roderick se tait, le silence se fait lourd. Elle suit son index tour à tour pointé d'elle à lui. Les mots se font absents. Phaedre n'est pas certaine que, même si elle les trouvait, il fut possible à sa voix de les faire entendre. Après quelques secondes, elle tente malgré tout. « Non. » Un souffle, à peine. Juste un mot glissé par miracle, échappé de ses lippes, mais qui résume si bien ses pensées. Non. Ca ne peut-être lui. Pas Roderick, surtout pas. Encore un mensonge, encore un jeu, celui-ci simplement plus convaincant. « C'est encore une de tes tentatives pour me mettre plus bas que terre. » Elle hoche la tête comme si elle voulait s'en convaincre. Elle en a besoin, Phaedre. De ce moment de doute, de cet espoir infime qu'il ne dit pas la vérité. Mais elle voit bien à son regard qu'il ne joue plus, désormais. « Mon père ne me ferait pas ça. » Oh si, Phaedre, qu'il le ferait. Elle le sait, son père se moque éperdument de ce genre de contrariété. Ses enfants sont là pour obéir. Vitrine du clan Rosier, qu'on troque à sa guise pour quelque alliance supplémentaire. Phaedre, trop souvent ramenée au bercail. Maudite Phaedre, semant la mort avant d'avoir atteint l'autel. « Il l'a fait ? » Sa phrase ne s'adresse qu'à elle, son regard est perdu dans le vide autour d'elle. Un constat de faiblesse. Phaedre, toujours la dernière informée. Femme reléguée à ce qu'elle est, là pour habiller le bras d'un homme. Sourire, quoi qu'il en coûte.

Elle délaisse Roderick sans accorder un regard. File droit vers le mini bar, se ressert une nouvelle rasade de Whisky. Cul sec, qu'importe que son gosier brûle, elle a besoin de sentir que tout ceci n'est pas qu'un cauchemar. Enfin, elle daigne reporter ses prunelles sur l'héritier. « Tu lui as dit que c'était impossible, pas vrai ? » Concevoir sa vie avec Roderick lui semble insupportable. Fonder une famille avec lui, si tant est que cela soit possible. Surmonter cet enfant avorté malgré elle, cette moitié d'eux qui n'a jamais été. Devoir toucher sa peau, la faire sienne à nouveau. Pas juste un instant, non. Ce contrat là ne s'achève que dans les cendres. Et Phaedre déjà d'imaginer les alternatives. Elle, mariée à Gorgororth. Sa soeur au bras du Mulciber. Cassiopeia serait à son aise, dans ce clan. Phaedre, fille de l'ombre, n'a que faire du glamour qui accompagne une telle union. Les Rosier ont grandi dans les ténèbres, et c'est là qu'elle se complet. Mais qui s'est déjà soucié de ce que Phaedre voulait ?
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Ven 17 Nov - 3:15


La perspective ébauchée par ledit déjeuner n’enchante aucun des principaux intéressés. Au cours des années qui ont brodé leur enfance puis leur adolescence, Phaedre et Roderick n’ont jamais fait montre d’un quelque intérêt à se marier. Ils sont trop différents, élevés dans des vues différentes. Leur seule intimité s’est jouée dans l’ennui de l’une et l’orgueil de l’autre, et cela ne fait guère une union prolifique. Les comptes faits de ce que les deux héritiers se reprochent pour n’est-ce qu’une brève histoire, déjà vieille de deux ans, laissent présager du chaos que l’on commettrait en leur nouant durablement le sort. De son côté, Roderick avait cru bon de penser que son père avait, pour de bon, enterré le dessein après qu’il avait tué le fiancé. Kenneth Mulciber ne veut pas d’un lien sincère, d’un lien supérieur et sublime, pour son fils. Rien qu’un arrangement en bonne et due forme, pour le plus grand déplaisir des parties et l’intérêt primordial des familles. S’il n’a jamais questionné Roderick au sujet de ses sentiments pour Phaedre, le seul fait d’avoir entretenu une liaison avec elle, en dehors de toute obligation et de tout intérêt prosaïque, lui était signifiant. Tuer pour elle, pire encore. Il eut été stupide de prendre le risque de les laisser ensemble et, du reste, le scandale devait être étouffé. Kenneth a battu le rappel, Roderick lui est revenu au galop et ils n’ont plus évoqué le sujet. Jusqu’à la semaine passée et le mauvais match des Catapultes de Caerphilly, dont il se serait volontiers dispensé d'admirer la défaite.

« Crois ce qui va t’aider à dormir la nuit, se contente-t-il de rétorquer avec désaffection. » Mulciber est minable, oui, et méprisant, parfois cruel, souvent égocentrique, mais il ne ment pas. Il n’en a pas besoin. On lui a autorisé la franchise et une certaine spontanéité, au détriment toutefois de la sincérité. À force de lui avoir écrit des didascalies, il est une version déformée de lui, une mouture qui lui donne bien souvent à se haïr, et, cependant, il refuse d’être traité impunément de menteur. La vérité, au demeurant, est tellement plus blessante.

Quand il est sûr qu’elle ne va plus s’enfuir, Roderick se détache de la porte et fait quelques pas parmi les gallions et les mornilles. Du bout de ses semelles, il repousse quelques pièces. Un chemin qui va jusqu’à l’héritière des Rosier se dessine. Il reste là, à peu près au milieu de la pièce, les deux mains dans les poches pour se payer un air dégagé qu’il est loin de ressentir en-dedans. « Je vais tâcher de ne pas me vexer, lâche-t-il en la regardant vider le mini-bar. » Le sarcasme badigeonne et panse la plaie. Roderick ne s’attendait pas à ce qu’elle soit plus ravie que lui (et, sur le moment, il adorerait vider un autre de ces whiskys). Néanmoins, ayant eu plus du temps pour se faire idée, ou pour en retrouver le concret, il est piqué, froissé, blessé, quelque part entre l’amour-propre et la nostalgie d’une chose qu’ils ont eu et qui s’est éteinte. « Que voulais-tu que je dise ? il riposte passablement exaspéré, cette fois. Il ne me demandait pas mon avis… » C’était tout le contraire, un bel arbitraire. De bien connaître son père, il sait aussi que c’était un test. Se précipiterait-il d’en discuter avec elle ? Coché, car le père connaît aussi extrêmement bien le fils. « Ils ne nous demandent jamais notre avis, sentence-t-il à voix haute et néanmoins pour lui-même. » Il choisit de se rasseoir, de dépit et de résignation. Pour cesser de frémir, aussi, d'osciller au risque de trébucher. « Et pourquoi ce serait impossible ? Tu as trouvé le temps de te marier entre la semaine dernière et maintenant ? » La part, certes  très marginale, qui s’est secrètement réjouie de retrouver Phaedre s’arc-boute, gronde et feule. Mulciber ne l'écoute pas, il ne préfère pas.


Dernière édition par Roderick Mulciber le Ven 17 Nov - 23:40, édité 1 fois
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Ven 17 Nov - 23:31


Phaedre, enfant paumée dans des alliances qui la dépassent. Seule, comme à son habitude. Humiliée par ce fiancé qui n’était qu’un souvenir douloureux quelques minutes auparavant. Brisée d’avoir à s’inventer un futur auprès de celui qui hante toujours son passé. Elle l’écoute d’une oreille, à peine. Son regard peiné, perdu dans le vide. Elle ne voit plus Roderick qui s’avance, sa voix semble distante. Doucement, elle assimile. Le choc est sévère, tant pour elle que pour lui. Mais une donnée échappe encore à l’héritier. Un pan de son existence que Phaedre tient à taire encore un peu. Toujours ? Peut-être bien. Car en parler serait rouvrir des cicatrices qui ne se sont jamais bien refermées. Lui n’a pas besoin de savoir tout cela. A quoi bon torturer son âme ou souffrir de son indifférence, pour une chose dont il ne pourrait rien changer ? Phaedre s'emmure dans ses propres secrets.

Enfin, un oeil posé sur lui. Cherchant tour à tour un soutien et un coupable à blamer. Qu’elle l’accapare de ses malheurs, qu’elle fasse de lui son bouc émissaire. Tout est de sa faute, Roderick. Et lui qui feint l’indifférence. Qui se prétend fâché, atteint dans son orgueil. Arrogant si souvent qu’il ne sait plus faire autrement. « Tu pouvais au moins protester. » Qu’elle lâche, amère. Elle ignore s’il l’a fait, mais l’héritier a probablement cédé au premier regard paternel. Comme elle, jadis. Mais cette fois, c’était autre chose. Tout indiquait l’idée macabre. Celle qui commence dans le sang et s’achève à l’identique.

Il s’impatiente, Mulciber. Il se vexe, il s’emporte. La lassitude qui semblait le gagner s’efface. Installé sur un canapé, il s’agace de voir Phaedre si troublée. Pensait-il vraiment qu’elle se sentirait flattée? A l’inverse, elle a l’esprit qui s’agite. Elle pense à mille raisons de contredire l’éthique, d’aller contre l’union qu’on lui destine. « Tu veux savoir pourquoi c’est impossible ? » Elle hésite, Phaedre. Perdue entre doute et agacement. Les émotions s'emmêlent, sa voix tremble, mais elle poursuit. « Parce que tu es Roderick Mulciber. Le roi des imbéciles, le prince du “m’as-tu-vu”. Parce que tu fanfaronnes à la moindre occasion, parce que tout est prétexte à te mettre en avant. Parce que je vis dans l’ombre et que tu ne cherches que la lumière. » Elle s’arrête, surprise par sa propre verve. Honteuse, aussi. Parce qu’elle préfère faire mal, plutôt qu’avouer la vérité. Mais Phaedre est habituée à se taire. A jouer les poupées de salon, tout juste bonnes à distribuer des sourires. Alors elle continue. « Et parce que ces fiançailles sont bâties dans le sang et que ça me révulse. » Une part de vérité au milieu de tous ces demi-mensonges. L’héritier est plus complexe qu’elle ne veut l’admettre. Mais cruelle, elle espère qu’il souffre autant qu’elle a souffert. Juste retour de bâton, écorcher l’autre pour ne plus penser à ses propres blessures. « Et parce que s’ils cherchaient vraiment ce qu’il y a de plus juste, tu serais avec ma soeur, et je serais avec un autre. Si je me souviens bien, vous aviez tout pour vous accorder. » La froideur comme dernier coup de poignard. Elle n’a pas oublié, Phaedre. Les oeillades glissées à la cadette, les mots doux exprimés pour blesser.


Dernière édition par Phaedre Rosier le Sam 18 Nov - 0:55, édité 1 fois
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Sam 18 Nov - 0:51


Roderick n’a pas protesté. À quoi bon… ? Son père fera à son idée, ainsi qu’il fait toujours. Kenneth Mulciber ne s’est, en plus, pas encombré de l’annoncer vraiment. Cet accord infâme, s’il existe seulement, peut être en pourparlers ou déjà scellé par les deux patriarches. Impossible de le dire. La vérité, encore : Roderick n’a pas osé demander. Il ne saurait dire s’il a craint la certitude ou préféré le doute. Son sang s’est figé quelque part dans le poignet, à la base de la main dont il se sert pour la magie. Les phalanges paternelles s’y trouvaient, refermées telles des serres, voyant que le fils étreignait l’accoudoir de son siège. « Est-ce que tu te sens bien ? a-t-il demandé. » Un sourire a voleté dans ses deux yeux fixes, un rictus puissant. Roderick a fini par lui emprunter de sa suffisance et hoché positivement de la tête, ainsi qu’il fait toujours.

« Tu veux savoir pourquoi c’est impossible ?
-  Tu peux aussi attendre que je le devine... »

La langue claque au palais. Qu’elle y aille, qu’elle y vienne… Il jette une main négligente après Phaedre, comme s’il la pressait de finir ces simagrées. Mulciber attend après les lieux communs, les injures classiques, du grand Phaedre Rosier. Ses projections ne sont pas déçues, qu’il pourrait les prédire mot pour mot, et, néanmoins, son regard se fait plus dur. Au début, il croit que cela ne fait pas mal. Roderick sait qui il est, ce qu’il fait de son temps et de son image. Il n’est pas surpris des opinions qu’on se forge à son sujet et, pour la plupart, les encourage avec la totalité de son intelligente stupidité. Mais Phaedre, Phaedre n’a pas le droit… Elle exhume les cadavres et les jette en pâture, elle remue deux années de silence en cilice. Tout ce qu’ils ne se sont pas dit, ils s’apprêtent à se le hurler. « Oh, ça te révulse… ? » Sa moquerie est glaciale. Affûtée. Assassine. Ce ne sont pas ses mains à elle qui portent le sang de Slughorn. Elle n’a pas son visage spectral dans sa baguette. Bien que Roderick n’éprouve qu’un mince filet de culpabilité au souvenir du meurtre, il a toujours pensé partager le crime avec elle. Phaedre n’avait rien demandé mais elle a laissé faire et, la première, s’est parjurée. « Vraiment ? » Il se dresse sur ses jambes, Mulciber. « Elle est un peu tardive, cette jalousie. » Il ne nie pas, ni les faits ni les intentions. Le seul souvenir d’avoir frôlé Cassiopeia Rosier, sans toutefois jamais la toucher, lui inspire de la pitié pour lui-même. Il a honte, oui, il est mille fois mortifié de s’être livré à cette hypocrisie dans l’unique but d’attirer le regard de Phaedre.

« C’est ça que tu préfèrerais, que ton père vende Cassiopeia au mien ? Mais propose. Propose-leur ! Fais-moi plaisir, Phaedre. Maudite Phaedre Rosier, en est-il à cracher. Un coeur de pierre, aucun courage et deux fiancés morts qui m’en promettent de belles si j’avais le malheur d’être candidat à leur succession ! » Dans sa rage insensible, Roderick a fait trois pas vers elle. Ses poings sont rangés, serrés, dans ses poches. Ses yeux sont deux billes noires d’une pureté inhabituelle, totalement franches. « Tu as fait couler ce sang, sale hypocrite, autant que moi. Que croyais-tu qu’il allait se passer… ? vire le timbre au mépris. Que tu pourrais le tromper avec le roi des imbéciles et retourner te targuer d’une vertu qui, toi et moi le savons bien, n’existe pas ? Voyons... Tu es insipide, sévère et obéissante mais tu n’es pas stupide. » Il prend la mesure de ses mots et le pouls de sa haine. Il ne se prend pas de passion pour la trêve ou la reculade. « C’est ta vie, maintenant. Aucun de tes grands airs et de tes bons sentiments ne vont le ressusciter et faire oublier que tu t'es comportée comme une traînée. »
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Sam 18 Nov - 3:21


Une gifle fuse. La joue du Mulciber rougit sous le choc, et Phaedre de lui administrer dans la foulée un second coup, son poing fermé contre l'épaule. Elle voudrait lui faire mal. Blesser autant avec ses mains qu'il peut le faire avec les mots. Impossible, frêle créature en perdition face au colosse.  Il la domine de la tête et des épaules, mais elle sent une furie nouvelle monter en elle. Elle ne recule pas Phaedre. Elle l'a trop souvent fait, et pour quel résultat ? Et puisqu'ils en sont à vider leur sac, puisqu'il en est à régler ses comptes, elle décide de poursuivre à son tour. Qu'il l'insulte, qu'il l'humilie. Il ne fera rien de plus que ce qu'il a déjà fait. Phaedre, doucement, commence à être immunisée contre son poison. Cette rancœur qui grandit est une voie inconnue dans laquelle elle s'avance. Elle n'est pas douce, mais amère. Jalouse, emportée, sauvage. Et par la faute de Roderick, blessée. Deux ans qu'elle traîne son mal, sans savoir comment s'en défaire. Et si tout tenait dans ces cris ? Dans cette joute verbale, dans ces quelques insultes ? Et si tout ce qu'il lui faut, c'est hurler sa peine jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse ? Hurler à la face du vent n'a jamais eu raison de ses maux. A trop garder pour elle, elle a fini par maudire le Mulciber plus qu'il ne le méritait. A lui faire endosser des tords qui ne sont pas les siens.

L'extrémité de ses doigts qui fourmille sous le coup porté. La douleur qui se tait, tant la satisfaction est grande. Il se tait, enfin. Son monologue interrompue par la main de Phaedre abattu contre lui. « Raison de plus pour retourner d'où tu viens, Mulciber. On ne t'a pas dit ? j'attire la mort. Prends garde, cher Roderick, tu es le prochain ! » Sa baguette extirpée d'une poche de sa robe, qu'elle agite sous le nez de son tourmenteur. « On pourrait peut-être gagner du temps. » Chaque mot qui sort de sa bouche est d'une amertume redoutable. Il a vu juste, malgré qu'il soit à côté de la plaque. Elle est Perséphone dans son manteau d'Hiver, retournée aux Enfers pour y répandre la désolation. Dans le monde magique, la rumeur est tenace, Phaedre a consumé la vie de ses fiancés, comme une veuve noire trop pressée de s'en débarrasser. Elle n'a pourtant fait que subir, mais les bruits de couloirs sont plus forts que les faits avérés. Sa baguette baissée, elle point un simple doigt accusateur, qui se presse contre le torse de Roderick. Elle n'en a pas fini avec lui, et puisqu'il a montré le chemin, elle s'engouffre dans son sillage. « TU as tué. Parce que TU ne sais pas te contrôler. Parce que tu fais ce que tu veux, Mulciber. Ton papa sauve tout pour toi, pas vrai ? Les règles s'appliquent à tous sauf à toi. T'es pire qu'un gosse, t'es pitoyable. » Elle reprend son souffle, à peine. Ne pas s'arrêter, ne pas lui donner l'occasion d'en placer une. Finir coûte que coûte, en espérant que sa thérapie prenne effet. A chaque mot qui fuit ses lippes, elle sent un poids se détacher de ses épaules. « J'ai eu mes torts, et j'y pense tous les jours. Mais c'est toi... » Un nouveau coup contre le torse de l'héritier. Son fardeau s'allège encore. « C'est toi qui tenait cette foutue baguette. C'est toi qui tue, qui insulte, qui ment à la moindre contrariété. T'es rien qu'un lâche. » Elle s'interrompt. Quelques pas en arrière, comme pour contempler Roderick de bas en haut avec l'air méprisant qu'elle adopte à présent. Phaedre s'est tue trop longtemps. Alors, comme un dernier mot libérateur, elle achève, d'une voix vacillante « Tu n'as pas la moindre idée de ce que tout ça m'a coûté. Alors oui, je préfère encore te voir avec ma sœur plutôt que de revivre ça jusqu'à la fin de mes jours. » Avant de s'éclipser à l'autre bout de la pièce, une main sur la nuque, le souffle court, tournant ostensiblement le dos à Roderick. Elle en aurait d'autres à dire.. Deux années de silence qui brusquement trouvent leur écho. Mais l'exercice est épuisant.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Lun 20 Nov - 1:24


Elle semble tétanisée, Phaedre, clouée par la crudité du langage qu’il emploie contre elle. Triomphateur d’avance, Roderick se laisse prendre à cette impression de fragilité et de défaite, qui surmonte sa franchise d’une violence cruelle. Il regrettera bientôt, mais pas aux quatorze phalanges qui mordent sévèrement dans la chair de sa joue. Il se retient de porter une main à son visage ; il lui faut endurer sans broncher. Pourtant, la bile s’accumule dans sa bouche. Il manque de s’entamer la langue lorsqu’elle le frappe encore, cette fois de la paume à l’épaule. C’est plus vexant que ce n’est blessant et, bien que signe d’impuissance, il déteste que les femmes aient si belle autorisation d’en venir aux mains lorsque leur bouche manque de venin. Lui ne va rien faire en retour que se taire, pour un temps tout du moins. Dès lors, Mulciber a le temps d’observer les traits de la brune qui muent lentement en quelque chose de sale augure. Il est allé bien au-delà des limites, du nécessaire, de l’utile. Pire que tout : il n’en est pas le moins du monde soulagé. La haine excite la haine et, désormais, celle de Phaedre à son tour. Comme il doit être satisfait d’orchestrer, avec tant d’aisance et bien peu de moyens, des crimes si prodigieux...

« Arrête tes bêtises. » Roderick tressaille au chêne rouge qu’elle extrait des tissus et lui promène sous le nez. Du bord de la paume, il écarte une menace qu’il n’est pas assez stupide pour ne pas considérer une fois ou deux. Pourrait-elle le tuer ? Sans doute. Pour des raisons évidentes : pas maintenant et pas ici. Mais l’assassiner, oui, il est certain qu’elle le ferait sans s’engourdir le coeur. Ils sont tous capables de meurtre, à cette époque comme à la précédente, tous élevés par des meurtriers que les livres d’Histoire ont la faiblesse d’appeler des soldats. Comme il est commode de planquer les charognes refroidies, les flaques de sang et les effluves de mort… Les mauvais instincts rejaillissent sur les progénitures et, oui, Roderick a hérité des talents de meurtriers de son père en même temps que de sa protection contre le châtiment qui boitait après lui. « Comme si j’étais le seul à qui les règles normales ne s’appliquent pas… il commente avec trois degrés d’amertume. » Hypocrite est la belle, autant qu’elle est juste.

« J'ai eu mes torts, elle admet, et j'y pense tous les jours, elle ajoute sous l'oeil d'un Roderick qui se verrait bien l'interrompre et lui souffler que nul ne regarde et qu'elle n'a pas besoin de mentir. Mais c'est toi...
- Je ne vais pas m'excuser de l'avoir tué, souffre-t-il un nouvel assaut.
- C'est toi qui tenais cette foutue baguette.
- Je ne vais pas m'excuser, il répète. »

Mais elle n'écoute pas, Phaedre. Ou elle s'en moque. Mulciber serre les dents pour la laisser déblatérer des choses si vraies qu’il paraît dispendieux de les énumérer. À disposer d’un retourneur de temps, et malgré le marasme de ces deux dernières années entre eux, il commettrait le même crime. Slughorn aurait parlé, jeté l’opprobre sur Phaedre et sur leurs fiançailles. En mourant, il n’arrosait que Roderick du scandale. Oh, ils en ont parlé. Beaucoup. Souvent. Les pupilles exaspéraient le duelliste qui, de son côté et sous les bons conseils de son clan, prétextait l’accident. S’il ne l’était déjà, ses trois jours à Azkaban l’auraient convaincu de se défendre d’après les privilèges les plus iniques qui soient.

Comme si ça ne m’avait rien coûté... est-il tout près de dire. Roderick ne veut pas comparer, il aurait voulu partager. Il aurait voulu qu'elle lui parle, qu'elle soit là. Il aurait voulu lui coûter, lui aussi.

« C’est décidé ? finit-il par demander à la nuque de Phaedre. » Le timbre est brutal mais la voix fracturée. « On organise qu’ils changent d’avis... ? » La poignée de la porte pivote et le battant commence à céder alors même que Roderick cherchait un moyen de dire ce qu’il refusait, en même temps, d’entendre prononcer. Son réflexe consiste à le repousser vertement, et le bois tonne avec une note désagréable lorsqu’il retrouve sa niche. De l’autre côté, il sent que l’on pousse et une agitation s’éveille. Des voix. Un semblant d’ordre – leur souveraine est à l’intérieur. « Et quand ils vont décider qu’ils se foutent de ce qu’on en pense… c’est ce qu’on va faire, s’insulter ? moi d'assassin, toi de traînée ? » Curieusement, Mulciber demande avec une ferveur qui menace de craquer. « Jusqu’à ce que je devienne le troisième. » Le troisième à ne point survivre à ses fiançailles d'avec Phaedre Rosier.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mar 21 Nov - 23:54


L’assurance n’est plus qu’une façade. Le masque tient, mais la voix trahit l’incertitude. Ainsi, en lui tournant le dos, Phaedre a appris à écouter. Et cette voix changeante, ces mots réfléchis lui font prendre conscience que Roderick n’est pas si serein qu’il veut bien le montrer. Rassurant, de se savoir moins seule dans cet océan de faux semblants. Mais les mots, eux, font toujours sens, et aux questions qu’il pose, Phaedre n’offre aucune réponse. Même le silence s’avère être une injure. Car depuis le couloir provient un grognement grandissant. Phaedre se retourne pour voir Roderick faire barrage. Une dernière fois, il insiste. Elle ne sait plus, Phaedre, si tant est qu’elle ait jamais su. « On s’ignorera. On fait ça si bien... » Deux ans de silence, à parfaire leur indifférence mutuelle. A feindre de n’avoir jamais éprouvé le moindre intérêt pour l’autre. Le couteau sous la gorge, elle pourrait se résigner à reproduire ce schéma pathétique jusque dans les murs d’une demeure partagée. Combien de mariages fonctionnent ainsi ? Dans l’indifférence la plus totale, dans le mépris le plus complet. A défaut d’une solution, elle pourrait se contenter de cela. D’une vie de misère, châtiment pour ses crimes passés. Mais là n’est pas la clef, et Roderick le sait. Un dernier mot, un ultime couperet. Comme s’il n’en avait pas dit suffisamment. Mais cette fois, Phaedre se contente d’un sourire désolé. Si seulement il savait à quel point il fait fausse route. Perdu au milieu de ses certitudes, grossières erreurs qu’elle le laisse gober sans rechigner. Pourtant, c’est plus fort qu’elle. A force de souligner sa froideur, il a éveillé en elle un désir nouveau. Elle veut qu’il comprenne qu’elle a souffert plus qu’à son tour, Phaedre. Que ces mots qu’il balance, inconscient, sont comme une lame qui déchire toujours plus profond ses entrailles. Alors, quelques pas jusqu’à lui, dans le plus grand des calmes. Elle s’apprête à laisser deviner sa plus grande faille, mais elle est impassible, droite dans ses bottes juste avant de monter sur l'échafaud.

« Tu penses être le troisième à mourir par ma faute ? Si seulement tu disais vrai. » Le regret perce dans sa voix. Elle marque une pause, la lèvre inférieure tremblante à la pensée des mots sur le point de franchir ses lippes. « Si ton père compte sur moi pour lui offrir une descendance, j’ai peur qu’il fasse fausse route. Tu l’as dit toi même… Maudite Phaedre Rosier, juste bonne à semer la mort. » Sa phrase s’achève, voix cassée, mots éteints. Phaedre, brisée d’avoir laissé deviner son mal. Sa matrice n’est qu’un désert aride, où la vie peine à trouver sa place. Peut-être n’est elle pas vouée à enfanter. Ou peut-être cet échec n’était-il qu’à mettre sur le compte de l’exceptionnel. Mais elle se souvient de la douleur, Phaedre. De la solitude face à la vie qui lui échappe. De la peur, de l’impuissance. Et pour rien au monde, elle ne prendrait le risque de revivre cela.

Sitôt sa phrase achevée, elle fuit le regard de Roderick. La crainte qu’il lise en elle le surplus d’informations qui lui manque. L’envie de passer à autre chose, aussi. Elle est épuisée. Poussée dans ses retranchements, humiliée, insultée, bouleversée par cette rencontre qu’elle n’attendait plus. Craintive à l’idée que ces retrouvailles en appellent d’autres. Qu’une union naisse entre leurs cœurs desséchés. Phaedre, d’une main, ôte celle de Roderick de la porte qu’il maintenant fermée. Elle met fin à ce contact qu’ils fuyaient l’un et l’autre, à peine perturbé par la gifle donnée. Une proximité qui ne vise qu’à les séparer. Aussitôt, elle délaisse l’épiderme du Mulciber pour ne se préoccuper plus que de la porte qu’elle ouvre dans l’élan. Derrière, des colosses impatients. Un regard sur Phaedre et ils s’écartent pour la laisser passer. La sorcière se fait un chemin, sans un mot, sans un regard en arrière. Son masque d’indifférence a repris sa place sur ses traits délicats. Nul ne pourrait deviner l’étrange manège qui s’est tramé dans ce salon minable. Elle s’en va, l’âme en peine, noyée dans ses regrets.

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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 22 Nov - 3:20


Ils s’ignoreront, elle sanctionne avec flegme. Or, Roderick ne veut pas l’ignorer. Il veut la haïr. Il veut employer ses secondes à compiler des haines si raffinées et si savantes qu’elles lui alimenteront longtemps le coeur. Il veut la fureur, celle qui agite son pouls depuis que Phaedre s’est dressée contre lui et qui est plus infâme encore depuis qu’elle l’a giflé. Son sang lui bat les veines avec une violence inhabituelle, comme au duel, à la guerre, à la mort… Ce frémissement se meurt déjà, il étouffe, se confine tout au fond de sa poitrine et se disloque au-delà, dans les abysses. C’est là que gisent ces deux dernières années, et l’amertume qu’elles ont couché dans son être. Il a envie de dire que c’est elle, elle qui l’a ignoré et tenu à l’écart, qu’elle le fait mieux que lui. Ces accusations se perdraient dans le néant, Mulciber le lit à la figure de Phaedre, et il est déjà pressé de savoir si elle l’assassinera bientôt. Un amant, peut-être ; que l’Histoire ne soit que des cycles. De ses mains, ou plutôt de sa baguette ; elle vient de le menacer comme il pourrait déjà s’en plaindre auprès de la Justice. Au moins serait-elle inspirée d’attendre que leur mariage soit accompli, récupérant, de facto, son patronyme et la part de butin qui, de la fortune des Mulciber, lui reviendrait. Ce n’est pas le porteur du nom qui irait lui souffler des idées. Il est pressé de savoir, non d’accomplir.

Le monde extérieur pousse et Roderick résiste. Ses pupilles sont rivées à Phaedre. Elle compose avec une lueur, étrange et familière, dont il ne peut plus détourner le regard. Il y a quelque chose... Dans ce qu’il vient de dire ou ce qu’il vient de faire, il y avait une espèce, peut-être bâtarde, de vérité. Cette acuité ne lui sert à rien lorsqu’elle approche et pulvérise sa faculté de raisonner. La demi minute s’égrène à un rythme qui défie toutes les lois. Il devine, Mulciber, qu’elle s’apprête à dévoiler une chose terrible. Contre lui, présume-t-il au plus naturel. Inexplicablement nerveux néanmoins, il la scrute avec un recul impossible à prendre sur la porte. Il le faudrait, pourtant, car l’aveu ne sonne pas comme la confession d’un meurtre. Ce n’est pas qu’il soit le deuxième ou le centième… Tu entends, Roderick, tu ne seras pas le troisième à mourir par sa faute. Les syllabes, entassées les unes derrières les autres, choquent la surface de son esprit mais rien ne fait sens. La bouche s’entrouvre, dans l’espoir d’évider les premières questions qui lui montent à la tête en même temps que le vertige. « Qu’est-ce que tu veux dire. » La voix blanchie par les contorsions de ses tripes, il ne s’entend même pas parler. C’est que ses tympans bourdonnent, un bruit croissant qu’il a la curieuse impression d’avoir déjà trop éprouvé. « Non. » La main qu’elle pose sur la sienne le brûle et le fait tout de suite abdiquer. Il ne se passe guère plus d’une seconde avant que la porte ne cède franchement. Cette seconde a une infinité de nuances, de couleurs et de sons, toutes plus sidérantes et édifiantes les unes que les autres. Trois doigts, mécaniques, cherchent après sa baguette. Il ne la trouve pas. « Non, attends. » Quand il fait volte-face, et que le décor reprend en gravité et en tangible, elle s’évapore déjà. « Phaedre ! » À deux, à trois, les masses de chair et de muscles qui font escorte à la maîtresse des lieux retiennent Roderick de l’atteindre, ou même de l’essayer. S’il passe un bras par-dessus une épaule, on lui enfonce une pointe en bois entre les côtes. Sang-pur ou non, on ne le laissera pas la rattraper et on emploiera la violence nécessaire à le faire obéir. « Phaedre ! » Une silhouette le repousse dans le salon privé. Le type est plus grand que lui, baguette sortie et pointée en sa direction. Roderick ne discerne plus rien car le gaillard prend toute l’embrasure. Il souffle bruyamment ; un grapcorne de trois cent kilos parfaitement infranchissable. C’est Mulciber qui finit par récupérer sa respiration, sa hargne et son désespoir. On ne le laisse venir qu’à l’instant où il manifeste un calme relatif mais sérieux. « Je connais la sortie, repousse-t-il la main qui escomptait lui chaperonner l’épaule. Et gardez la monnaie, ne se retourne-t-il jamais sur les pièces répandues au sol tandis qu’on le pousse, selon un tracé des plus directes, vers la grand-porte du cabaret Rosier. »


La semaine suivante, 1h44

Il est revenu deux jours plus tard. L’entrée lui était interdite. Mulciber s'est montré les trois soirs suivants, n'a franchi le seuil qu'une seule, pour comprendre que Phaedre n'était pas là. Roderick a alors patienté que sept jours se soient perdus depuis leur entrevue.

Il aurait pu aller pleurnicher auprès de papa. Un mot entre Kenneth et Oreste aurait déverrouillé l’accès au cabaret. Phaedre, en revanche, aurait refusé de le voir, et encore de lui parler. Du reste, Roderick refuse que son père entende parler de l’affaire avant qu’il ne soit lui-même fixé. S’il a été tenté d’en discuter avec Lazare, son cousin, il y a également renoncé. Plusieurs de ses plans auraient mérité une relecture. Une oreille plus attentive qu’une autre aurait eu plaisir à entendre ses soupirs angoissés. Au lieu de quoi Roderick n’a rien dit ni fait qui sorte de l’ordinaire. Il a mené son quotidien comme si son crâne n’était pas ravagé par un incendie de sept jours. Aux vents violents, le combustible qu’il faut ; un feu intarissable et tapi dans ses entrailles, à lui faire crachoter du souffre jusqu’à ce qu’il arrête son idée.

Il fait nuit noire et il bat haut et fort le pavé du Chemin de Traverse. Sa démarche est, elle, plus incertaine. Il est ivre et trébuche, une chimie certes pas rare chez l’héritier de la maison Mulciber. « Un peu que je vais entrer ! » Roderick ricane à la face du portier. Pas le moins du monde impressionné, celui-ci s'efforce de le maintenir à distance sans avoir à le toucher. « J’ai droit d’entrer ! Tu sais q-qui j’suis ? » Les trois ou quatre bâtisses de part et d’autre du cabaret devraient bientôt en être, eux aussi, instruits. « Je m’appelle Roderick, Roderick Mulciber ! Et je vais ent-trer… Me touche pas ! » Le type relâche une étreinte qu’il n’avait guère fait que mimer. « Qu’est-ce que tu crois ! » Un crachat s’écrase à la pointe des bottes et se perd dans les interstices de la chaussée. « T’as qu’à les appeler, les rafleurs, ouais, ils sont... ils ont ? – sûrement que ça à foutre de leur soirée ! »

Il est vite apparu à Roderick qu’il ne pourrait compter que sur lui et ses propres talents. Le tapage est un allié très encombrant mais puissant. L’attention se focalise sur l’épicentre et maquille les abords. On est moins prudent, obnubilé par l’imminence d’une tragédie que l’on peut flairer mais pas anticiper vraiment. Ce mauvais spectacle, du fichu sale gosse que nul n’empêcherait jamais de s’amuser à outrance, lui correspond beaucoup trop bien. C’est l’épicentre.
Comme toute cette portion du Chemin de Traverse, Phaedre finit par céder à l’appel du vacarme. La fenêtre, à l’étage, est à peine crochetée qu’une ombre, de l’autre côté de la rue, transplane et s’engouffre dans l’ouverture. Passés les sortilèges qui protègent la plupart des propriétés des sorciers, Roderick se matérialise tout entier tandis que son double, un jumeau parfait, continue de vociférer en contrebas. Il ne s’en occupe pas, sa paume plaquée sur la bouche de la brune tandis que l’autre main, l’ayant d’abord délestée de sa baguette, la retient contre lui. « Ne crie pas, il souffle à son tympan. » Son timbre, invariable, tranche sévèrement avec l’affolement de son myocarde. Il prend trois bonnes secondes et un vague sourire pour se refaire une contenance : « C’est vraiment difficile de trouver quelqu’un qui sache faire illusion, même sous polynectar. Et je serai peut-être enfermé au Ministère ou à Azkaban dès demain matin à cause de… tout ça. » Les braillements et clameurs leur parviennent toujours, non que Roderick en ait quelque chose à faire. Son futur, à l’exception de la prochaine minute, lui est indifférent depuis que Phaedre l’a abandonné, pour la seconde fois, à son ignorance. « Alors je ne te demande qu’une seule chose. » Il parle si bas, Roderick, qu’il croit qu’il ne saura pas le dire.

« Est-ce que... est-ce qu’on a eu un enfant ? »
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Mer 22 Nov - 23:45


Une semaine, et des regrets à n’en plus finir. Phaedre a rejoué mille fois ces retrouvailles dans un coin de sa tête. Tour à tour insolente, aimable, indifférente ou absente. Chaque scénario ne faisant que l’embrouiller davantage. Phaedre, meurtrie par cette rencontre qui a laissé ses traces. Ravivant des souvenirs enfouis, meurtrissant son être et repoussant Morphée au loin. L’héritière, chaque jour, s’attend à un entretien qu’elle ne connaît que trop bien. Un préambule aux fiançailles, un simple rappel de son devoir de fille au sang pur. Mulciber, père cette fois, ce sourire carnassier, ce ton qu’on ne contredit pas, posé au centre de la pièce. Son père et le sien, résolus à opérer l’union. Mais rien ne vient. Et Phaedre, chaque jour, de repousser sa crainte et savourer sa délivrance. Et s’il parle, Roderick ? A-t-il déjà avoué ce demi secret, ce petit bout de honte que Phaedre lui a avoué ? Elle en doute. Leurs pères auraient parlé, Phaedre aurait senti le poids de l’humiliation s’abattre sur elle. A la place, sept jours d’un silence pesant.

Il a bien tenté, Roderick, de provoquer une nouvelle rencontre. Mais entre les murs de son cabaret, Phaedre est désormais plus protégée que tout l’or de Gringotts. Ce soir là, elle est épuisée. Une semaine au sommeil agité, à l’ombre grandissante d’un avenir incertain. Ses tourments tout entier lui occupent l’esprit. Assise sur un coin de son bureau, elle a le regard vide de celle qui s’est perdue sur le chemin de ses pensées. Phaedre, incapable de travailler, méprisant la liasse de papiers posée à côté d’elle. Elle ne saurait dire depuis combien de temps elle est là, apathique. Une minute, une heure ? Le temps s'égrène sans qu’elle n’y prenne garde. A quoi bon, demain sera pareil à aujourd’hui. Même attente douloureuse, même langueur en attendant d’être fixée sur son sort.

Dehors, le temps est à la discorde. Une voix s’élève, sourde et lointaine, quelque part en bas. Phaedre n’y fait guère attention. L’un des vices des lieux est d’être le refuge des ivrognes et des sots. Celui là est l’un ou l’autre. Ou un savant mélange des deux qui l’indiffère encore davantage. Mais le tapage prend une ampleur nouvelle. Curieuse, malgré tout, de connaître ce qui vient rompre sa torpeur, elle ouvre une fenêtre. La brise automnale lui arrache un frisson. Mais du spectacle au sol, elle ne devine rien. Elle n’en a pas le temps, Phaedre. Prise au piège de ses propres indiscrétions. Repoussée en arrière, une main sur la bouche pour taire le cri qui pourrait vouloir franchir ses lippes. Une autre qui s’empare de sa baguette, avant de la saisir par la taille pour la maintenir contre lui, Roderick. Une fraction de seconde, et le piège s’est refermé sur elle. Comme une enfant dévorée par sa propre curiosité, si facile à déjouer. Mais Phaedre ne s’adresse aucun reproche. Elle s’est trop préparée à cette nouvelle rencontre pour s’en montrer vraiment surprise. Sa bouche recouverte par la paume du Mulciber, elle ne peut qu’attendre qu’il se remobilise, docile. Là, le sourire. Il est prêt. Et d’une voix malhabile, qu’aucune diversion ne parvient à faire oublier, il parle enfin. Il est troublé, et Phaedre a pour lui une pitié nouvelle. Le sol ne se dérobe pas encore, sous les pieds du Mulciber. Bientôt, il prendra conscience de l’ampleur du séisme. Phaedre sait, elle est passée par là. Ces doutes, ces peurs, ce désespoir. Ce torrent d’émotions qui pour elle dura des semaines. Quelques minutes, pour Roderick. Qui ne rendent en rien la tâche plus facile. Sa main toujours aposée sur la bouche de Phaedre contraint la jeune femme à répondre d’un signe de tête. Non. La réponse est à mi chemin entre le mensonge et la vérité.

Et parce qu’elle ne peut se contenter de cela, elle pose ses mains sur le torse du Mulciber, à la fois ferme et délicate quand vient le moment de le repousser. « Il n’a pas eu le temps d’être quoi que ce soit. » Elle tremble, lâchée par ses nerfs, abandonnée par son courage. Elle ignore comment sa voix a pu lui obéir, l’effort lui semble considérable. Elle n’ose regarder Roderick, prostrée à quelques centimètres de lui. Peut-être préfère-t-il d’ailleurs qu’il en soit ainsi. Que ses prunelles se posent ailleurs pour qu’elle ne voit pas le contrecoup d’un tel aveu. Ses paupières s’abaissent, et comme un fantôme qui revient la hanter, la scène se rejoue devant elle. Ses cuisses en sang, ses pleurs qui ne trouvent que l’écho d’une chambre vide. Et cette souffrance intolérable, cette certitude que tout s’achève. Une part d’elle n’a toujours pas refait surface. Pour échapper à cette vision d'horreur, elle rouvre ses pupilles, brusque. Enfin, elle fait face. Relève la tête vers Roderick, les yeux embués de larmes qu'elle refuse de laisser couler. Deux ans, Phaedre. Deux ans pour faire un deuil quand il n'a que deux minutes. La pitié qu'il lui inspire ne connait pas de limites, mais elle sait qu'en un instant, tout peut changer. Parce qu'elle souffre ne signifie pas qu'il doit en faire autant. Elle connait trop bien l'animal pour le savoir sauvage et imprévisible. Injuste, parfois. Et il aurait tout le droit de l'être, si la peine de Phaedre s’avère incapable de le toucher. Elle semble vouloir parler. Hésite, puis se lance, incertaine. D’un souffle, elle murmure « Je suis désolée. » Pour Roderick ou pour un autre, nul le sait, pas même elle-même.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Jeu 23 Nov - 12:22


À ce non que le léger hochement de tête dessine, il est à la fois soulagé et déçu. Une réponse différente aurait conduit au même résultat. Sept jours durant, il s’est imaginé Phaedre lui dire qu’il a mal entendu, rien compris, tout inventé. Et, avant-hier, il s’en est persuadé dans le fond d’une bouteille. Roderick était en colère, contre elle et contre lui, ainsi qu'inexplicablement triste. Une vie tangente s’offrait à son imagination, un passage caché dans son existence, il y a deux ans de cela, et dont la débouchée lui resterait inconnue. Son avenir, aussi, devient nébuleux. Mais que lui importe ce futur-là...

Tétanisé par une vérité qui gagne en substance, Roderick ne bouge pas tout de suite. Ses rétines voilées tombent sur les mains de Phaedre, qui impriment un écart, et il finit par comprendre. Il s’éloigne, la libère. Ne lui concède pas plus d’espace qu’il ne se croit capable d’en supporter. Il a désespérément envie de la toucher et, néanmoins, une répugnance tacite lui envahit les sens chaque fois qu’il tente de la mirer droit dans les yeux. Il la déteste, il la déteste si fort… Mulciber lui veut un mal qu’il retient à deux mains, sans qu’il sache s’il escompte la protéger ou donner une forme spécifique à sa haine. Plein de questions et plein d’horreurs, il fixe difficilement ce qu’il ressent d’une seconde à l’autre.

« Est-ce qu’il. Est-ce que tu. »

À chaque tentative, il s’interrompt, mortifié que les syllabes prononcées à haute et intelligible voix donnent toute son épaisseur à la réalité. Aucun des héritiers ne cherche le regard qui l’évite. Roderick fouille au-dedans de lui. Il s’est déjà tout demandé, en rêve ou en pensée, et il s’était fixé une hiérarchie qu’il est finalement incapable de cracher. Que s’est-il passé. Combien de temps cet enfant a-t-il eu. Qui le savait. Pourquoi il l’ignorait. « Je suis désolée, dit-elle. » Les billes de Mulciber se braquent soudain sur Phaedre. « Tu m’as menti, rétorque-t-il. En ne me le disant pas… Tu m’as menti. Pourquoi ? » Deux poings serrés contre ses cuisses se fichent bien qu’elle soit désolée et ne veulent pas un gallon de sa pitié. Elle lui est parfaitement inutile, et même nocive.

Il aurait souhaité parler à sa sœur, et recueillir ses avis, dès son mépris passé. Elle aurait eu l’intelligence froide de tout comprendre à sa place et de lui expliquer ensuite. Car Roderick, lui, ne conçoit toujours pas les tenants et les aboutissants de ce silence et de ces affreuses blessures. Il lui est venu un milliard d’idées, et certaines des plus farfelues… Phaedre a tué cet enfant et patienté deux ans pour l’en meurtrir, pour se venger. Puisque le pire est toujours plus grandiose, il n’arrive pas à croire autre chose. Une fraction plus rationnelle de l’homme-enfant tient cette ineptie à distance mais il n’empêche qu’elle est là et qu’elle danse à la périphérie de sa vision ; maudite, maudite Phaedre Rosier.

« Pourquoi, répète-t-il sur-le-champ. » C’est un garçon, Roderick, les prunelles sur le sol et le coeur au bord des lèvres. Mais ses jointures d’homme blanchissent. « C’était mon enfant, autant que le tien. J’avais le droit de savoir. » Il ignore encore tout des détails et, cependant, il ne peut s'empêcher de penser que les choses auraient été différentes. D'une façon ou d'une autre, il aurait agi et causé une issue divergente. Avant la semaine passée, il ignorait que le souffle d’un enfant de son sang lui importerait à ce point… Ce soir, pourtant, il l'arbore comme son drame. « Tu n'étais pas sûre qu'il soit de moi, c'est ça ? » L'idée lui a maintes fois traversé la tête et les entrailles. Slughorn, le fiancé. Il aura pris de l'avance sur les noces et, déjà, Roderick se félicite d'avoir écourté la vie de ce chien. Pour aucune raison que son orgueil, encore.
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Sujet: Re: Toi, tu la contemplais, n'osant approcher d'elle, car le baril de poudre a peur de l'étincelle.   Jeu 23 Nov - 16:39


Rage, incompréhension, vaine maîtrise de lui-même. Un flot d’émotions qui bouleverse Roderick. Elle n’a pas besoin de le regarder pour savoir ce qui secoue son âme. Il apprend en un instant ce qu’elle a mis des mois à accepter. Ce qu’elle tente encore aujourd’hui de dompter: ce sentiment d’injustice, cette impression d’un immense gachi. Phaedre a gagné en maturité, à l’évocation de ce drame, mais Roderick, lui, part de zéro. Les iris noires du Mulciber semblent la foudroyer sur place. A présent qu’elle soutient son regard, elle se prend à regretter de l’avoir accroché. Il est dur, froid, avilissant, promesse de tourments à venir. Elle sait, Phaedre, qu’il n’a pour elle aucune bonté. Seule la colère pour moteur, et des questions auxquelles elle ne sait que répondre. Rien de ce qu’elle pourra dire ne trouvera un écho favorable.

« Pourquoi ? » Elle l’ignore. Deux ans pour trouver une réponse, pour préparer une justification. Rien qui ne vienne, sur l’instant. Elle se sait fautive, mais le Mulciber n’est pas exempt de tout reproche. Ce silence, il en est tout autant responsable. Pourtant, Phaedre ne se sent pas de l’accabler totalement. Hors de question pour elle d’endosser tous les torts, mais sa pitié retient ses coups. Elle pourrait, si elle voulait, diaboliser le père de son enfant. Rejeter la faute sur l’autre pour adoucir sa peine. Mais, si hargneuse en bien d’autres occasions, sur ce sujet, elle se fait tendre. Mélancolique d’un futur qu’elle n’a jamais connu, noyée dans un océan de regrets. Et puis elle n’est pas sotte, Phaedre. Elle n’oublie pas à qui elle s’adresse. Elle a noté ces poings serrés, cette colère difficilement maîtrisée. Elle sait qu’elle marche sur un fil, et que le moindre mot déplacé peut se payer très cher. Alors, prudente, craintive presque, elle s’élance. « Je t’ai vu retourner à ta vie d’avant avec une telle facilité… Papillonner avec l’une, t’afficher avec une autre… » Le visage de sa soeur, comme un souvenir furtif qui s’invite dans une conversation. Elle n’a jamais pris mouche devant ce rapprochement. Ni aucun autre, d’ailleurs. Phaedre savait parfaitement dans les bras de qui elle s’oubliait, alors. Il ne lui avait promis ni amour ni fidélité.  « Quand j’ai voulu te le dire, c’était déjà trop tard. Tout est allé si vite… Je me suis dit que ce que tu ne savais pas que tu avais ne pourrait pas te manquer. » Lâche, peut-être. Phaedre a gardé son deuil pour elle seule. Voir Roderick embrasser la vie, alors que la sienne prenait un tourment macabre avait été une punition bien plus injuste que ce qu’il imagine. Il est outré, bien sûr. Mais sa réaction souligne bien son égoïsme. Il est ainsi, Roderick. Pas un mot pour elle, uniquement des reproches. Pas un instant il ne cherche à savoir comment c’est arrivé. Il se moque éperdument de sa souffrance, de ses peurs. Il n’y a que son moi qui compte.

Phaedre le laisse aller à ses accusations. Elle hausse les épaules, las d’être pointée du doigt pour son incartade. Il était fiancé, lui aussi, il semble l’oublier bien vite. Elle a l’impression de rejouer la même comédie que la semaine passée. Sauf que cette fois, à l’insulte implicite, aucune gifle ne fuse. Phaedre se refuse à s’emporter contre un homme déjà à terre. Cet enfant, ce sujet, ont fait naître en elle un calme mesuré. A la place, elle soupire, se détache de Roderick et s’éloigne jusqu’à son bureau, contre lequel elle s’appuie. La distance, pour garder sa contenance.  « Bien sûr qu’il était de toi. » Elle fait mine que l’affront ne l’atteint pas, mais le sous-entendu est blessant. Phaedre n’est pas Roderick. Sur bien des points, elle est même tout l’inverse. Qu’il persiste à souligner chez Phaedre des défauts qui sont en réalité les siens montre à quel point il ne la connaît pas. Elle se hasarde, le regard incertain, ignorant si ses yeux doivent ou non accrocher le regard du Mulciber. « Essaie juste de te mettre à ma place. Quoi que je fasse, je faisais forcément le mauvais choix. » Alors autant que seule sa responsabilité soit engagée. Si c’était à refaire, elle referait tout à l’identique. Son regard, cette fois, saisi les billes noirs de l’héritier pour ne plus les lâcher. Elle supplie presque, la voix voilée dans sa prière. « S’il te plait crois moi, quand je te dis que je ne voulais pas te blesser. » En réalité, il était à l’époque le cadet de ses soucis. Ses doigts s’accrochent au pan de son bureau comme à un canot de sauvetage. Elle le serre jusqu’à ce que ses jointures deviennent blanches. Elle a peur, Phaedre. Peur qu’on l’accable alors qu’elle pensait faire au mieux.

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